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Laure Albin Guillot (Paris, 1879 – Paris, 1962)

Laure Albin-Guillot, Suzy Solidor, artiste lyrique, vers 1930, Paris, Centre Pompidou, MNAM-CCI

La photographe parisienne Laure Albin-Guillot fait ses débuts professionnels dans le domaine de la mode, puisqu’elle collabore régulièrement avec les magazines Le Jardin des modes, Femina, L’Officiel de la couture et de la mode, Vogue. Pour les produits de luxe (horlogerie, bijouterie ou mode), elle élabore un répertoire fait de schémas visuels simples et efficaces. Elle réalise aussi de nombreuses annonces pour les industries cosmétiques et pharmaceutiques, secteurs d’activité très dynamiques à son époque. Si la presse fait appel à la photographe, c’est aussi pour son talent de portraitiste du Tout Paris. Alors qu’elle s’entoure de personnalités du monde intellectuel, artistique, et scientifique, elle parvient à mettre en valeur ses modèles avec son appareil : Suzy Solidor , Cristobal Balenciaga, Jeanne Lanvin … C’est en pionnière qu’elle aborde, dans les années 1920, les photographies de nus féminins mais aussi masculins, qu’elle traite de manière idéale et sculpturale, en référence à la statuaire.
Elle participe au Salon international de photographie, organisé par la Société française de photographie, ainsi qu’au Salon des artistes décorateurs. Lors de l’Exposition internationale des arts décoratifs et modernes de 1925, elle expose une série de portraits de décorateurs, d’ensembliers et d’artisans d’art (André Groult, Jacques Emile Ruhlmann, Jules Leleu) et revendique pour elle-même le statut d’artiste décorateur.

Laure Albin-Guillot, Micrographie, 1929, Paris, Collection Roger-Viollet

En hommage à son défunt mari, le docteur Albin Guillot, chercheur spécialisé dans les préparations microscopiques, elle fait paraître, en 1931, un portfolio de grand format, tiré à trois cent cinq exemplaires, intitulé Microphotographie décorative, qui comporte vingt-cinq planches imprimées en héliogravure sur papier teinté et métallisé, révélant la beauté formelle de diatomées, de cristallisations minérales et de cellules végétales.

Laure Albin-Guillot, Les tierces alternées, Illustration pour les Préludes de Claude Debussy, 1948, Bièvres, musée français de la Photographie

Femme d’influence, tissant habilement ses réseaux, Laure Albin-Guillot occupe de nombreuses positions de pouvoir. Nommée par Paul Léon, directeur des Beaux-arts, en 1932, chef du service photographie des Beaux-Arts, elle assure la conservation des archives photographiques des Beaux-Arts et la diffusion des reproductions des œuvres et des bâtiments nationaux. L’année suivante, elle prend la direction de la Cinémathèque nationale, elle conçoit un vaste projet de musée réunissant les « arts mécaniques » (photographie, cinéma, disque), qui ne voit finalement jamais le jour. Présidente de l’Union féminine des carrières libérales, elle co-organise la grande exposition des femmes artistes d’Europe en 1937, au Jeu de Paume, où plus de cinq cents œuvres sont présentées. Si, en 1940, elle met fin à ses fonctions officielles, à l’âge de soixante-douze ans, elle demeure toujours active dans le studio du boulevard Beauséjour. Elle y réalise nombre de portraits de particuliers, venus chercher auprès d’elle une photographie de qualité et une signature reconnue. De nouveau, elle répond aux commandes pour des travaux commerciaux, en particulier pour la mode, puisqu’elle continue de publier dans la presse spécialisée. A la fin de sa vie, elle s’engage dans la publication de livres d’artistes, qu’elle illustre de photographies : Cantate de Narcisse et Arbres de Paul Valéry, Ciels de Marcelle Maurette, Splendeurs de Paris de Maurice Garçon, Cypris d’Henri de Montherlant et enfin les Préludes de Claude Debussy. « J’ai fait accepter la photographie dans la bibliophilie », écrit-elle. En 1956, elle arrête sa carrière professionnelle et se retire à la Maison nationale des artistes de Nogent-sur-Marne.

Franny Tachon

Bibliographie
Desveaux Delphine, Laure Albin Guillot : l'enjeu classique, catalogue d'exposition, Paris, Jeu de Paume, 26 février-12 mai 2013, Lausanne, Musée de l'Élysée, 3 juin-25 août 2013, Paris, Jeu de Paume, La Martinière, 2013
Pohlmann Ulrich (dir.), Qui a peur des femmes photographes ? 1839-1945, catalogue d’exposition, Paris, Musée de l'Orangerie, Musée d'Orsay, 14 octobre 2015-24 janvier 2016, Paris, Hazan, 2015
Bouqueret Christian, Les Femmes Photographes de la Nouvelle Vision en France 1920-1940, catalogue d’exposition, Paris, Hôtel de Sully, 3 avril – 7 juin 1998, Chalon-sur-Saône, Musée Nicéphore Niépce, 19 juin – 13 septembre 1998, Evreux, Musée de l’Ancien Evêché, octobre – novembre 1998, Paris, Editions Marval, 1988