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Discours

Remise de décorations par Frédéric Mitterrand à Ingrid Caven, Hans-Jürgen Syberberg, Helma Sanders-Brahms, Jan Mojto, Marie Bäumer, et Ulrich Tukur



Discours de Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et de laCommunication, prononcé à l'occasion de la cérémonie de remisedes insignes de commandeur dans l’ordre des Arts et des Lettres àIngrid Caven, Hans-Jürgen Syberberg, d'officier dans l’ordre des Artset des Lettres à Helma Sanders-Brahms, Jan Mojto, et de chevalierdans l’ordre des Arts et des Lettres à Marie Bäumer, et Ulrich Tukur.

Je souhaiterais tout d’abord, en présence de son épouse Katja, rendre
hommage à l’homme de cinéma qu’était Bernd Eichinger, décédé il y a peu
alors même que je souhaitais distinguer son oeuvre en le nommant dans
l’ordre des arts et lettres. Après avoir réalisé plusieurs courts-métrages, il
décide, dès le milieu des années 70, de s’orienter vers la production, en
créant la société Solaris, qui finance alors les projets de jeunes réalisateurs
prometteurs à l’image de Wim Wenders. En 1979, il prend les rênes d’une
jeune société encore balbutiante, Constantin film, qui le conduit au succès
que chacun connaît. Il fut le producteur des adaptations littéraires les plus
audacieuses, à l’image du roman d’Umberto Eco, Le Nom de la rose, en
1986, dont la réalisation fut confiée à Jean-Jacques Annaud. Les plus
provocatrices aussi, à l’image du film qui le fit connaître : Moi Christiane F.
droguée, prostituée en 1981.

Bernd Eichinger fut aussi un scénariste brillant et inspiré : on lui doit
l’écriture du scénario de La Chute, en 2004, plongée saisissante dans les
derniers jours de Hitler et du régime nazi, mais aussi celle du Parfum,
inspiré du roman à succès de Patrick Süskind en 2006.

Bernd Eichinger a beaucoup oeuvré pour la collaboration francoallemande
: il connaissait notre cinéma, il l’appréciait. C’était une figure
imposante du cinéma allemand, reconnu internationalement, ce qui lui
valut l’oscar du meilleur film étranger en 2004 pour Nowhere in Africa.

Son succès en tant que producteur dans les dernières années –
notamment avec les séries Resident Evil et les Quatre Fantastiques -
Bernd Eichinger le doit à sa formidable capacité de travail et à son goût
immodéré des projets. Il les mit au service d’un dialogue constant entre
ceux qui font et ceux qui aiment le cinéma en Europe. C’était une grande
figure du cinéma européen, qui avait saisi l’importance de la dimension
romanesque et narrative du cinéma. Je tenais à lui rendre hommage à
l’occasion de cette 61e édition du Festival international du Film de Berlin.

Chère Ingrid Caven,

« Au hasard des jours,
Dans une ville par hasard
Je serai comme ça, assise au bar
Avec mon air vague, je ferai très VOGUE »
(« American bar », in Chambre 1050, paroles de Jean-Jacques Schuhl)

La nuit est votre terrain de jeu. Dans vos films, dans vos chansons, c’est la
nuit des bars, la nuit d’hôtel aussi, Das kleine Hotel, le Céramic-hotel, la
Chambre 1050, la nuit où votre voix se grave sur les lieux de l’intime - cette
nuit ou jamais, Heute nacht oder nie, la nuit du regretté Daniel Schmid,
« cette nuit mon amour » avec la voix de Jan Kiepura, la nuit du cabaret
que vous traversez en robe Yves Saint Laurent.

Mais revenons aux commencements. Après une enfance sarroise où la
musique tient déjà un rôle important, puis des études de psychologie et de
pédagogie, vous partez à Munich où vous rencontrez Rainer Fassbinder,
Daniel Schmid et une scène théâtrale en pleine effervescence. Très vite
vous confirmez votre entrée dans le monde du 7ème art avec Fassbinder,
dans Liebe ist kälter als der Tod (L’amour est plus froid que la mort), en
1969, aux côtés d’Ulli Lommel et de Hanna Schygulla. Pendant plus d’une
décennie vous accompagnerez l’oeuvre de celui qui fut votre mari et qui
restera votre ami, jusqu’à L’année des 13 lunes, dans des rôles où les
prostituées se font aussi anges gardiens.

