Françoise Nyssen a présenté, le 29 mars, son plan "Culture près de chez vous". Doté de 6,5 M€ dès 2018, ce plan d’action, dans lequel sont recensés 86 territoires culturels prioritaires, a pour objectif de conduire "les œuvres et les artistes sur les routes de France".

lancement plan itinérance

C’est l’histoire d’un « jeune lycéen », issu d’une « petite commune du Bas-Rhin », qui « aimerait aller plus souvent au théâtre, dans la ville d’à côté ». S’il renonce à assouvir sa passion, c’est parce que « le car de ramassage ne passe que deux fois par jour » et qu’il « est trop tard quand il sort du théâtre ». Comme lui, trop de Français ne peuvent accéder facilement aux équipements culturels de leur choix, comme cette famille guyanaise pour laquelle « la première bibliothèque est à plusieurs heures de route » ou ce « couple d’enseignants, rencontré dans le Limousin, qui trouve le premier cinéma à vingt minutes, le premier musée à cinquante, le premier théâtre à plus d’une heure ».

En faisant de ces témoignages le symbole de la « ségrégation culturelle » contre laquelle elle entend lutter, la ministre de la Culture a résolument refusé toute « fatalité », lors de la présentation de son ambitieux plan d’action « Culture près de chez vous ». « On n’a pas tout essayé en matière d’accès à la culture. Il faut tracer de nouvelles routes, aller au-devant de nos citoyens, faire sortir la culture de ses murs, (…) creuser de nouveaux sillons pour irriguer de nouveaux territoires », a-t-elle plaidé, en ajoutant qu’elle entendait répondre avec des mesures adaptées au « désir de culture » qu’elle percevait fortement, notamment dans « la jeunesse ». 

On n’a pas tout essayé en matière d’accès à la culture. Il faut tracer de nouvelles routes, aller au-devant de nos citoyens, faire sortir la culture de ses murs, creuser de nouveaux sillons pour irriguer de nouveaux territoires

86 territoires culturels prioritaires

Doté de 6,5 M€ dès 2018, le plan « Culture près de chez vous », qui repose notamment sur de nouvelles méthodes de travail entre les services de l’Etat et les collectivités territoriales, part d’un constat. A côté des 30 000 équipements culturels qui constituent un maillage culturel particulièrement dense du territoire (« depuis près de soixante ans, le ministère de la Culture agit, soutient, investit, a rappelé la ministre. Il a ouvert des portes à des générations entières »), il reste des « zones blanches », notamment dans les territoires ruraux, périurbains ou ultramarins, où l’accès à la culture est plus difficile. Il résulte de cette situation à deux vitesses une véritable « fracture culturelle », tant en termes d’équipements que de dépenses culturelles.

C’est pourquoi Françoise Nyssen a proposé de mettre en place une politique spécifique en faveur de ces territoires. « Nous avons identifié 86 bassins de vie dans lesquels il y a moins d’un équipement culturel pour 10 000 habitants. Nous allons en faire nos territoires culturels prioritaires, vers lesquels nous allons déployer de nouveaux moyens au service d’une politique publique de circulation des artistes et des œuvres ». La moitié de ces territoires culturels prioritaires sont concentrés dans huit départements : l’Eure, le Loiret, la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, la Moselle, les Vosges et la Réunion. 

Circulation des artistes…

Dans le domaine de la création artistique, de la lecture, du cinéma, le plan prévoit que les projets itinérants seront soutenus et encouragés. A travers une telle démarche de circulation, qui va bien au-delà de la seule proposition artistique, il s’agit d’offrir partout en France l’excellence artistique en s’attachant à créer du lien et aller à la rencontre des habitants. Cela suppose des projets qui conjuguent création, transmission, formation et éducation populaire, car « l’itinérance, c’est bien plus qu’une tournée », a expliqué la ministre. Exemple d’itinérance au sens fort : le travail remarquable réalisé par les cirques traditionnels bénéficiera de moyens nouveaux, qui visent notamment à accroître le nombre de représentations dans les petites communes.

