2000 ans d'art du verre
Cette exposition synthétise l'étude du fonds occidental (15e-20e siècles) de verrerie du musée des beaux-arts à Dijon, mise en ligne sur Joconde, le catalogue collectif des collections des musées de France. Elle révèle l'importance et la qualité de ces pièces, conservées habituellement dans les réserves.
Crédits : ce contenu était originellement publié sur le site Joconde. Il a été constitué en 2006 par Catherine Gras, conservateur au musée des beaux-arts de Dijon et Jeannette Ivain du Service des musées de France. Les notices du musée sont en ligne sur POP, plateforme ouverte du patrimoine.
Une collection significative
En relation avec l'exposition "Formes et transparences, 2000 ans d'art du verre dans les collections du musée des beaux-arts de Dijon" (exposition du 18 mars au 31 décembre 2006), voici une présentation de la collection de verrerie du musée des beaux-arts de Dijon qui a fait l'objet en 2005 d'une étude du fonds occidental (XVe - XXe siècles) révélant l'importance et la qualité de ses pièces, conservées habituellement dans les réserves.
Par son origine et le hasard des acquisitions, legs, dons, dépôts, le musée des beaux-arts de Dijon témoigne de la richesse et de l'exceptionnelle diversité de ses collections et permet de présenter quelques objets archéologiques et d'évoquer de nombreux pays d'Europe.
Cette exposition dévoile des chefs d'œuvre du musée des beaux-arts de Dijon, et donne des repères pour connaître les grands courants artistiques, les techniques de fabrication ainsi que les principes de conservation de ce matériau très particulier.
Collection de verrerie
Comme souvent dans le domaine des arts décoratifs, le musée doit la richesse et la variété de sa collection de verrerie à la générosité de nombreux donateurs.
Anthelme et Edma Trimolet
Le legs d'Anthelme et Edma Trimolet (1878) est sans conteste le plus important de tous. Le couple d'artistes lyonnais rassemble des œuvres de l'Antiquité au XIXe siècle, avec une prédilection pour les XVe, XVIe et XVIIe siècles (1919 pièces). Dans cette collection éclectique qu'ils offrent à la Ville de Dijon, figurent 55 pièces de verrerie des XVIe et XVIIe siècles principalement des objets de Venise et de Bohême.
Henri et Sophie Grangier
Les dijonnais Henri et Sophie Grangier sont fascinés par l'époque médiévale et la Renaissance ; ils lèguent en 1985 leur collection d'œuvres d'art à la ville de Dijon, comprenant 21 objets de verrerie avec une prédilection pour l'Ecole de Nancy (Daum et Gallé).
Marie-Henriette Dard
Marie-Henriette Dard hérite de la collection de son père le Baron Pierre-Jean-Baptiste Pichot l'Amabilais qu'elle lègue en 1916 au musée de Dijon, qui reçoit ainsi un ensemble unique de primitifs suisses et allemands, quelques pièces de verrerie figurent au nombre de l'importante donation.
Comtesse d'Armandy
Les propos favorables recueillis sur le musée auprès de ses amis encouragent la Comtesse d'Armandy à donner, en 1936, des objets de verrerie antique, rassemblés avec son époux durant les onze années passées en Egypte, ainsi que des objets russes collectés grâce aux alliances contractées par sa famille.
Autres amateurs
N'oublions pas d'autres amateurs qui, par leur généreuse intention, ont également enrichi les collections de verrerie : Alexandrine Dècle (1896), Madame Morel-Retz (1920), Madame Henri Roydet (1930), Madame Maurice Dubois (1935), Henri Breuil (1972).
Pierre et Kathleen Granville (1969), grâce à leur importante donation font entrer un vase de Gallé, alors, que plus récemment, en 1990, Angèle Jardet, par son legs, laisse un vase de Daum au musée..
Les dépôts
Certains musées français participent également à l'enrichissement des collections par le moyen de dépôts : le Musée du Vin de Beaune (un gobelet) et le Fonds National d'Art Contemporain (le vase de l'établissement dijonnais Jean Noverdy).
