Découvrez la vie et l'oeuvre de Rosalba Carriera

Rosalba Carriera, La Signora Rosalba, 4e quart 18e siècle, Nantes, musée départemental Dobrée

Rosalba Carriera (Chiogga, 1675 - Venise, 1757)

Le 26 octobre 1720, la Vénitienne Rosalba Carriera se fait élire à l'Académie royale de peinture et de sculpture de Paris sur proposition du peintre Antoine Coypel et de plusieurs de ses condisciples. Il n’y avait plus eu de femme élue depuis quarante ans et Rosalba est la seule académicienne pendant trente-sept ans. Invitée à Paris par le collectionneur et financier Pierre Crozat, qui l'avait rencontrée à Venise en 1715, elle devient la portraitiste la plus recherchée du tout-Paris : pendant son séjour, elle est accablée de commandes et assiégée du matin au soir par une foule de demandes de la famille royale, de l'aristocratie et d'une clientèle internationale. Son journal témoigne aussi des nombreuses visites d'artistes qui recherchèrent sa société : Watteau, dont elle fit le portrait, Largillière, Rigaud, La Fosse... Pendant les 18 mois de son séjour, elle réalise près d'une quarantaine de portraits dont celui du jeune Dauphin (Dresde, Gemäldegalerie Alte Meister), le futur Louis XV alors âgé de 10 ans, sans doute aidée, pour cet afflux de commandes, par sa soeur Giovanna, accompagnée de son mari, le peintre Antonio Pellegrini.
Issue d'un milieu modeste, Rosalba débutait comme dentellière - le métier de sa mère -, activité qui lui donna le goût des techniques fines et délicates, puis elle est initiée à la miniature par le Français Jean Steve fixé à Venise. Grâce au succès de ses boîtes à tabac prisées par les riches visiteurs du Grand Tour, elle acquit une renommée croissante et un carnet de commandes à l'étranger. Admise à l'Académie de Saint-Luc à Rome en 1705 avec un portrait en miniature, elle est reconnue comme l'une des premières miniaturistes européennes de peinture sur ivoire.

Rosalba Carriera, Portrait de jeune fille tenant un singe, sd, Paris, musée du Louvre

A partir de 1703, elle se spécialise dans la technique du pastel, apprise dans l'atelier vénitien du peintre Gisueppe Diamantini (1620-1705). Travaillant à même le support, sans dessin préalable, elle sut user, avec virtuosité et une grande rapidité d'exécution, de la souplesse du pastel, donnant à ses portraits une légèreté et une spontanéité nouvelles, par la fraîcheur des coloris, les transparences des modelés et le velouté de la matière comparable à un épiderme poudré. Elle sut ainsi capter l'évolution du goût de l'aristocratie pour le portrait d'intimité, en buste, propre à rendre la psychologie du modèle, à l'opposé des portraits à l'huile plus solennels. Dès lors sa réputation se répand en Europe, les touristes étrangers affluent et, en 1706, elle est appelée à la cour de Düsseldorf.

Rosalba Carriera, Jeune fille tenant une couronne de laurier, nymphe de la suite d'Apollon, sd, Paris, musée du Louvre

A Paris, elle lance la mode du portrait au pastel encore peu en usage, impressionnant le jeune Quentin de La Tour notamment. Faisant l'éloge de son morceau de réception à l'Académie, Nymphe de la suite d'Apollon (Paris, musée du Louvre), Le Mercure de France reconnaissait en février 1722 que la "Damoiselle a trouvé l'art de traiter ce genre de peinture d'une manière où personne n'y est arrivé avant elle".
Plus tard, elle est invitée en 1723 à Modène par la famille d'Este, puis, dans les années 1730, à la cour d'Autriche à Vienne. A partir de 1745, sa vision s'affaiblit : opérée de la cataracte, elle perd cependant la vue quelques mois plus tard.
La grâce de sa manière, son style vaporeux et ses nombreuses figures de femmes en font une portraitiste du féminin par excellence et sans doute l'une des femmes peintres les plus célèbres du début du XVIIIe siècle.

Hélène Meyer

Sélection d'oeuvres de Rosalba Carriera sur la base Joconde Pop

Bibliographie
Carriera Rosalba, Journal pendant mon séjour à Paris en 1720-1721, éd. Les Presses du Réel, Dijon, 1997
Sani Bernardina, Rosalba Carriera, éd. Umberto Allemandi, Torino, 1988