D’autres grands réalisateurs de la même galaxie font appel à vos talents,
comme Jean Eustache, le plus fassbinderien, peut-être, des cinéastes
français, dans Mes petites amoureuses en 1974. C’est Daniel Schmid,
cependant, qui vous donne vos grands rôles, avec La Paloma, aux côtés
de Peter Kern et de Bulle Ogier. Vous occupez une place également dans
l’univers de Werner Schroeter, dans La mort de Maria Malibran, ou dans
Le jour des idiots en 1983, en Docteur Laura face à une inquiétante Carole
Bouquet dont on interroge la santé mentale ; dans les mises en scène de
théâtre de Schroeter, aussi, de Salomé d’Oscar Wilde à Mademoiselle
Julie de Strindberg.

Vous êtes membre du Jury de la 29ème Berlinale en 1979, et vous
recevez le Deutscher Filmpreis en 1981. Depuis, on vous retrouve
régulièrement sur les écrans, par exemple en princesse russe dans Le
Temps Retrouvé de Raoul Ruiz en 1999, ou encore plus récemment chez
Claire Denis, dans 35 Rhums.

Au-delà des écrans noirs, Ingrid Caven, c’est aussi bien sûr le cabaret et le
chant – avec lequel vous avez développé une affinité précoce, tout comme
votre jeune soeur, Trudeliese Schmidt, dont les scènes d’opéra aujourd’hui
ressentent si fortement l’absence. Tout en vous inscrivant dans la lignée
d’Edith Piaf et de Marlène Dietrich, vous imposez dès 1976 votre style
propre par votre port et votre présence sur scène, lors de votre première
au Nationaltheater de Munich, dans une mise en scène signée Werner
Schroeter.

C’est Daniel Schmid qui met en scène votre premier tour de chant parisien
au Pigall’s en 1978, dans un spectacle produit par Pierre Bergé où vous
apparaissez, inoubliable, dans une robe qu’Yves Saint Laurent avait créée
pour vous, afin que vous puissiez mieux transporter votre public, le temps
d’une soirée, au pays de l’Ange bleu. Depuis, vos récitals alternent Kurt
Weill et les Beatles, Satie et Cage, des reprises de Piaf comme à l’Athénée
en 1988, la musique d’Oscar Strasnoy, mais aussi des textes écrits pour
vous par des signatures de prestige, depuis Fassbinder jusqu’à Hans
Magnus Enzensberger et bien sûr Jean-Jacques Schuhl. Quand ce
dernier, votre partenaire en toutes choses, signe un Ingrid Caven qui reçoit
le Prix Goncourt en l’an 2000, vous recevez le privilège, si particulier pour
une artiste, de voir votre vie en roman.

Avec vous, c’est aussi la magie du Berlin de Döblin et de Fassbinder qui
revit à chaque fois, peuplé de tous les Franz Biberkopf de la terre, tous
ceux qui furent blessés par la musique inoubliable de Peer Raben et qui
se retrouvent dans votre voix.
Du cinéma au théâtre et au cabaret, de l’allemand au français en passant
aussi par l’anglais et le sarde, vous avez le don unique de savoir choisir les
langues de l’émotion, pour décliner le spleen et la Sehnsucht, au plus
grand bonheur des publics du Piccolo Teatro de Milan, du Burg Theater de
Vienne, de l’Odéon ou du théâtre du Rond-Point – le temps d’un tango
transeuropéen. Pour reprendre les mots de Jean-Jacques Schuhl,
« l’interprêtre » que vous êtes a la « merveilleuse faculté de pouvoir
donner ce qu'on ne possède pas. »

Chère Ingrid Caven, au nom de la République française, nous vous
remettons les insignes de Commandeur dans l'ordre des Arts et des
Lettres.

Cher Hans-Jürgen Syberberg,

Dans l’univers du cinéma, vous faites partie de ceux à qui l’exigence ne fait
pas peur, en praticien du Gesamtkunswerk, cette conception de l’« oeuvre
d’art total » qui trouve ses sources au siècle de Wagner.