Antiquité et 0rient
Antiquité
Le Proche-Orient est le berceau de l'industrie du verre et ces régions de la Méditerranée connaîtront tout au long de l'Antiquité romaine des ateliers réputés.
Apparu dès le IIIe millénaire, le verre ne fut tout d'abord utilisé que pour la fabrication de perles. Les premiers récipients réalisés dans cette matière se rencontrent à partir du IIe millénaire en Mésopotamie, puis en Egypte. La production d'un verre opaque et coloré apparaît au Moyen Empire à la XIIe dynastie (vers 2060 - 1785 av JC).
Cette pâte de verre colorée est décorée d'incrustations polychromes, on l'enrichit d'applications de filets de verre de couleur.
L'objet le plus ancien de la collection est la petite amphore ("amphoriskos"), comparable aux exemplaires phéniciens des VIe et Ve siècles av. J.C.
A l'origine le verre est moulé. Le soufflage du verre constitue un progrès capital qui transforme radicalement l'histoire du verre, dans la 1ère moitié du Ier siècle av. J.C. (Phénicie). Ce changement de technique permet la grande diffusion des objets, grâce à la rapidité d'exécution et à la possibilité de créer une grande variété de formes.
Le verre soufflé n'apparaît en Egypte que vers le IIe siècle ap. J.C., à l'époque grecque et romaine (30 av. J.C. - 395 ap. J.C.).
On trouve des ustensiles pour la vaisselle (verres, assiettes, plats...), la toilette (balsamaires, aryballes contenant des onguents, des huiles et du parfum) et la parure (bracelets, boucles d'oreilles, perles). Le musée conserve deux objets utilisant cette technique, une coupe et un fragment de pyxide.
Orient
Après la période copte (395 - 641), l'Egypte est conquise par les Arabes en 639. Ils y introduisent leur langue, leur civilisation et leur art. Les traditions verrières se poursuivent sous la domination musulmane en Syrie et en Egypte, de même qu'en Irak et en Iran, avec l'avènement de la dynastie des Mameluks (1250 - 1450) et spécialement au Caire, grande capitale du nouvel empire. La verrerie islamique connaît son apogée artistique avec des pièces au riche décor émaillé et doré (bouteilles, coupes, lampes de mosquée). Le décor joue sur un répertoire géométrique (entrelacs, médaillons), floral (palmettes, fleurs) ou animal. Le musée conserve un objet provenant d'Egypte, une bouteille datée de la période Mamelouk de 1390 à 1517.
Venise, Bohême, Angleterre
La formule consacrée "façon de", utilisée pour désigner les trois grands types de production, réunit des notions extrêmement variées relatives à la géographie, à la chronologie du verre, à la matière, à ses propriétés, ainsi qu'aux techniques décoratives.
Les tentatives d'imitation du cristal de roche sont à l'origine de la découverte, au XVe siècle, du cristallo par les verriers vénitiens, installés sur l'île de Murano. Les qualités de transparence, de finesse et de légèreté caractérisent le verre cristallin. Toutefois, la teinte légèrement jaunâtre des pièces à la manière de Venise signale leur origine espagnole.
Façon de Venise
La production à la "façon de Venise", héritière du savoir antique, a exclusivement recours aux techniques du soufflage à l'air libre ou du moulage pour obtenir des formes élégantes et offre un éventail considérable de possibilités décoratives (décors moulés, craquelures, inclusions, millefiori, applications et revêtements). La production à la "façon de Venise" entame progressivement son déclin au XVIIIe siècle, pourtant Angelo et Osvaldo Brussa relancent le décor émaillé de qualité à la fin du siècle, tandis qu'Antonio Salviati (1816-1900) possède un atelier florissant grâce à des réalisations inspirées de modèles anciens.
