« Je ne peins pas l’être, je peins le passage » : c’est ainsi que MONTAIGNE définit son art si particulier de saisir son identité dans le changement et de se révéler dans ses perpétuelles métamorphoses. J’ai tout de suite pensé non seulement au grand citoyen et au grand maire de Bordeaux, mais au philosophe du mouvement, lorsque j’ai entendu parler de la mise en place de l’événement qui nous réunit aujourd’hui. Car avec EVENTO, dix jours durant, ce sont des installations fugitives et des monuments éphémères qui vont offrir à tous une ville transfigurée et qui nous marquera durablement, de la Place des Quinconces, où un Montaigne de marbre veille sur nous, à la Base Marine ou à la Place de l’Europe, en passant par tous les quartiers qui constituent le tissu vivant de la ville.
EVENTO dont le nom poétique résonne comme une exclamation, voire un impératif, une sorte de memento joyeux, est un événement d’envergure internationale consacré à la création urbaine contemporaine, qui doit beaucoup à la clairvoyance et à l’audace d’un Maire, que chacun a déjà inscrit mentalement dans cette longue lignée d’édiles éclairés dont a bénéficié la ville depuis les temps que j’évoquais…
C’est à lui que l’on doit la réalisation de cette idée novatrice, qui montre non seulement la portée urbaine et citadine, mais citoyenne de la culture, sa portée sociale. Une culture qui ne sépare pas, mais qui réunit, parce qu’elle est enracinée dans l’espace public et social auquel elle donne une nouvelle vie. C’est dire que ce travail correspond parfaitement à l’idéal de « culture sociale » dont j’ai fait l’un de mes principes d’action à la tête du ministère de la Culture et de la Communication.
Je veux aussi, bien sûr, féliciter le concepteur de cette réinvention de la ville, Didier FAUSTINO, qui a su convaincre les pouvoirs publics – comme il convaincra bientôt, je n’en doute pas, le public – de la pertinence de cette expérimentation, de cet « essai » et qui est une entreprise de décloisonnement, un pourvoyeur de passages.
EVENTO ouvre des passages non seulement entre les arts, les genres et les supports, mais entre l’art et la vie, l’art et la ville.
Des passages entre une ville classique et prestigieuse, inscrite depuis 2007 au Patrimoine mondial de l’UNESCO, et un visage contemporain, fugace mais mémorable, de la cité.
Des passages qui incarnent l’ouverture d’une ville à la diversité des cultures du monde. Des artistes internationalement reconnus de plus de quinze pays sont conviés à exprimer leur vision de la ville et à la partager avec les Bordelais. De l’Espagne au Japon, de l’Ukraine à la Corée du Sud en passant par Hong Kong, Israël et Porto Rico et bien d’autres latitudes, en particulier l’Angola, car la ville de Luanda est l’invitée d’honneur de la première édition de cet événement original. Par là, Bordeaux reste fidèle à sa vocation d’ouverture sur le grand large et j’y retrouve un autre de mes principes : l’hospitalité aux autres cultures et le sens du multiculturel qui est aujourd’hui le visage de notre société.
Ces passages substantiels et persistants, la superbe Passerelle de Tadashi KAWAMATA, qui enjambe les places et poursuit sa route jusqu’à la Garonne, en est le symbole : elle figure ce trajet vers les autres, cette promesse de frontières franchies, de nouveaux chemins.
Je me retrouve parfaitement aussi dans le thème choisi cette année, celui de l’Intime Collectif qui n’est paradoxal qu’en apparence. Car c’est la grâce propre de la culture de savoir associer ces deux dimensions de l’existence humaine, de nous réunir avec nous-mêmes et, du même coup, avec les autres. C’est le sens aussi d’une belle expression de Michel GUY que j’aime à rappeler : « Non une culture pour tous, mais une culture pour chacun ».
En frayant passage pour remettre la culture dans la rue, à la portée du regard et de l’imagination de chacun, EVENTO réussit à faire triompher l’intime de l’intimidation sociale dont la culture est encore trop souvent porteuse.
Faire rêver la ville, y tracer des pistes imaginaires et visionnaires : je retrouve dans cet idéal l’intense réflexion menée collectivement aujourd’hui sur la ville de demain. Je pense, bien sûr, au Grand Paris et aux débats qui préparent cette révolution copernicienne d’une métropole du futur enfin accueillante au développement durable. Je pense aussi, plus généralement, aux pôles urbains et régionaux que l’on voit se renforcer et se développer dans toute la France. Cette décentralisation, cet équilibre des pouvoirs et des énergies, est une preuve de santé culturelle et démocratique dont nous devons nous féliciter.
Le Ministre de la Culture et de la Communication se devait d’être ici parmi vous aujourd’hui, pour vous dire son soutien et son admiration, au moment d’inaugurer ce projet ambitieux, et de saluer les richesses du passage et, par conséquent, du partage auxquelles nous convie EVENTO. Je retrouve dans cet art éphémère et durable le vers célèbre de HÖLDERLIN, le grand poète allemand qui fut, un temps, précepteur près de Bordeaux : « Mais ce qui reste est l’œuvre des poètes ». Comme vous, il savait apprécier et magnifier la pérennité légère des choses de l’art.
Monsieur le Maire, cher Alain Juppé vous avez magistralement repris le flambeau d’une époque où grâce à l’énergie de Jacques et Jacqueline Chaban-Delmas, Bordeaux s’ouvrait à l’art contemporain.
Vous même montrez l’exemple de la lucidité en continuant la voie de la modernité,
Certaines bonnes âmes s’offusquèrent quand le merveilleux CAPC de Jean-Louis Froment flamboyait d’expositions que tous les directeurs de musées auraient tant aimé produire.
N’en doutez pas, quelques bonnes âmes ne manqueront pas de s’offusquer d’Evento. D’autres s’offusquent parfois du contenu des expositions…ou des œuvres au point de souhaiter que leurs auteurs soient traduits devant la justice.
C’est leur choix.
Le ministère de la Culture et de la Commucnaition sera toujours la pour défendre les artistes, les auteurs. C’est son rôle et son devoir.
Je suis animé de la plus forte conviction que les grands élus tels que vous cher Alain Juppé seront à mes côtés pour les défendre et accompagner les formes les plus audacieuses de la création contemporaine.
Croyez-en un homme d’expérience, suivre la voie de la création, sans faillir, est un honneur et un bonheur
Je vous remercie.
Discours de Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et de la Communication, prononcé à l’occasion de l'inauguration d'Evento à Bordeaux
Monsieur le Premier Ministre, Monsieur le Maire, cher Alain JUPPÉ,Monsieur le Député, Monsieur le Président du Conseil régional d’Aquitaine , Alain ROUSSET,Monsieur le Président de la Communauté urbaine de Bordeaux, Vincent FELTESSE,Monsieur le Commissaire général d’Evento, Didier Fiúza FAUSTINO,Mesdames, Messieurs,Chers amis,
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