Né en 1510, d’origine modeste,
Ambroise Paré est un bon exemple de ces « hommes sans
lettres » de la Renaissance qui se forment hors des écoles
et acquièrent sur le terrain une enviable compétence.
De sa formation, l’on connaît surtout, parce qu’il
a tenu à en faire mention, les trois ou quatre années
passées à l’Hôtel-Dieu de Paris, où
la diversité des malades qu’il contribue à traiter
et la pratique de la dissection lui donnent cette expérience
réfléchie dont il ne cessera de dire qu’elle
vaut tous les livres. Paré se plaît à y ajouter
l’expérience des camps, qui, de fait, en ces années
de guerre, fut pour lui très formatrice.
À une époque où les armées ne disposent
pas de services de santé, Paré devient, en effet,
ce que nous appellerions un chirurgien de guerre, et accumule les
découvertes. Après l’affaire du Pas-de-Suse,
en 1537, il est forcé, par manque d’huile bouillante,
d’appliquer sur les plaies un onguent digestif simple, et
découvre, émerveillé, à la fois son
innocuité et son efficacité. Il a aussi la hardiesse
de pratiquer la première désarticulation du coude.
En 1542, à Perpignan, il applique pour la première
fois son principe de la position dans la recherche des projectiles.
En 1545, à Boulogne, il soigne François de Guise de
cette terrible blessure à la face qui lui a valu le surnom
de « Balafré ». En 1552, à Damvilliers,
il ampute de la jambe un gentilhomme de la suite de Rohan et remplace
la routinière cautérisation par la ligature des artères.
Il travaille entre-temps à l’ouvrage qui, publié
en 1546, asseoit sa réputation : La
méthode de traiter les plaies faites par les arquebuses et
autres bâtons à feu.
À la mort de Rohan, il ne tarde pas à devenir chirurgien
ordinaire du roi. Chirurgien : il n’a pourtant passé
que les examens de barbier, nécessaires pour pouvoir exercer
en ville. Il lui faut donc, comme nous dirions, régulariser
sa situation. Visiblement, si le collège des chirurgiens
le reçoit, c’est que Paré a usé de protections
: on supprime les délais, on choisit les juges parmi ses
amis, on n’exige pas de lui le paiement des droits. On ne
peut quand même pas le dispenser de parler latin, mais, quand
on l’admet au baccalauréat, le procès-verbal
signale que le candidat est reçu bien que son langage soit
« assez barbare et corrompu » ; on l’invite donc
à parfaire sa connaissance du latin … et de la chirurgie
; et on le dissuade de se présenter à la licence et
à la maîtrise. C’était en août 1554.
Pourtant, en octobre, Paré est reçu licencié
in favorem Regis, et en décembre, maître. Passe droit
pour passe-droit, le Collège en profite pour parler de doctorat
!
Curieuse carrière universitaire du « père de
la chirurgie française ». Au reste, Paré ne
gardera pas rancune à ses juges, et travaillera à
régler avantageusement le statut légal du collège
des chirurgiens.
Jean Céard
professeur émérite à l’université
de Paris X-Nanterre
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