Après avoir quitté votre Poméranie natale, vous suivez des études de
littérature et d’histoire à Munich, qui inspireront votre oeuvre. Le
questionnement de l’histoire qui vous caractérise, on le trouve bien sûr
dans votre film marathon Hitler, un film d’Allemagne, de sept heures vintdeux
minutes (1978) ; dans votre interview saisissante de Winifred
Wagner, petite-fille du compositeur, sur les liens d’amitié qui l’unissait à
Hitler (1975), ce moment de perversion de la culture allemande contre
lequel votre cinéma entend faire oeuvre d’exorcisme ; c’est aussi votre
biographie baroque de Louis II de Bavière (1972), où devant la guillotine
on danse en Lederhose et on parade en moto ; sans oublier votre plongée
dans l’univers de l’écrivain Karl May (1974), ce Jules Verne allemand qui
creusa le sillon de la littérature populaire en valorisant ces héros propres et
droits qui faisaient l’admiration du Führer.

Quand le cinéma rejoint chez vous l’épopée, vous n’hésitez pas à conter
un improbable et homérique « Catalogue des vaisseaux » qui court de
l’époque moderne aux temps contemporains. Le coeur de vos
préoccupations, ce sont l’Allemagne et ses mythes, sa culture, son histoire,
une histoire dont fait son miel le prédicateur. Plus que la mémoire
allemande, ce sont les spasmes de l’Europe que vous auscultez, dans une
trilogie aussi audacieuse que visionnaire.

Vous êtes vite reconnu comme un cinéaste majeur capable d’attirer
l’attention de critiques de haut vol : Serge Daney, mais aussi Philippe
Lacour-Labarthe ou encore Gilles Deleuze. Vous vous faites connaître
dans les rétrospectives les plus pointues, à la Cinémathèque de Paris,
mais aussi au Centre national Georges Pompidou en 2003 - qui présente
alors une rétrospective de vingt de vos films ainsi que plusieurs
expositions-installations d’envergure. Votre cinéma emprunte en effet au
langage des arts plastiques, il se vit et se voit comme installation, dès votre
Parsifal en 1981 – avec la présence d’un masque mortuaire de Wagner et
d’une charpente matelassée - mais aussi dans les 31 films qui composent
La Caverne de la mémoire en 1997. Votre installation Nietzsche-Ecce
homo en 2000, impressionnante déclaration de vie par-delà la mort d’un
artiste de la « descendance de Dyonisos », complète cette recherche.
Vous vous inscrivez dans une tradition de radicalité puritaine, à la manière
de Straub ou de Godard. Des Monologues de Fritz Korner pour un disque,
en 1966 – l’un des acteurs essentiels de votre pays, saisi dans ses plus
grands rôles – à Un Rêve et quoi d’autre en 1994, où vous mettez au
premier plan Edith Clever, la marquise d’O de Rohmer - vous réalisez des
films-monologues qui révèlent les possibilités d’un grand acteur et les
moyens de les mettre en valeur de manière épurée, rigoureuse et
économe. Plus que des oeuvres, vos films sont avant tout des manifestes,
des opéras sacrés qui font face au « désenchantement du monde ».

Votre esthétique déroute, heurte de front les convenances : elle emprunte
au cinéma d’Abel Gance, de Georges Méliès par sa fantaisie et son ironie,
mais aussi à l’expressionisme allemand, celui de Murnau comme celui de
Fritz Lang. C’est New York qui fait le succès de Caligari (…). C’est Paris
qui fait le succès de votre Ludwig. Requiem pour un roi vierge, et garantit
la réception de votre cinéma en France, alors même que la critique
allemande nourrit souvent une forme d’incompréhension. Sans doute,
direz-vous, parce que vous vous efforcez d’être le « conscient de
l’inconscient », anthropologue du mythe dans la mesure où vous le mettez
à jour au lieu de l’exalter.

Au-delà de vos joutes habituelles, notamment avec Jürgen Habermas,
vous êtes toujours à l’avant-garde, comme en témoigne votre site internet,
l’un des plus vastes et l’un des plus stimulants conçus par un artiste, miroir
de votre exigeante esthétique, mais aussi théâtre de tous les possibles –
vidéos-projections, webcam, dialogues à distance - à la mesure de votre
esthétique de la démesure.

Pour votre oeuvre si dense, si forte et si ambitieuse, pour votre regard aigu
et ample sur l’histoire européenne, cher Hans-Jürgen Syberberg, au nom
de la République française, nous vous remettons les insignes de
Commandeur dans l'ordre des Arts et des Lettres.

