La DRAC Occitanie soutient depuis plus de vingt ans un programme de protection, conservation et valorisation du patrimoine maritime et lagunaire du Golfe du Lion, et a joué un rôle moteur dans la sauvegarde du Pailebot Miguel Caldentey.

Un évènement attendu après 10 ans de restauration :  la mise à l’eau du bateau classé le Miguel Caldentey pour rejoindre son port d'attache Port-Vendres

La DRAC Occitanie soutient depuis plus de vingt ans un programme de protection, conservation et valorisation du patrimoine maritime et lagunaire du Golfe du Lion, et a joué un rôle moteur dans la sauvegarde du Pailebot Miguel Caldentey. Si sauvegarder est la démarche première des Monuments historiques, cette sauvegarde n’incombe pas uniquement à l’État et il faut saluer les initiatives de collectivités territoriales et des associations.

Le Miguel Caldendey dit Principat de Catalunya est un des premiers bateaux classés en Occitanie, en 1988. C’est un bateau prestigieux, type goélette, appelé localement pailebot construit à Palma de Majorque, destiné au commerce des oranges entre les Baléares et le continent, et au cabotage entre Barcelone, Port-Vendres et Marseille.

Le Miguel Caldentey, c’est avant tout un aboutissement ; celui des savoirs faire des maîtres de hache. Bateau de charge du port de Soller aux Baléares, sa « naissance » correspond à la signature par le roi d’une autorisation de construction en date de 1913. Enfin, il sera construit en 1916 par le chantier LLompart-Mateu de Palma de Majorque pour Don Miguel Caldentey son armateur. Initialement conçus pour commercer avec l’Amérique, ces pailebots verront leurs navigations s’adapter à la conjoncture économique, et à la fin de la propulsion vélique.

Comme ses congénères, il sera en activité sur le bassin Méditerranéen jusque dans les années soixante. Du sable, de la pierre, mais sa marchandise courante sera le transport d’agrumes. Chargé dans le sud de l’Espagne, il desservira tous les ports emblématiques Français en eaux profondes : Port-Vendres, Port la Nouvelle, Sète, Toulon, Marseille, il échappera parfois des paquets de ses marchandises en ponté à la mer. Happés par le mauvais temps en hiver pour le bonheur des autochtones comme l’exprimait un ancien pêcheur Gruissannais :

« En hiver, c’était dur ! Parfois on allait sur la plage de la vieille Nouvelle ramasser les oranges perdues des pailebots pour faire de la confiture ».

Le Miguel Caldentey est un pur-sang, construits pour la propulsion vélique et ses lignes laissent présager un bon marcheur auquel est venu se greffer ultérieurement une propulsion mécanique. Le progrès aura raison de son activité et le bateau entame sa deuxième vie en 1973 après plusieurs années d’errance. Il devient propriété d’un particulier puis de la municipalité de Canet en Roussillon qui le maintiendra en état à quai pendant de nombreuses années. Fleuron de la ville, il reste le siège de l’école de voile et celui de tous les conseils municipaux.

La goélette est classée au titre des Monuments Historiques, mais en 1994, sur un coup de mer, elle vient s’abîmer contre le quai qui l’abrite depuis tant d’années. Reléguée dans l’arrière port, elle fait naufrage et ne cesse de se dégrader. En 2005, ce « cimetière » naturel est urbanisé et les velléités destructrices des pelles mécaniques alertent. Grâce aux efforts conjugués de la CRMH (Robert Jourdan, conservateur régional et Olivier Poisson, inspecteur général), du conseil départemental, de la commune de Port-Vendres et des associations patrimoniales, un projet de sauvegarde est envisagé et le Miguel Caldentey est renfloué et mis à terre au chantier Bernadou.

La coque semble vouée à une disparition certaine au regard de son état. Pourtant en 2006, pour les quatre vingt dix ans du bateau, une expertise globale est faite par Yann Pajot du Conservatoire Maritime et Fluvial des Pays Narbonnais sous l’œil attentif d’André Aversa Charpentier de marine sétois. De Palma de Majorque à Sète, du chantier d’insertion de Mandirac sur le canal de la Robine près de Narbonne, en passant par les ateliers de la mémoire sur l’Ile de Sainte-Lucie dans le parc régional de la Narbonnaise, Yann Pajot est l’héritier des savoir-faire de la charpenterie marine méditerranéenne.

Un projet de restauration voit le jour. La coque sera restaurée à Narbonne dans l’Aude par le chantier de charpenterie de marine du Parc Naturel Régional de la Narbonnaise en Méditerranée. Celui là même qui a vu renaître la Marie Thérèse, dernière barque de patron du canal royal, plus vieux bateau d’Europe naviguant et qui aujourd’hui accueille le plus vieux bateau de travail à voile des côtes de France, le bateau Bœuf Espérance.

Un chantier emblématique et particulier se met en place avec pour vocation première, la réinsertion professionnelle au travers de la restauration de « mobiliers classés » ou à forte valeur patrimoniale. Un Syndicat Intercommunal à Vocation Unique est crée et devient propriétaire de la goélette, regroupant les communes de Port-Vendres et Argelès-sur-Mer. Fin 2006, l’équipe du chantier est missionnée pour effectuer des travaux de première urgence sur la coque pour permettre à la structure après une remise dans ces formes d’envisager un levage puis un transport routier.

Soixante-dix kilomètres et trois jours de transport, du 26 au 29 janvier 2007, ont été nécessaires pour déposer le bateau sur sa future aire de restauration. Un processus de restauration proprement dit est alors engagé, validé par un comité de pilotage dont l’objectif est le projet d’exploitation du navire, couplant une exploitation au commerce avec un accueil de passager lors des navigations.

Dans le respect du bateau Monument historique, une restauration de grande ampleur a permis au système constructif de retrouver toute sa cohésion. Il a fallu « la quête de l’idéal » réalisée par le forestier en adéquation avec le charpentier pour trouver ces bois tords, de fil, et remettre en exergue ces savoirs faire spécifiques tout comme ceux des maîtres de haches. Respect des périodes de coupes, de séchage, de la quincaillerie d’origine, de la mise en œuvre du matériau sont aussi l’une des spécialités de ce chantier d’insertion.

Aujourd’hui, la pertinence et la persistance de ce travail d’équipe qui regroupe depuis dix ans, institutionnels, propriétaires, associations, hommes de l’art portent leur fruit et la goélette a été remise à l’eau le 18 mars 2020,veille de la Saint Joseph (fête des charpentiers) sous l’œil attentif de Yann Pajot, expert du Ministère de la culture  pour le patrimoine maritime méditerranéen.

Texte extrait de Palouzié (Hélène), Yann Pajot (Yann). “ La saga du Miguel Caldentey : les voiles latines du golfe du Lion et la renaissance des bateaux de la Méditerranée de Collioure au Grau-du-Roi ” (en collaboration avec Yann Pajot). Regards sur le patrimoine maritime, fluvial et balnéaire. Arles : Actes Sud, 2019, p. 241-249.

Film : Retour à la mer - Réalisation Jean-Noël Duval, Studio Décadrages et Décibels – Chef de projet, Hélène Palouzié, conservatrice régionale des Monuments historiques adjointe et l’équipe de la CRMH, site de Montpellier. Avril 2020