Artiste, designer et architecte d’intérieur, MyriaMMaxo est une créatrice touche-à-tout qui s'est fait un nom avec ses créations réalisées à partir de tissus wax. Elle est présente, avec 42 autres artistes contemporains et street-artistes, à L’Essentiel, ancien centre de tri postal situé près de la Gare de l’Est à Paris, reconverti pour l’été en friche artistique grâce au soutien de la DRAC Île-de-France.


L'art comme une évidence

Née à Paris, MyriaMMaxo passe son enfance à Sarcelles, dans la banlieue nord de la capitale. Elle s’intéresse très tôt à la mode, crée ses propres tenues et ses accessoires, manière pour elle de se démarquer des autres. En grandissant elle obtient un BTS action commerciale, mais sa vocation artistique est plus forte. L'art lui permet de montrer qui elle est, et de s'imposer.

« Avant rien qu'un piercing au nez ça te coûtait ton travail, aujourd'hui tu peux être infirmière ou travailler à la poste en ayant ton propre style, mais à mon époque même pour passer tes diplômes on te demandait d'avoir une tenue correcte. Il y a quinze ans quand je bossais on me demandait d'attacher mes cheveux afro parce qu'ils ne faisaient pas pro, c'est tout ça qui m'a encore plus poussé à développer mes propres projets artistiques. »

Son BTS en poche, elle part en Angleterre et intègre le London College of Communication. Une formation qui lui permet de développer ses compétences graphiques et d’étendre son champ artistique. Elle en ressort diplômée et axe son travail autour du tissu africain, le wax, matière qu’elle affectionne particulièrement. A 27 ans elle se fait rapidement connaître notamment avec son ourse en peluche « D.D. » qui devient sa marque de fabrique.

MyriaMMaxo est une artiste de street-art dont l’œuvre est immédiatement identifiable. Cela fait sept ans qu’elle creuse son sillon, avec une envie irrésistible de marquer son empreinte dans la ville. Elle commence par quelques projets et se fait remarquer par sa technique du collage. Elle est invitée par la mairie du 19e arrondissement de Paris à réaliser une fresque de plus de 30 mètres pour l’inauguration de la gare Rosa-Parks, un moment fondateur dans sa carrière. Elle continue ensuite à incorporer toujours plus de street art dans son activité, et apprécie particulièrement d'être seule au milieu d’équipes formées avec des techniques plus classiques.

Elle puise son inspiration dans les modes de vie et coutumes des gens qu’elle rencontre : « Je suis très tournée vers l’Afrique et l’Asie, les manières de vivre des gens m’inspirent, mes produits sont une réponse à des mœurs actuelles, des exemples culturels. Dans certains pays africains par exemple, s’asseoir à plusieurs autour d’une table basse est très commun et de cette observation je crée les gravity sits. Des poufs très légers que l’on peut placer en colonne dans la maison pour former des sculptures si on le souhaite. En m’inspirant de la culture japonaise je crée des damiers en wax interchangeables qui forment de faux sols. Je crée donc en m’inspirant des cultures que je rencontre au cours de mes voyages, j’y ajoute mes idées et mes ambitions. »

Partager, transmettre, réunir

La transmission est une composante à part entière de son activité artistique, à laquelle elle consacre du temps : « Je travaille beaucoup auprès des enfants. J'ai travaillé en France en étant assistante pédagogique. En Guadeloupe je me suis associée avec le rectorat et je travaille auprès des petits de 4-5 ans. Au mois de décembre j'étais à Abidjan, je soutenais une association qui aidait les petites filles victimes de violences sexuelles qui donnaient naissance malgré elle. Parfois elles sont très jeunes, 13 ans. L'expression artistique c'est ce qui leur permet de s'exprimer, d'être enfant, de rigoler à nouveau. D'ailleurs quand j'ai fait l'inauguration de la station Rosa-Parks j'ai travaillé avec une maison de quartier et donc avec des gosses, à Grigny aussi j'ai pu collaborer avec une autre maison de quartier. Mon plaisir c'est de me rendre compte que moi je peux partager mon art et faire prendre part à mon projet comparé à d'autres Street artistes. »

Artiste accomplie, MyriaMMaxo sait qu’elle est aussi un exemple, et se sent une responsabilité en la matière, même si elle refuse d'être prisonnière des clichés et des carcans : « La transmission est quelque chose de nécessaire, mais faut pas s'y enfermer. Surtout en tant que femme noire, de banlieue ; c'est toujours plus facile pour les gens de t'identifier en tant qu'artiste de maison de quartier mais moins de te concevoir dans des galeries ou dans des musées. Je veux également réussir pour moi, ouvrir la voie à d'autres femmes, je trouve cela important que mon travail soit reconnu, valoriser et mis à la position où il doit être. C'est aussi pour ça que ça m'a fait plaisir de travailler dans un espace comme celui de l'Essentiel. »

L'Essentiel est l’un des 350 événements de l’été culturel en Île-de-France, mis en œuvre par la DRAC durant la saison estivale pour renouer les liens entre le public et les artistes. L'association Art Azoï porte ce projet artistique d'envergure en investissant un ancien immeuble de tri postal dans le 10e arrondissement de Paris. Les commissaires ont invité 43 artistes à investir l’incroyable architecture de ce bâtiment, sur deux niveaux : les œuvres – sculptures, peintures, installations ou encore collages – réalisées par de jeunes artistes et des créateurs plus confirmés, se côtoient et se répondent, offrant un panel de la création contemporaine en matière de street-art.