Chère Helma Sanders-Brahms,

En 1982, la revue du Cinema vous consacre un dossier : il est intitulé
L’indomptable. Un beau résumé pour votre parcours, qui commence en
Frise orientale sur les rives de l’Ems, à Emden, qui avait accueilli les
huguenots français au temps de la répression de la « religion
prétendument réformée ». J’aime à croire que les sermons calvinistes ne
sont pas pour rien dans la dimension religieuse que l’on peut déceler dans
votre cinéma - dimension que vous transfigurez dans une quête mystique
où l’irrationnel croise le subversif.

Cette liberté de ton et d’expression, vous en avez fait votre étendard, avec
le souci de construire un cinéma personnel et engagé, dont vous
revendiquez clairement l’aspect militant. En 1976, c’est le film Sous les
pavés la plage qui vous fait connaître, film de référence sur la génération
de l’après mai 68. Femme cinéaste, votre cinéma est d’abord un art au
service de l’émancipation de sexes, dans cette période de tous les
combats et de tous les espoirs. La plupart de vos films décrivent la
douloureuse destinée de femmes, de la midinette de Cologne dans
Angelica Urban à Allemagne mère blafarde, en 1980, votre film qui a fait le
plus parler, le seul qui plonge de manière si singulière dans le miroir
trouble des années hitlériennes, sans oublier La fille offerte, un quasidocumentaire
sur une actrice qui rencontre des amateurs jouant leur
propre rôle, pour une plongée dans les eaux profondes de la
schizophrénie. Vous y montrez des gens détruits par ces machines –
réelles ou symboliques – qui broient l’humain. Elles répondent également
en écho à votre expérience de la télévision ou encore du mannequinat -
avant que vous n’optiez pour le cinéma.

Comme nombre de réalisateurs allemands, si vous faites cette immersion
dans la guerre et l’immédiat après-guerre, si vous abordez ce « passé qui
ne passe pas », c’est pour mieux contrebalancer ce qui est attendu du côté
des analyses distanciées et du discours politique. En choisissant le plus
intime des sujets, votre histoire et celle de votre mère, vous surprenez,
vous déroutez, jusqu’à la critique qui ne vous épargne pas.

Vos films disent le quotidien en s’adossant aux références bibliques,
comme dans Les Derniers jours de Gomorrhe en 1974, film-opéra
grandiose où vous dénoncez l’obscénité de la « Springer presse » et de
l’information de masse. Vous vous inscrivez ainsi dans les grandes
mythologies historiques et culturelles de toute une génération : si vous êtes
préoccupée par le passé, vous avez le souci de briser les codes anciens.

Je ne voudrais pas oublier les terrains communs que vous partagez avec
d’autres grandes figures du cinéma européen, comme Pier Paolo Pasolini,
que vous rencontrez en 1967, auquel vous lient la tentation du religieux et
la dénonciation de toutes les bien-pensances. Si vos films ont été peu
diffusés de l’autre côté du Rhin, vous avez pourtant co-produit notamment
avec la France votre dernier film Clara, en 2008, une ode à l’amour, à la
musique et à la concertiste Clara Schumann, la compositrice et interprète
qui fut célébrée dans toute l’Europe.

Personnalité européenne largement reconnue, vous avez eu des
responsabilités au sein du Conseil culturel de la Commission. Pionnière,
vous avez été conseiller du premier ministre fédéral allemand de la
Culture en 1999-2000. Votre francophilie assumée et votre connaissance
de notre cinéma font de vous un membre actif du Haut Conseil culturel
franco-allemand.

Promotrice de ce que vous appelez la « force tranquille et joyeuse » du
féminin, cinéaste à l’oeuvre iconoclaste et radicale, refusant la facilité, vous
savez rappeler à tous que le meilleur du 7ème art peut être aussi et avant
tout le fruit de l’exigence.

Chère Helma Sanders-Brahms, au nom de la République française, nous
vous remettons les insignes d'Officier dans l'ordre des Arts et des Lettres.

Chère Jan Mojto,

« Avec de l’audace, on peut tout entreprendre, on ne peut pas tout faire ».
Napoléon se retournerait peut-être dans sa tombe s’il vous avait vu non
seulement produire une très belle fresque sur son épopée, mais relater
tant d’autres périodes exaltantes, de Rome aux heures les plus noires de
notre histoire contemporaine - pour le plus grand plaisir des amateurs de
cinéma et d’histoire.