Façon de Bohême
Dès le début du XVIIe siècle, la Bohême figure parmi les nombreux pays européens séduits par les pièces vénitiennes exportées et le savoir-faire des verriers. Les artistes bohémiens, toujours fascinés par les qualités du cristal de roche, mettent à présent au point une matière d'une grande dureté tout en préservant sa translucidité. Les pièces massives reçoivent dès lors un décor gravé et taillé. La bichromie, révélée par la gravure, constitue l'une des techniques décoratives de la "façon de Bohême".
Façon d'Angleterre
Les réalisations à la "façon d'Angleterre" apparaissent comme un compromis entre les deux autres grandes manières. La solidité du cristal (cristal au plomb = " flintglass "), enrichi en silicate de calcium et en oxyde de plomb approprié au soufflage, extrêmement brillant, permet un décor taillé et gravé, tandis que la brillance et les inclusions de baguettes filigranées plus ou moins complexes dans la jambe ("twists"), évoquent l'un des procédés décoratifs typiques de la "façon de Venise".
Productions françaises
Emile Gallé
Fasciné par les sciences de la nature, le décorateur et verrier de Nancy Emile Gallé (1846-1904) va, dès sa collaboration à l'entreprise en tant que directeur des ateliers d'art, considérablement développer le décor naturaliste et progressivement l'enrichir d'un sens symbolique empreint de préoccupations métaphysiques. Cette véritable passion, comme en témoignent ses voyages d'études à l'étranger, ses amitiés et ses correspondances avec les horticulteurs, les botanistes, les phytogéographes, les orchidophiles et les mycologues français et étrangers, ainsi que la création d'une société savante d'horticulture à Nancy conduit à un nouveau style : l'Art Nouveau.
Emile Gallé n'en néglige pas moins les autres sources d'inspiration. L'art japonais connaît rapidement un vif succès en raison de l'omniprésence de la faune et de la flore tandis qu'il ajoute l'iconographie du Moyen Age et l'art islamique à son répertoire décoratif. Le verrier introduit également des formules et dictons extraites des Contes des Milles et unes nuits, des Evangiles, des écrits des auteurs grecs et latins et de la littérature moderne et contemporaine françaises et étrangères.
Les frères Daum
Fondateurs de l'Ecole de Nancy aux côtés d'Emile Gallé, Auguste (1853-1909) et Antonin Daum (1864-1930), se passionnent également pour la flore à laquelle ils parviennent véritablement à insuffler la vie. Comme pour Emile Gallé, la verrerie parlante constitue un précieux vecteur d'expression.
Philippe Joseph Brocard
Philippe Joseph Brocard ( ?-1896) maintient l'emploi d'émaux polychromes, hérités de la verrerie islamique, qu'il découvre lors de son activité initiale de restaurateur d'objets d'art et d'antiquités, pour le décor naturaliste d'inspiration Art Nouveau.
Jean Noverdy
Actuellement plus connu pour ses luminaires, l'établissement Jean Noverdy, installé à Dijon dans les années 1920, travaille dans le style Art Déco, qui se développe entre 1920 et 1930, comme en témoignent les lignes épurées et l'emploi de couleurs vives.
Autres provenances
Un certain de nombre de pièces qui n'ont pu être rattachées aux trois "grandes façons" sont alors regroupées selon leur pays d'origine. Cette classification met ainsi en évidence les formes et les décors propres à chacun d'eux.
Allemagne
Le "Römer", avec sa forme tout à fait typique conserve son appellation d'origine allemande. Il se compose en effet toujours d'un verre fortement ventru porté par un pied concave à base plate. En revanche, les petits anneaux de verre mobiles tintant au contact de la pièce, issus de la production allemande, sont rapportés sur des gobelets d'aspects différents.
Pays-Bas
Les objets en verre ou cristal avec décor gravé à motif iconographique et de fleurs, semble une production extrêmement développée aux Pays-Bas.
