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programme des manifestations
En avril 1954, deux ans après la Minute
de vérité de Jean Delannoy où Jean Gabin
et moi étions une dernière fois un couple au cinéma,
j’étais présente à la cérémonie
rendant hommage aux vingt-cinq ans de carrière de mon partenaire.
J’applaudis alors de bon cœur Jacques Prévert
qui le remerciait d’avoir aidé le cinéma parlant
« à dire ses pauvres rêves fastueux et vivants
».
Les anthologies en témoignent : en 46 ans et près
de 100 rôles du légionnaire au capitaine Maréchal,
Jean Gabin – voyou ou commissaire Maigret,
banquier ou président du Conseil des Ministres –, a
su devenir l’acteur français le plus célèbre
de son époque.
Né à Paris, fils d’une chanteuse de caf’conc
et d’un chanteur d’opérettes, AlexisJean Gabin
Moncorgé connaît son premier succès dans une
revue du Moulin Rouge avec Mistinguett. De 1931 à 1935, il
tourne vingt films de Chacun sa chance
à La Bandera. Devenu vedette,
en cinq ans et onze films, il tourne neuf succès devenus
des classiques : La belle équipe
et Pépé le Moko avec
Julien Duvivier ; Quai des Brumes
et Le jour se lève avec Marcel
Carné ; Gueule d’amour
et Remorques avec Jean Grémillon
; les Bas Fonds, la Grande Illusion, la Bête
Humaine avec Jean Renoir.
En 1943, son engagement dans les Forces françaises
libres en fait le plus vieux chef de char de la 2e D.B. mais
une éclipse suit l’échec de son film avec Marlène
Dietrich en 1946. Il investit dans des activités d’éleveur
en 1952 avant de retrouver la faveur du public en 1954 avec Touchez
pas au grisbi de Jacques Becker et French
Cancan de Jean Renoir. Ensuite, souvent servi par des dialogues
de Michel Audiard et des réalisations de Gilles Grangier
ou Henri Verneuil, il est la vedette de quarante-sept films.
Malgré la « nouvelle vague », il est très
admiré pour ses interprétations dans La
traversée de Paris et Les Misérables
avec Bourvil, Un singe en hiver avec
Belmondo, Le chat avec Simone Signoret – un des dix films
qu’il co-produit. En 1976, année de sa disparition,
il rencontre toujours le succès dans L’année
sainte aux côtés de Jean-Claude Brialy et de
Danièle Darrieux.
Jean et moi avons formé un couple bourgeois de cinéma
en 1952, sur des dialogues d’Henri Jeanson ; mais le public
s’est attaché surtout aux destins que nous avons incarnés
en 1938 sur le Quai des Brumes puis
sur Le récif de corail de Maurice
Gleize et, en 1939, dans Remorques.
Malgré nos personnages tragiques, des générations
de spectateurs ont de nous deux une vision de lumière. De
Jean Gabin, être tout d’une pièce, facilement
bourru mais toujours juste, je garde le souvenir d’un sentimental
gai et tendre. À côté des répliques «
atmosphériques » Arletty-Jouvet, notre dialogue continue
de résonner avec l’intensité qui fut captée
en 1938 :
« – t’as de beaux yeux
tu sais !
– Embrassez moi… »
Michèle Morgan
artiste dramatique
Michèle Morgan et Jean Gabin sur
le tournage du film « Remorques » de Jean Grémillon,
environs de Brest, 1939
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