La fresque de MyriaMMaxo y côtoie celle de Jean-Charles de Castelbajac. Elle éclate aux yeux des visiteurs par ses couleurs, et séduit par son côté ludique : « Mon but c'est de ne pas frustrer les gens, moi je veux créer un art universel, donner du courage aux gens. Qu'en regardant mes œuvres on se dise « Mais non, c'est facile ?! Moi aussi je peux le faire ? ». Je veux dédramatiser l'art. Pour ma sculpture Totem à Sarcelles bien que je l'aie faite seule, je l'ai rendue mobile pour que les gens puissent bouger les cubes et par leurs actions laisser leurs traces, faire de l'art. J'aime partager. Même quand tu vois mes doudous ils n'ont pas de bouche, pas d'yeux, ma marque n'est pas visible à outrance. En fait, je veux qu'avant de se dire que c'est un doudou MyriaMMaxo on se dise « Ah oui, c'est mon doudou ». Je fais une sorte que les gens puissent s'approprier mon travail. »

La crise sanitaire, entre remise en question et nouvelles opportunités

MyriaMMaxo a imposé sa griffe au fil des années. À presque 40 ans elle compte plusieurs collaborations dans le monde de la musique. Beyoncé possède même la peluche D.D. On montre ses créations à Barack Obama. Elle signe avec des marques comme Vittel ou Nescafé. On la sollicite à l’international, on parle d'elle dans Harper's Bazaar. Elle signe avec les Galeries Lafayette et le Bon marché. Pour autant, vivre dignement de ses créations n’est pas encore un rêve devenu réalité.

 « Moi j'ai un appart à Sarcelles, je suis locataire, si tous les mois je m'occupe de mon loyer je ne peux pas avoir d'atelier, parce que je ne peux pas le financer. Avoir un atelier d'artiste en France ça aurait été le top ; les gens auraient pu mieux voir mon travail, me voir travailler, ça aurait boosté ma présence sur les expositions. Mais bon, je me dis que ce sont les hics de la vie d'artiste et que je vais devoir faire avec. J'apprécie qu'on aime mon travail, mais pour développer ce travail il faut avoir la paix de l'esprit, avoir de quoi vivre et être épanoui. Quand t'es dans la précarité, que tu serres la ceinture, c'est compliqué. Être artiste et dans le sacrifice c'est pas la joie tous les jours. Le Covid m'a fait comprendre qu'il fallait prendre des décisions ; pendant les deux ans de Covid je ne travaillais pas, toutes mes économies allaient dans le loyer, dans les factures, c'était un peu comme repartir de zéro.  Ça m'a permis de me recentrer aussi. En soi, c'était un passage important. Ça m'a freiné dans mon activité mais ça m'a demandé de réfléchir autrement. Quand on travaille de manière indépendante, que personne ne vous dirige et que d'un coup tout le monde s'arrête, on s'arrête aussi. On survole notre projet, on regarde ce qu'on fait de bien, de pas bien... Aujourd'hui je veux donner plus de temps à des signatures collaboratives par exemple. Le Covid a été révélateur de ce que je voulais faire au fond, je ne me suis pas remise en question sur toute ma carrière mais au moins sur une partie de celle-ci. »

L’été culturel, une bouffée d’air nécessaire

MyriaMMaxo est fière de s’inscrire dans la programmation de l’été culturel en Île-de-France : « Je trouve ça bien. Des expositions gratuites, donner accès à la culture… Par exemple l’Essentiel c’était un projet qui mettait en lien pas mal d'artistes sur un projet Street Art, qui donnait accès à cette culture de l’art de rue qui n’est généralement pas très bien vu. Il y a deux ans le ministère de la Culture me sollicitait également pour l’exposition à l’échelle de la ville sur Grigny. Les choses bougent. »

L’artiste fourmille de projets, et s’emploie à mettre ses ambitions artistiques en cohérence avec ses engagements écologiques, féministes et citoyens : « Travailler avec des gens passionnés et compétents comme Elise Herszkowicz m’a donné envie de faire plus d’expositions. A côté de cela j'ai aussi l’ambition de créer plusieurs spots de maisons écologiques en Guadeloupe, des tiny house qui fonctionneraient à l'énergie solaire ; j’y placerai des parcelles de permaculture et un atelier. Les gens pourront venir voir mon travail, je pourrai créer des espaces de transmission, de discussion… ».

La fresque éphémère en wax de MyriaMMaxo, en dialogue avec les autres œuvres de l'Essentiel, Paris 10e

La DRAC Île-de-France présente L'Essentiel, expérience collective d'art éphémère à Paris 10e