Avec 922 M€ de promesses de dons, le mécénat en faveur de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris fait figure d'événement hors-norme, dont l'analyse ne fait que commencer. Le ministère de la Culture est revenu sur les premiers enseignements de cette levée de fonds.

La collecte en faveur de la restauration Notre-Dame de Paris constitue, par son immense succès, une étape déterminante pour le mécénat patrimonial. Les tenants et aboutissants de cette mobilisation philanthropique exceptionnelle ont fait l’objet d’une table ronde lors du séminaire des correspondants mécénats du ministère de la Culture, organisé le 21 novembre. Compte-rendu.

Une mobilisation hors-norme

C'est un événement « hors-norme » dans le monde du mécénat. L'afflux des dons destinés à restaurer Notre-Dame de Paris - 922 M€ de promesses de dons - est à la mesure du retentissement international de l'incendie qui a partiellement ravagé la cathédrale, le 15 avril dernier.

Jérémie Patrier-Leitus, directeur de la communication, de la médiation culturelle et du mécénat au sein de l’établissement public chargé de la conservation et de la restauration de Notre-Dame de Paris, a replacé cet événement dans le contexte de la philanthropie française : la souscription nationale lancée à la fin du XIXe siècle pour bâtir à Montmartre la basilique du Sacré-Cœur, et le don du milliardaire américain Rockfeller en 1924 en vue de restaurer les châteaux de Versailles et de Fontainebleau, ainsi que la cathédrale de Reims. « Ces dons s’élevaient respectivement à quelques dizaines millions de francs et à 1 million de dollars, a-t-il observé. Des sommes sans commune mesure avec le montant de la collecte pour Notre-Dame qui tourne autour de 922 M€, avec 812 M€ de promesses de dons et 110 M€ déjà collectés ».

L'émotion suscitée par l'incendie de Notre-Dame de Paris a répandu un élan de générosité sans précédent

Cette différence d'échelle et ce record historique s’expliquent par le symbole universel que représente la cathédrale Notre-Dame de Paris et l’attachement des Français et des étrangers à ce monument emblématique dont l’histoire est intimement liée aux grandes heures de la France. « L’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris a ému le monde entier. A cette émotion a répandu un élan de générosité sans précédent » a estimé Jérémie Patrier-Leitus. L’annonce d’une souscription nationale par le Président de la République et la médiatisation de l’événement ont également favorisé cette mobilisation historique des donateurs, de même que le dispositif original mis en place pour accompagner et mettre en œuvre cette souscription. Constitué de trois fondations et d'un établissement public national habilités à recevoir les fonds – la Fondation de France, la Fondation du Patrimoine, la Fondation Notre-Dame et le Centre des musée nationaux (CMN) – ce dernier a permis de sécuriser les donations et joué un rôle significatif dans le succès de la levée de fonds. « La mobilisation de l’Etat, des fondations et du CMN ont favorisé un effet d’entraînement qui explique en partie la collecte, en quatre jours seulement, de 800 M€  de promesses de dons », a observé Jérémie Patrier-Leitus.

 

Séminaire mécénat novembre 2019

Plus d’information, plus de transparence, plus de dialogue

Autre différence significative avec les grandes opérations de mécénat de ces dernières années : le caractère limité des contreparties offertes aux mécènes. « Créer un programme de contreparties serait inapproprié pour la Notre-Dame de Paris », a estimé Christophe Rousselot, délégué général de la Fondation Notre-Dame, rappelant qu’il s’agissait « d’un bâtiment hors-norme » et d'un contexte « très particulier ». « Il ne serait guère possible, par exemple, d'inscrire sur la façade de Notre-Dame les noms de tous les donateurs », a-t-il ajouté, en faisant appel au « bon sens ».