Espagne
L'entonnoir à parfum ou à liqueur témoigne des dix années d'intense production de la verrerie de La Granja de San Ildefonso, construite par le roi d'Espagne. Elle exploite un décor floral gravé et doré, composé de brins de muguets autour d'une fleur de tournesol, qui devient une véritable signature.
Russie
La dorure semble un revêtement décoratif particulièrement apprécié des artistes russes qui aiment en rehausser les portraits des tsars et des tsarines apposés afin d'en célébrer les règnes. Ainsi quelques objets en verre garvé et doré ont été exécutés en l'honneur de l'impératrice Elisabeth Petrovna (1741-1762).
Fabrication et décors
Le verre résulte de la fusion (1440°) d'un vitrifiant (silice) d'un fondant (soude) et d'un stabilisant (calcaire). Il a su acquérir par l'adjonction de matières colorantes et par un façonnement recherché, un caractère précieux en diffusant et rétractant la lumière.
L'extrême malléabilité du verre à chaud, les effets de transparence et de couleur n'ont cessé de fasciner les artistes qui sont parvenus à exploiter toutes les fantastiques propriétés de la matière.
Techniques de fabrication
Les dénominations des trois techniques employées dans la fabrication de pièces de verre rappellent les actions à accomplir.
1/ le coulage : cela consiste ainsi simplement à faire couler le verre en fusion dans un moule, puis à démouler l'objet.
2/ le moulage : les flacons de senteurs à décor héraldique, issus de la verrerie royale d'Orléans, constituent la meilleure illustration de la technique du moulage. Les créations de Bernard Perrot (1638-1709) sont ainsi soufflées dans des moules deux pièces.
3/ le soufflage : le soufflage à l'air libre requiert sans aucun doute la plus grande habileté. Le verrier prélève la pâte en fusion (paraison) au bout de sa canne par des mouvements de rotation continus, puis la roule sur le marbre, avant de lui donner une forme de poire en soufflant dans sa canne. Il modèle ensuite l'objet à l'aide d'outils, tout en effectuant des mouvements de moulinets ou balanciers. Le verrier joue sur la transparence (verre translucide ou verre opaque), la coloration naturelle ou bien la teinte née de l'ajout de pigments.
Techniques de décors
La division du répertoire décoratif en deux catégories est suggérée par les possibilités de traitement de la matière en fusion ou à froid. Leur combinaison permet de multiplier indéfiniment les formules.
1/ L'intervention directe sur la matière : les côtes, les spirales et les alvéoles moulées, les craquelures dues à un choc thermique, la taille et la gravure sont obtenues par l'intervention directe sur la matière.
2/ L'apport de matière : les inclusions ("aventurine", filigranes peignés, filigranes simples ou torsinés et "latticinio"), le "millefiori", les applications (pastillage, filets rapportés et éléments décoratifs) et le revêtement (émail, étain et dorure) sont issues d'un apport de matière.
Conservation et restauration
Conservation préventive
En raison de son extrême fragilité, le verre redoute avant tout les risques de casse, occasionnés par les chocs mécaniques. Mais de multiples attaques, moins brutales et bénignes en apparence, menacent également ces objets. Le verre demeure, tout au long de son existence, un matériau sensible à son environnement.
De même, une humidité relative comprise entre 45 % et 50 % est préconisée afin d'éviter la déshydratation du verre caractérisée par un phénomène de transpiration et de solarisation (micro-fissures, surface devenue rosacée, grasse et embuée).
La poussière chargée de particules polluantes participe au développement d'une enveloppe agressive. L'usure, ainsi que l'écaillage de la dorure et de l'émail sont le signe des avaries du temps.
Restauration
L'état de certaines pièces nécessite parfois une intervention de restauration (nettoyage à l'eau claire et à l'alcool). Les produits de collage sont sélectionnés selon leur indice de réaction qui soit être identique à celui du verre. Les lacunes obligent à un moulage ou à un comblement des parties manquantes. Le polissage permet enfin d'atténuer les traces de collage et de comblement en unifiant la surface.
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