Mesdames et messieurs,

Chers amis,

Ce que nous venons de faire – pour ce ministère, pour le monde de la culture –, c’est un geste ordinaire.

Offrir une vitrine aux artistes, d’où qu’ils viennent ; faire vivre la liberté de création et la liberté d’expression dans notre pays, coûte que coûte ; rendre les œuvres accessibles au public ; ouvrir la culture à tous : à ceux qui n’y ont pas accès, dans ce pays, et à ceux qui l’enrichissent d’ailleurs.

C’est le pain quotidien des acteurs culturels.

C’est le pain quotidien de vos associations, de vos établissements.

C’est la mission confiée à ce ministère, depuis sa création.

Rappelons-nous par exemple ce geste, en 1981. L’un des premiers de Jack LANG dans ce ministère : l’annonce des naturalisations de l’écrivain argentin Julio CORTAZAR et de l’écrivain tchèque Milan KUNDERA.

En offrant une place à des artistes en exil, dans les vitrines de ce ministère, nous ne faisons rien de plus que tirer le fil d’une longue tradition.

La culture en France ne connaît pas de frontières.

Ce qui est extraordinaire, ce n’est pas ce vernissage.

C’est la somme des engagements qui y mènent.

Les engagements extraordinaires des militants de la culture.

Celui de Judith DEPAULE et Ariel CYPEL, qui ont fondé « L’atelier des artistes en exil », et que je veux remercier du fond du cœur.

Vous pouvez compter sur le soutien du ministère.

Et bien sûr, l’engagement extraordinaire des quinze artistes que nous mettons à l’honneur aujourd’hui.

Des femmes et des hommes qui ont dû fuir leur pays, qui ne pouvaient plus y exercer leur art, leur voix, leur talent.

La France leur donne aujourd’hui la possibilité de le faire.

Elle est une terre d’accueil et de création.

J’en suis fière.

Fière que nous redonnions une voix à ces quinze artistes :

Khaled DAWWA, Omar IBRAHIM, Mohammad HIJAZI, Lina ALJIJAKLI et MAHMOUD HALABI, qui ont dû fuir la Syrie.

Kubra KHADEMI, qui était condamnée à mort dans son Afghanistan natal pour une performance artistique : pour avoir dénoncé la condition des femmes en marchant dans les rues de Kaboul avec une armure.

Abdul SABOOR, qui a dû fuir l’Afghanistan également.

Mehdi YARMOHAMMADI et Hura MIRSHEKARI, qui ont tous deux dû quitter l’Iran où leur travail d’artistes les plaçait sous le coup de menaces de mort.

Carlos LUTANGU, sculpteur congolais, qui a dû fuir son pays où il n’était plus libre de créer, condamné pour avoir participé à une manifestation politique.

Ibrahim ADAM, Mohamed ABUDLATIEF, Mohamed ABAKAR, Mohamed NOUR WANA, Moneim RAHAMA : ils sont architecte, peintre, photographe, poète, et ils ont dû fuir le Soudan où ils étaient menacés.

A tous :

Je veux dire bienvenue.

Vous êtes quinze ici, aujourd’hui.

Vous êtes beaucoup plus nombreux, partout en France.

Je veux vous dire que nos vitrines vous sont ouvertes.

Que notre culture vous est ouverte et nous sommes ouverts à la vôtre.

 « Vous » êtes « nous ».

Mesdames et messieurs,

C’est un geste ordinaire, que nous venons de faire.

Certains y verront les traits d’un geste militant. Je le sais.

Mais ce devrait être un geste ordinaire.

Cela doit rester un geste ordinaire.

Je suis là pour dire aux artistes, pour dire aux associations, aux institutions, aux citoyens qui s’engagent pour faire vivre les arts et la culture – et ils sont nombreux : continuez.

Le ministère de la Culture vous accompagnera, comme nous accompagnons aujourd’hui L’atelier des artistes en exil.

Dans les ateliers, dans les salles de spectacle, les musées, les théâtres…

Continuez d’offrir une voix à ceux qui n’en ont pas ; continuez de ménager un espace pour l’inaudible, pour l’inconnu, pour l’indicible ; continuez d’élargir nos regards, d’ouvrir notre culture ; continuez de nous bousculer.

Enfin, je veux dire à tous ceux qui doutent de ce que nous sommes en train de faire aujourd’hui : rappelez-vous que la France aussi a eu ses exilés.

Des exilés qui aujourd’hui font votre fierté, notre fierté.

Je vais vous lire les mots de l’un d’entre eux : Victor HUGO.

Il a écrit ses plus grandes œuvres lors de son exil, sur les îles anglo-normandes.

Que serait la France sans Victor HUGO ?

Que serait la France sans cet artiste qui a trouvé, hors de nos frontières, la possibilité de continuer à créer, de déployer son génie, de nous l’offrir en héritage ?

Voilà quelques-unes des phrases qu’il nous a laissées, voilà ce qu’il écrivait sur l’exil :

« L’exil est le pays sévère. Là où tout est renversé, inhabitable, démoli et gisant. […]

Songer, penser, souffrir.

Être seul et sentir qu’on est avec tous.

Respirer le vaste air vivant des solitudes, s’absorber dans la grande rêverie absolue.

Constater en soi le magnifique mélange de l’indignation qui s’accroît et de l’apaisement qui augmente. »

Mais celui qui souffre de l’exil, nous dit-il, « a en lui une force : un rayon de lumière ».

« Vous exilez un homme.

Soit.

Et après ?

Vous pouvez arracher un arbre de ses racines, vous n’arracherez pas le jour du ciel.

Demain, l’aurore ».