Né en Slovaquie, vous passez symboliquement très jeune les frontières
d’une Europe où le voile de l’Histoire s’est justement déchiré. Vous n’aurez
de cesse de réconcilier, par les sujets historiques et littéraires qui font
l’unité culturelle de l’Europe, les frères ennemis que nos XIXème et XXème
siècles ont enfantés.

Le polyglotte européen que vous êtes a commencé sa carrière en
s’attelant aux programmes du groupe Kirch durant presque quinze ans, et
ce sur les antennes des plus grandes chaînes européennes, en travaillant
notamment avec Mediaset en Italie, Gestevisión Telecinco en Espagne ou
encore Telepiù en Italie. Critique théâtral et cinématographique à vos
débuts, vous apportez au petit écran votre passion pour l’Histoire et la
Littérature que vous aviez étudiées à Bratislava et à Munich.

Ce sont des oeuvres comme « Napoléon », que vous produisez en 2003,
qui vous valent la reconnaissance de vos pairs, avec la Médaille
Charlemagne pour les médias européens, et l’Ordre bavarois du mérite.
Nous nous souvenons tous de la performance de Christian Clavier en
Bonaparte, et de Gérard Depardieu en Fouché, flanqué d’un John
Malkovich en bas de soie pour incarner Talleyrand.

Fruit de vos collaborations, tant d’autres noms seraient à citer parmi les
réalisateurs que vous avez fait travailler : Ermanno Olmi, Robert Dornhelm,
Oliver Hirschbiegel, Florian Henckel von Donnersmarck …

Attaché aux grands symboles européens, animé par votre volonté de
nourrir le plaisir de l’image et le désir d’apprendre, vous produisez de
nombreuses séries pour la télévision, qui furent et continuent d’être des
succès mondiaux. A la tête de votre groupe EOS, vous permettez par
exemple à Rome, une série acclamée tant par la critique que par les
historiens, de voir le jour sur la chaîne HBO. Les téléspectateurs y
découvrent une société romaine faite de guerres de pouvoir, sous un angle
inédit de restitution, une ethnographie crédible des classes sociales, une
approche sensible des échanges culturels, les figures revisitées des
grands héros – autant d’aspects généralement invisibles dans un péplum
classique.

Je m’arrêterais quelques instants sur votre production sans doute la plus
marquante, pour l’intérêt qu’elle représente dans une démarche de devoir
de mémoire, mais aussi pour le choc émotionnel qu’elle a pu provoquer
dans le monde entier. En 2004 vous co-produisez Der Untergang (La
chute), que vous confiez au regard tranchant d’Oliver Hirschbiegel. En
concentrant l’attention sur la figure qui a sans doute le plus marqué
l’histoire sanglante du dernier siècle, le déroutant et excellent Bruno Ganz
livre un Adolf Hitler tourmenté et déchu, humanisé, là où les manuels ne
parlent que de l’horreur du mal mécanisé.

Donner à voir, à penser et repenser, à repenser, c’est la mission que vous
vous êtes donné comme producteur, des Borgia à John Rabe, des
Misérables avec Gérard Depardieu à la série sur l’enfer de Dresde – où
l’on vous retrouve, chère Maria Bäumer - et à La vie des autres. Au-delà
des relectures de l’histoire dans des séries et des films d’une qualité
inédite, vous oeuvrez aussi à la diffusion de grands classiques de l’opéra,
de Mozart à Puccini.

Pour le rôle majeur que vous jouez dans la production et la circulation des
oeuvres audiovisuelles, pour votre engagement en faveur de la qualité qui
a permis à tant d’oeuvres cinématographiques et télévisuelles françaises,
allemandes et européennes de voir le jour, cher Jan Mojto, au nom de la
République française, nous vous remettons les insignes d'Officier dans
l'ordre des Arts et des Lettres.

Chère Marie Bäumer,

« Le talent, c’est une question d’amour », disait Romy Schneider, à qui l’on
vous attribue une grande ressemblance. C’est peut-être dans cette
question d’amour que réside l’un des secrets du succès de votre vie
d’actrice.

Native de Düsseldorf, c’est à Hambourg que vous avez grandie. Hambourg
est aussi le théâtre de votre formation d’actrice au Studio 033, que vous
avez également menée dans le Tessin, près de Locarno, à la Scuola
Teatro Dimitri. Les chaînes de télévision allemandes vous repèrent et vous
proposent alors vos premiers rôles. En 1995, Detlev Buck vous entraîne
dans l’aventure de Männerpension, aux côtés de Til Schweiger et Heike
Makatsch, dans un rôle explosif : le succès de cette comédie enjouée vous
ouvre alors les portes du cinéma.

