Un dispositif fiscal, créé en 2002 et élargi en 2003, a déjà permis d’acquérir de nombreux trésors nationaux et d’enrichir les collections des musées de France sur tout le territoire.

Favoriser l’acquisition de biens culturels et donner une nouvelle dynamique au mécénat d’entreprise, tels sont les objectifs des lois du 4 janvier 2002 – pour les Trésors nationaux – et du 1er août 2003 – pour les œuvres reconnues « d’intérêt patrimonial majeur » - relatives aux musées de France.

À travers un dispositif fiscal (voir encadré), l’État marque ainsi son soutien important et ambitieux à l’enrichissement des collections publiques régionales. Comme aux Beaux-Arts de Rennes, plusieurs musées en ont déjà profité et ont pu acquérir ainsi des biens d’intérêt patrimonial majeur, en lien avec leur thématique ou leur territoire.

Le Chêne de Flagey de Gustave Courbet, musée Courbet à Ornans

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C’est à Flagey (Doubs), à une dizaine de kilomètres d’Ornans, que le père de Gustave Courbet a acheté la ferme dans laquelle l’artiste a grandi. En 1864, l’artiste décide de représenter le chêne qui a pris racine dans la terre de son enfance. Il s’agit d’un tableau unique dans l’œuvre de Courbet, qui va renouveler la peinture de paysage jusque-là considérée comme un décor à une scène historique ou mythologique, en donnant à l’arbre un premier rôle politique.

Courbet va s’emparer des vifs débats de l’époque sur l’emplacement du site d’Alésia, discuté entre la Bourgogne et la Franche-Comté, en donnant en sous-titre à l’œuvre « Le Chêne de Flagey appelé Chêne de Vercingétorix, camp de César près d’Alésia, Franche-Comté ».

Son acquisition coulait de source pour le musée d’Ornans qui vise à valoriser l’œuvre de Courbet à partir de son territoire. En 2012, un appel aux dons lancé par le Département du Doubs a permis de réunir la somme nécessaire pour racheter l’année suivante le tableau à un collectionneur japonais. Près de 2,5 millions ont été apportés par une soixantaine d’entreprises mécènes.

La salle à manger d’Henry Vasnier par Emile Gallé, musée des Beaux-Arts de Reims

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Directeur et négociant en vins de la Maison Pommery, Henry Vasnier commande en 1891 au maître verrier et ébéniste nancéen Émile Gallé une salle à manger historiquement liée au territoire champenois. La livraison s’échelonne de décembre 1891, avec les chaises et la glace de cheminée Le Pécher de vigne, puis en février 1892 avec la console Soir d’Avril au vignoble, en avril 1892 avec la table et enfin en mars 1893 avec le dressoir. Ce vibrant témoignage sur la biodiversité, le travail des vendanges et cette ode à la nature champenoise sera même présenté au Salon du Champ de Mars de 1892 et 1893, notamment la table Aux Herbes potagères et le dressoir Chemins d’automne.

À la mort de Vasnier, sa collection d’œuvres et d’objets sera léguée au musée des Beaux-Arts de Reims, exception faite de cette salle à manger. Après un long voyage au Japon puis aux États-Unis, elle est de retour en 2014 à Reims grâce à l’État, la ville de Reims, le conseil régional de Champagne-Ardenne, mais aussi cinq entreprises mécènes et une trentaine de donateurs particuliers.

Katia à la chemise jaune d’Henri Matisse, musée des Beaux-Arts de Lyon

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Il s’agit du dernier tableau peint par Matisse en 1951. Cette Katia est en fait Carmen Leschennes, un modèle que Lydia Delectorskaya, l’assistante et le modèle russe de l’artiste, lui aurait présenté. Elle va inspirer à Matisse plusieurs œuvres graphiques, une sculpture et deux peintures d’octobre 1950 à juillet 1952, dont cette œuvre.

L’acquisition de ce tableau, en 2021, s’inscrit à la suite d’une exposition présentée au musée dès 2016. Elle est surtout une marque de plus du lien qui lie Matisse à Lyon, l’artiste ayant vécu dans la ville à partir de janvier 1941 suite à des problèmes de santé. Rétabli, il poursuivra sa convalescence quelques mois avant de regagner Nice.

Après son passage, il enverra au musée des Beaux-Arts un exemplaire de son livre Thèmes et Variations ainsi qu’une série de six dessins originaux et neuf ouvrages illustrés. En 1947, René Jullian, alors directeur du musée, achète le portrait de L’Antiquaire Georges-Joseph Demotte. Cet ensemble sera enrichi en 1993 par Jeune Femme en blanc, fond rouge, déposée par le Centre Pompidou après la dation en 1991 de Pierre Matisse, fils de l’artiste.

Le Trésor de la Vôge, musée national de la Renaissance-Château d’Écouen

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Deux coupes, une salière et cinq cuillères de la seconde moitié du XVIe siècle auxquelles s’ajoutent deux ceintures en argent de la fin du XVIe siècle et du début du XVIIe siècle. Voici les éléments principaux du Trésor de la Vôge, un service de table de la Renaissance retrouvé fortuitement en 2017 lors de travaux dans une habitation particulière. Rares sont les pièces d’orfèvrerie de cette importance, les objets en métal précieux de l’époque ayant dû pour la plupart être fondus pour faire face à des besoins économiques urgents ou pour suivre les évolutions du goût.

En 2021, cette œuvre qualifiée d’intérêt patrimonial majeur a été acquise par le musée national de la Renaissance-Château d’Écouen, déjà possesseur depuis 2012 du Portrait d’Ulysse en émail peint par Léonard Limosin. L’établissement possède ainsi, grâce à une politique d’acquisition active, l’un des ensembles d’orfèvrerie française les plus importants conservés en France. Cette collection participe au rayonnement et à la connaissance des arts décoratifs de la Renaissance.

Un dispositif fiscal pour encourager le mécénat d’entreprise

Ces deux lois de 2002 et 2003 ont mis en place puis élargi un dispositif novateur pour les entreprises qui participent à l'acquisition d’une œuvre destinée à une collection publique de l'État ou de toute personne publique, contribuant à maintenir sur le territoire national des objets d’une grande importance patrimoniale. Dans les faits, il ouvre droit à un avantage fiscal avec une réduction de l'impôt sur les sociétés égale à 90 % de la participation de l’entreprise, plafonnée à 50 % de l'impôt dû.