Le plan prévoit également une mobilisation des opérateurs de l’État et des structures labellisées. « Je prendrai l’exemple de la Comédie-Française et de l’Opéra de Paris, parce qu’elles sont des institutions emblématiques, connues des Français. La Comédie Française joue 15 % du temps hors de Paris. Nous pouvons faire plus. Scapin va partir en tournée l’an prochain : 50 représentations vont avoir lieu, de Antibes à Amiens. L’Opéra de Paris, aussi, s’engage à l’occasion de ses 350 ans. L’an prochain, il partira en tournée dans la France entière, dans des formats variés. Il ira là où il n’a jamais été. Les danseurs offriront aussi, avec des master classes, des rencontres exceptionnelles à leur public, dans la France entière », a détaillé la ministre.

… et itinérance des œuvres

« Décrochons des chefs d’œuvres, sortons des pièces des réserves, faisons-les voyager en France » : telle est la philosophie des mesures présentées par la ministre de la Culture pour que chaque citoyen puisse avoir accès aux œuvres d’art, et en particulier aux chefs d’œuvres des collections nationales. S’agissant des musées nationaux (hors Centre Pompidou et Quai Branly), sur 5 ans, il y a eu 21 297 œuvres prêtées en région pour 1 524 expositions. Ce mouvement s’amplifiera et sera réorganisé, notamment en ciblant davantage, à partir de 2018, les zones les plus éloignées de l’offre culturelle. « Je vais nommer un commissaire général pour coordonner cette politique de circulation des œuvres, qui est inédite. Cet expert sera chargé d’élaborer un « catalogue des désirs », un catalogue d’œuvres iconiques, qui pourront sortir des grands musées pour circuler en France », a annoncé Françoise Nyssen. Ce catalogue sera présenté à l’occasion de la Nuit européenne des Musées 2018, le 19 mai prochain.

En outre, la création d’un nouveau label, qui vise à valoriser les opérations lancées par les 1 200 musées de France en d’autres lieux que le musée lui-même (écoles, maisons de quartier, autres institutions culturelles), permettra d’amener le musée aux publics qui en sont les plus éloignés. La ministre de la Culture remettra prochainement ce label à la vingtaine d’initiatives lauréates en 2018 qui conjuguent avec exemplarité politique des publics et mouvement des collections. Parmi elles, le musée des Beaux-Arts d’Agen, le musée d’art moderne et contemporain de Saint-Etienne et le musée Girodet de Montargis.

200 Micro-folies créées dans toute la France

Dernier volet du plan « Culture près de chez vous », le déploiement annoncé par la ministre de la Culture de « deux cents Micro-folies dans toute la France, à commencer par les territoires culturels prioritaires ».  Initiative de l’établissement public de La Villette, ces structures modulables sont une « véritable alternative » pour « toutes les œuvres qui ne pourront pas voyager » : un musée numérique, qui permet d’accéder aux œuvres et spectacles de douze établissements partenaires, dont les grands musées nationaux comme le Centre Pompidou, le Louvre ou le musée d’Orsay, mais aussi avec la Philharmonie de Paris, l’Opéra de Paris, la Comédie-Française, Universciences ou le Festival d’Avignon…

Véritables espaces de « démocratie culturelle », les Micro-folies permettent non seulement d’accéder à la culture, mais d’« inter-réagir avec elle ». « Les fablabs, les espaces de rencontre font que les Micro-folies n’est pas seulement un lieu où l’on regarde, c’est un lieu interactif », a souligné la ministre, en ajoutant que ce sont aussi de « formidables laboratoires de création et d’éducation ».

 

Culture près de chez vous, un plan d’action qui repose sur un dialogue partenarial

Ce plan mobilisera des moyens nouveaux de la part du ministère de la Culture soit 6,5 millions de crédits déconcentrés supplémentaires en 2018 avec l’objectif d’atteindre 10 millions en 2022.

Cette politique sera fondée sur un dialogue partenarial avec les collectivités territoriales, et passera par une implication de tous :

• l’ensemble des services du ministère de la Culture et en premier lieu des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) qui sont le moteur de cet élan de décentralisation culturelle ;

• établissements publics nationaux du spectacle vivant (Chaillot, Comédie-Française, Opéra de Paris, Opéra comique…) dont le rayonnement national doit être un axe particulièrement fort de leur politique ;

• musées nationaux ;

• réseau des 450 labels de la création artistique (FRAC, scènes nationales, centres dramatiques nationaux…) ;

• tous les autres acteurs culturels soutenus par le ministère de la Culture ;

• réseaux d’éducation artistique et populaire.