Dans ces conditions, comment maintenir le lien si essentiel avec la communauté des mécènes ? La solution réside dans une nouvelle structure - l'établissement public chargé de la restauration de Notre-Dame de Paris a été créé le 28 novembre 2019 - qui comprend, parmi ses instances de gouvernance, un comité de donateurs. « A travers ce comité sans équivalent dans la sphère publique, nous montrons aux mécènes la place majeure que nous leur accordons dans ce chantier hors norme. Cela permettra de garantir un dialogue permanent et transparent avec les mécènes et de les informer régulièrement », reprend Jérémie Patrier-Leitus.

Une initiative saluée par Virgine Perceveaux, déléguée générale de la Fondation Crédit Agricole Paris France - grand mécène de la restauration de Notre-Dame de Paris -, qui voit dans ce comité la possibilité « de créer  de nouveaux liens entre mécènes et meneurs de projets ».

Un nouveau visage du mécénat en faveur du patrimoine français ?

Une telle mobilisation marque-t-elle une mutation du mécénat ? Assiste-t-on à un changement des mentalités sur la prise en charge du bien commun, de l’intérêt général ? Difficile à dire, en l'état actuel des choses, même si, selon Jérémie Patrier-Leitus, « un travail sur les ressorts d’un tel élan de générosité apparaît, à terme, absolument nécessaire ».

Pour Virginie Perceveaux, l’un des principaux enjeux consiste désormais à maintenir une forte mobilisation en faveur du patrimoine. « Il faut bien entendu capitaliser sur l'expérience de Notre-Dame, sans oublier pour autant l'immense majorité du patrimoine français. En régions, il existe des situations d'urgence qui, pour être moins visibles, n'en sont pas moins préoccupantes », a-t-elle prévenu.

Un point de vue largement partagé par Christophe Rousselot, qui a expliqué avoir récemment rencontré un grand industriel français désireux de faire un don à un autre grand édifice religieux que la cathédrale. « Cela signifie que ce tragique incendie a déverrouillé quelque chose. A nous maintenant de saisir la balle au bond pour faire plus, pour faire mieux et pour soutenir d’autres projets, en dehors de Paris », a-t-il conclu.
 

Un établissement public chargé de la conservation et de la restauration de Notre-Dame de Paris


Un décret du 28 novembre 2019 (JO du 29 novembre) définit les missions de l'établissement public chargé de la conservation et de la restauration de Notre-Dame de Paris, qui sera présidé par le général Georgelin.

•    Assurer la réalisation des travaux de sécurisation et de consolidation de la cathédrale
•    Assurer la réalisation de toute étude et analyse préalable aux travaux de conservation et de restauration du monument
•    Conduire les travaux de conservation et de restauration du monument
•    Financer les travaux réalisés par les services du ministère de la Culture ou ses établissements sur des éléments du mobilier de la cathédrale qui appartiennent à l'État,
•    Définir un projet scientifique et culturel assurant la mise en valeur du chantier, y compris dans sa dimension internationale, et des savoir-faire nécessaires pour la conduite des opérations et en assurer la mise en œuvre auprès de tous les publics
•    Aménager l’environnement immédiat de la cathédrale, notamment le parvis, la promenade du flanc sud et le square Jean XXIII, dans le cadre d’une convention conclue avec la Ville de Paris ; à cette fin, il peut mener toute étude et analyse préalable ainsi que la conduite, la coordination et la réalisation des travaux
•    Gérer l’ensemble des procédures foncières et immobilières nécessaires à la réalisation des opérations qu’il conduit en propre ou qui lui sont confiées
•    Rechercher auprès des personnes publiques et privées en France et à l'étranger les financements nécessaires à la conduite des travaux de conservation et de restauration de la cathédrale et à l’accomplissement de l’ensemble de ses missions
•    Définir les modalités spécifiques d’information et de concertation avec les riverains et les commerçants sur les opérations qu’il conduit et les projets qu’il développe
•    Mettre en œuvre des procédures et le contrôle interne garantissant la traçabilité du montant des fonds recueillis, de leur provenance, de leur affectation et de leur consommation.