Les plus grands réalisateurs commencent vite à faire appel à vous, comme
les frères Taviani, pour lesquels vous jouez dans le téléfilm Résurrection
(en 2000), puis en 2002 dans le documentaire de Wim Wenders Viel
Passiert sur BAP, le groupe de rock de Cologne, où vous apparaissez aux
côtés de son fondateur Wolfgang Niedecken.

En 2002 et en 2003, votre carrière connaît un tournant quand vous recevez
le Jupiter de la meilleure actrice allemande pour votre rôle dans Der Schuh
des Manitu, puis avec votre rôle dans Der alte Affe Angst (Bonjour
l’angoisse), un film d’Oskar Roehler présenté à la Berlinale, où rayonnent
votre charme et votre interprétation : ce rôle vous vaut le prix du cinéma
bavarois et le prix de la critique cinématographique allemande, à travers
une oeuvre qui de surcroît fait connaître vos talents en dehors de
l’Allemagne. Vous avez joué depuis dans Dresde, puis Les Faussaires de
Stefan Ruzowitzky. On vient de vous retrouver avec bonheur dans Face au
crime, la série de Dominik Graf qui a été présentée à la Berlinale l’année
dernière et que la chaîne franco-allemande ARTE a également diffusée.

Depuis le feuilleton télévisé Napoléon signé Jacques Simoneau, où vous
incarnez Caroline Bonaparte, vous avez construit progressivement un lien
fort avec la France où désormais vous résidez. Vous avez par ailleurs
multiplié les participations dans des productions de la chaîne francoallemande,
comme par exemple Bonjour l’angoisse d’Oskar Roehler,
Souvenirs douloureux de Stefan Krohmer ou encore 10 secondes, il y a 3
ans, de Nikolai Rohde – où vous incarnez l’épouse d’un aiguilleur du ciel
rongé par la culpabilité.
Les plateaux de tournage ne vous détournent pas de votre passion pour le
théâtre, depuis le Theater im Zimmer où vous aviez joué en 1995. En
2007, à la demande du Festival de Salzbourg, vous jouez l’amante dans
Jedermann d’Hugo von Hofmannsthal. Vous venez tout juste de présenter
à Hambourg, le mois dernier, votre première pièce, Abschied (Adieu), dont
vous avez vous-même assuré la mise en scène.

Votre fils Shawn, qui doit avoir 13 ans maintenant, doit être très fier de
vous, et à juste titre. Vos talents à la scène et sur les écrans de télévision
et de cinéma ont été récompensés à plusieurs reprises. On admire votre
capacité à alterner les planches avec les tournages, que vous enseignez à
vos élèves, et à penser l’économie des expressions en fonction du support
- suivant une filiation brechtienne dont vous vous revendiquez, et qui vous
permet, par la distanciation, de concevoir et de maîtriser vos personnages
les plus dramatiques, pour le plus grand bonheur de vos nombreux
admirateurs. Vous êtes d’ores et déjà devenue une référence pour ceux
qui, en Allemagne et en France, se destinent au métier d’acteur.

Chère Marie Bäumer, au nom de la République française, nous vous
remettons les insignes de Chevalier dans l'ordre des Arts et des Lettres.

Cher Ulrich Tukur,

Vous êtes l’une des étoiles allemandes qui éclaire l’univers du cinéma
européen, d’un rayon à la fois lumineux et familier.

Après des études à Boston et à l’université de Hanovre, vous étudiez
l’Allemand, l’Anglais et l’Histoire à la prestigieuse université de Tübingen,
et vous pratiquez simultanément le chant et l’accordéon en professionnel.
Puis c’est à quelques pas de là, à Stuttgart, que vous devenez élève du
Collège de Musique et d’Art dramatique.

Votre carrière, c’est une série de rencontres marquantes, la première étant
celle de Michael Verhoeven, qui vous repère et vous engage en tant
qu’acteur pour La Rose blanche, en 1982. Vous poursuivez dès lors une
double carrière entre le théâtre, où vous vous créez une spécialité dans le
répertoire shakespearien, et le tournage de films pour la télévision, puis
pour le grand écran : ce sont Die Schaukel, de Percy Adlon, puis vous
retrouvez Michael Verhoeven avec Ma mère courage, en officier SS – un
rôle qui vous poursuivra ! , sur fond de génocide en Hongrie.

