Alors que le coup d’envoi de « Partir en livre » est donné le 30 juin, le lauréat du prestigieux prix Astrid-Lindgren 2021, le Nobel de la littérature jeunesse, revient sur les rapports qu’entretiennent les jeunes avec la lecture.

Jean-Claude Mourlevat - portrait

C’est le premier lauréat français du prestigieux prix Astrid-Lindgren, considéré comme le Nobel du livre jeunesse. Cette récompense, qui consacre un auteur plusieurs fois primé, a de quoi réjouir tous les amateurs – et ils sont nombreux – de ce champ littéraire qui a gagné, depuis plusieurs années, ses lettres de noblesse dans l’édition hexagonale. A commencer par la ministre de la Culture, qui a salué un « auteur généreux », dont « les mots s’adressent à tous et accompagnent nos enfants pour les faire grandir avec douceur ».

Qui, mieux que Jean-Claude Mourlevat, auteur d’une œuvre foisonnante, traduite en une vingtaine de langues, pouvait évoquer pour nous la manifestation nationale conçue par le ministère de la Culture et organisée par le Centre national du livre, « Partir en livre » ? Qui, en cette année où la lecture a été désignée « grande cause nationale », pouvait revenir avec autant de pertinence que d’expérience sur les rapports qu’entretiennent les jeunes avec la lecture ?

Car, s’il a pris la plume tardivement – à l’âge de quarante ans – sa carrière d’écrivain ne doit rien au hasard : d’abord professeur d’allemand, puis clown, puis comédien et metteur en scène, Jean-Claude Mourlevat se plaisait déjà à vivre parmi les brasseurs de mots et de rêves. Clown, il s’était fait remarquer par son étonnante interprétation de Parlez-moi d’amour, au moyen d’un archet qu’il faisait grincer sur son lacet de chaussure…

Il m’arrive de dédicacer un exemplaire complètement usé et qu'on me dise: je l’ai lu quand j’avais 12 ans et il ne m’a jamais quitté

Pouvoirs du livre

Parmi toutes les médiations proposées sur le territoire national pour « Partir en livre », il en est une qui tient particulièrement à cœur : la lecture à voix haute. « Je crois beaucoup à ses vertus, nous explique Jean-Claude Mourlevat. A la pratiquer très souvent, je me rends compte que les jeunes gens adorent, aujourd’hui comme hier, qu’on leur raconte des histoires. Ils ont la même capacité à être attentifs, à s’émouvoir et à rire, que nous à leur âge. »

En ce sens, l’auteur nous invite à ne pas sous-estimer l’amour, parfois discret, sans tambours ni trompettes, que les enfants et les jeunes gens portent aux livres : « Il m’arrive, et j’y suis particulièrement sensible, de dédicacer un exemplaire tellement usé que les pages en tombent presque et que la personne devant moi me dise : je l’ai lu quand j’avais 12 ans et il ne m’a jamais quitté. »

Alors, sur quel secret les livres peuvent-ils fonder de si grands pouvoirs ? « Ce que j’aime dans les contes, quand ils sont réussis, c’est leur épure, leur intemporalité, leur caractère ouvragé. Sans en être spécialiste, je m’en inspire parfois. Ils actionnent en nous ce qui nous anime depuis le fond des âges : nos grandes peurs et nos grandes espérances. »

Il y a aussi cette fraternité des êtres humains, cette reconnaissance d’une même condition devant la beauté extraordinaire de l’existence et, à la fois, nos difficultés à nous élever à ces hauteurs. Le jeune public distingue celui qui sait lui en parler, comme cette jeune lectrice qui rappelle à Jean-Claude Mourlevat cette formule qu’elle a trouvé dans son roman Terrienne : « Ceux pour qui le monde ne suffit pas ». « C’est la formule dont j’avais besoin pour exprimer ce que je ressens. Merci ! » lui écrit-elle. Parfois quelques mots font l’affaire d’une vie. « Un élève de 4e m’a dit un jour, poursuit Jean-Claude Mourlevat : Je veux vous dire merci, parce que vous nous avez parlé comme à de vraies personnes ! »

Jean-Claude Mourlevat - Gallimard

La lecture, la plus belle des promesses

Devant des enjeux d’une telle importance, il ne faut rien négliger. « Je soutiens et j’admire, par exemple, cette initiative de lecture quotidienne « obligatoire » dans les établissements scolaires, pendant dix minutes ou une demi-heure, et qui concerne tout le monde, du principal au personnel de service. Cet apprentissage du silence, cette pause. Partout où on l’a instaurée, on l’a perpétuée. Personne ne veut revenir en arrière. »

Gageons que « Partir en livre », qui reformule bien des pratiques d’éducation artistique et culturelle sous les couleurs de la fête, des vacances et de l’été, saura, elle aussi, rythmer sainement les mots, les phrases, le rêve, la vie et le silence – et faire de la lecture, la plus belle des promesses.

Parmi ses œuvres les plus connues, traduites en une vingtaine de langues : La Rivière à l’envers (Pocket Jeunesse, 2000), Le combat d’hiver (Gallimard Jeunesse, 2006), Terrienne (Gallimard Jeunesse, 2011), Sophie Scholl : « non à la lâcheté » (Actes Sud Junior, 2013)

 

Partir en livre : La lecture part à la conquête des nouveaux lecteurs

« Partir en Livre », la grande fête du livre pour la jeunesse, se déploie cette année du 30 juin jusqu’au 25 juillet partout en France et elle sera un des premiers temps forts de « la lecture, grande cause nationale » annoncée par le Président de la République.

À l’occasion de cette 7e édition, la manifestation prend de l’ampleur pour toucher un public plus large. L’événement dure plus longtemps, et il a désormais un thème fédérateur – cette année « Mer et merveilles » – ainsi qu’une marraine et deux parrains exceptionnels : Soledad Bravi, Yannick Bestaven et Oxmo Puccino.

Les projets remarquables portés par les régions, les villes et les départements, par les associations, par les librairies et les bibliothèques se multiplient partout en France métropolitaine et ultramarine. Ce sont ainsi 172 projets qui ont été sélectionnés et soutenus pour permettre aux jeunes et à leurs familles de goûter au plaisir de lire et de partager des histoires.

Près de 800 auteurs et 320 librairies seront « sur le pont » pendant toute la durée de la manifestation. Conçue en 2015 par le ministère de la Culture et organisée par le Centre national du livre (CNL), « Partir en Livre » part à la conquête de nouveaux lecteurs chaque été depuis 7 ans. Plus de 3500 événements sont actuellement référencés sur le site de la manifestation.

A noter : la   manifestation   sera   inaugurée   officiellement à La Villette, à Paris, le 28 juin, avant de faire escale au Havre (les 3 et 4 juillet), à Tinqueux (les 6,7 et 8 juillet), à Saint-Malo (du 3 au 21 juillet), à Marseille (les 16 et 17 juillet), à  Montpellier  (du  30  juin  au  17  juillet) et à Châteauvallon-Liberté, scène nationale (le 23 juillet).

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