Julie Chalmette est directrice générale de Bethesda France, un éditeur de jeux vidéo, et présidente du SELL, qui regroupe les éditeurs de jeux vidéo en France.
Votre talent et votre engagement font de vous une personnalité emblématique du monde de la culture. Quelles sont les principales étapes de votre parcours ?
Après un bac scientifique et une classe prépa, j’ai fait une école de commerce. J’ai néanmoins toujours eu une forte appétence pour les sciences humaines et j’ai eu l’occasion de les approfondir pendant une année passée à l’université de Rome. J’y ai notamment étudié l’histoire de la condition féminine et cela a certainement influé sur mon parcours. Une fois mes études terminées, j’ai commencé ma carrière dans l’édition littéraire. J’ai rapidement bifurqué vers l’édition de jeu vidéo. C’était un domaine en pleine ébullition, qui évoluait à toute vitesse et qui par ailleurs offrait de belles perspectives à l’international. J’ai passé 5 ans en Suède pour établir la filiale nordique de Vivendi Games avant de prendre la direction de la France. J’ai ensuite été sollicitée par Bethesda pour monter leur filiale française que je dirige depuis plus de dix ans. Je suis par ailleurs présidente du SELL, qui regroupe l’ensemble des éditeurs de jeu vidéo français depuis 2016.
Dans le domaine culturel, l'égalité entre les femmes et les hommes connaît aujourd'hui encore une situation contrastée. Quelle place les femmes occupent-elles dans votre secteur ?
Les femmes, en tant que joueuses y connaissent une place de choix puisqu’elles représentent 50% de la population des « gamers ». Néanmoins, notre secteur, à la croisée de la création artistique et de l’innovation technologique, n’échappe pas à ce mal qui affecte ces deux domaines : elles y sont sous-représentées et ne constituent que 14% des professionnelles dans les studios de développement (la situation est meilleure du côté de l’édition de jeu vidéo, où les métiers « support » sont plus nombreux). Et plus les métiers sont techniques, moins on y voit de femmes, malheureusement : elles ne sont plus de 6% dans les métiers du design et encore moins pour ce qui relève de la programmation. Cet état de fait est vraiment dommageable car une plus grande diversité dans les équipes permettrait certainement une encore meilleure créativité pour notre secteur !
Votre engagement au service de l'égalité est connu. Comment se traduit-il dans l’exercice de votre métier et dans votre environnement professionnel ?
Dans l’exercice de mon métier, je suis fière d’être à la tête d’une équipe paritaire où les femmes sont largement présentes aux postes de management. Je suis attentive à ce que nous mettions en œuvre la diversité dans l’ensemble de nos activités. Je pense notamment à nos programmes de streaming ou à nos méthodes de recrutement. Cela prévaut également au sein du SELL, où la mixité et la diversité sont des composantes fondamentales de nos actions et productions.
Je suis par ailleurs cofondatrice de Women In Games avec Audrey Leprince. Cette association, fondée en 2017, vise à doubler le nombre de femmes dans les studios de développement d’ici 10 ans. Nous menons des actions visant à donner plus de visibilité aux professionnelles du jeu vidéo afin de produire des « role model », nous facilitons le réseautage et l’entraide pour notre secteur et enfin nous menons un travail de sensibilisation à la mixité et la diversité auprès de l’ensemble de notre écosystème. L’association regroupe aujourd’hui plus de 2000 personnes et multiplie les initiatives et projets.
Quel conseil donneriez-vous aux jeunes femmes qui voudraient entreprendre une carrière dans le domaine culturel ?
Le meilleur conseil que je puisse leur donner est de fuir les conseils ! C’est une boutade, mais elle recèle une part de vérité : je pense qu’il est important pour les jeunes femmes de prendre conscience du paternalisme systémique qui subsiste dans nos sociétés à bien des niveaux et de chercher à s’en émanciper le plus vite possible : donc cultiver son réseau et apprendre de son entourage professionnel, mais aussi s’émanciper des mentors, sortir des rôles assignés, prendre en main son destin, croire en soi et travailler dur pour parvenir à réaliser ses rêves et objectifs. Ne pas avoir peur de faire ou dire. Ne pas avoir peur de se tromper ou d’être jugée. L’ambition et la confiance en soi peuvent et doivent être cultivées au féminin ! Ce n’est que la traduction de mon parcours personnel, mais j’estime aujourd’hui que c’est en acceptant de sortir de ma zone de confort que j’ai le plus appris et avancé. Et pour finir, je leur donnerai un conseil pragmatique : être intransigeante sur la réparation des tâches au sein du foyer !
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