Autre rencontre marquante : celle de Constantin Costa-Gavras, qui sera
déterminante pour le lancement de votre carrière véritablement
internationale. Vous aviez certes participé à Taking Sides. Le cas
Furtwängler de Istvan Szabo, avec Harvey Keitel, mais c’est bien Amen,
en 2002, qui connaît un très grand retentissement avec de nombreux prix,
qui vous révèle au monde dans le rôle de l’officier SS repenti. Vous jouez
la même année dans le remake de Solaris par Soderbergh, puis vous
rejoignez à nouveau Costa-Gavras en 2005 avec Le Couperet, où vous
êtes confronté à José Garcia dans une satire contemporaine du marché de
l’emploi et de ses cruautés dématérialisées, faites de cravates, de noman’s-
lands résidentiels et de curriculum vitae. Vous multipliez
parallèlement les épisodes de Tatort, la célèbre série télévisée allemande,
qui vous vaut un prix du meilleur acteur pour votre interprétation d’un serial
killer.

En 2006, c’est le chef soupçonneux du département culture de la Stasi,
Anton Grubitz, que vous incarnez dans La vie des autres de Florian
Henckel von Donnersmarck aux côtés d’Ulrich Mühe, ce qui vous vaut le
prix du meilleur second rôle au Festival du film allemand.

Heureuse coïncidence que Helma Sanders-Brahms soit avec nous ce soir :
en 2007 vous jouez Robert Schumann dans son film Clara. Puis viennent
deux films franco-belges, l’inquiétant Où est la main de l’homme sans tête
où l’on vous trouve aux côtés de Cécile de France, et Séraphine de Martin
Provost, où vous jouez l’Allemand collectionneur d’art en exil qui, en
tombant sous le charme de Yolande Moreau, vous apporte à nouveau un
prix du meilleur acteur.

Dans cette ubiquité, vous n’en délaissez pas pour autant les films
historiques. Le jeune et talentueux Florian Gallensberger vous a confié le
rôle-titre de John Rabe, du nom de l’homme d’affaire allemand qui sauva
plusieurs milliers de chinois des massacres de Nankin en 1937. Le film est
plusieurs fois primé, avec notamment, en ce qui vous concerne, le prix du
meilleur acteur au festival du film bavarois en 2009. Vous revenez
également à la Seconde Guerre mondiale et au génocide nazi dans
Vaterspiel, de Michael Glawogger.

L’histoire et Ulrich Tukur, c’est aussi, évidemment, le superbe Ruban
Blanc, Michael Haneke, Palme d’or à Cannes. Dans le rôle du baron
Armin, vous incarnez l’autorité morale d’une société sur le point de
disparaître, et que les enfants tentent d’appréhender à travers ses écrans
de violence, ses arbitraires et ses inerties.

Ubiquité toujours : dans des genres biens différents, on vous verra bientôt
dans Largo Winch II ou dans le Cochon de Gaza, où vous allez incarner
un diplomate. Nombreux, par ailleurs, sont ceux qui écoutent la voix
familière d’Ulrich Tukur dans des livres audios – privilège réservé aux
notoriétés dont le timbre est reconnaissable entre tous.

Ulrich Tukur, c’est aussi l’homme de cabaret, le chanteur et l’accordéoniste
qui se produit depuis plusieurs années avec son groupe « Ulrich Tukur and
the Rythmus Boys » - 5 albums au palmarès, avec comme premier titre
Meine Sehnsucht ist die Strandbar - ce que je traduirais très
approximativement, en clin d’oeil à Helma Sanders-Brahms, par « Sous les
pavés de ma Sehnsucht, la plage ».

De la comédie aux oeuvres historiques, vous êtes sur les écrans d’Europe
et du monde, l’un des acteurs allemands les plus remarquables et les plus
attachants. Pour son plus grand bonheur, le cinéma français a souvent la
chance de profiter de votre culture, votre humour et votre polyvalence.
C’est aussi par votre talent que s’incarne et se manifeste l’existence d’un
cinéma européen ambitieux.

Cher Ulrich Tukur, au nom de la République française, nous vous
remettons les insignes de Chevalier dans l'ordre des Arts et des Lettres.

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À télécharger

  • Remise de décorations par Frédéric Mitterrand à Ingrid Caven, Hans-Jürgen Syberberg, Helma Sanders-B (.pdf)

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