Vence - Chapelle des Dominicains - Chapelle dite du Rosaire - Chapelle dite de Matisse
- département : Alpes-Maritimes
- commune : Vence
- appellation : Chapelle des Dominicains - Chapelle dite du Rosaire - Chapelle dite de Matisse
- auteurs : Henri Matisse, concepteur, Révérend père Louis-Bertrand Rayssiguier, maître d'oeuvre et consultant pour la liturgie, Auguste Perret, architecte-consultant, Louis Milon de Peillon, architecte d'opération, Clément Goyenèche, architecte pour le mobilier
- date : 1949-1951
- protection : Inscription au titre des monuments historiques par arrêté du 28 décembre 1965
- label patrimoine XXe : Circulaire du 1er mars 2001
En 1942, gravement malade, Henri Matisse (1869-1954) est soutenu et aidé par une jeune infirmière, qui deviendra par la suite religieuse dans le couvent des Dominicaines de Vence. Restée amie avec l'artiste, soeur Jacques-Marie lui parle en 1946 de la chapelle que les religieuses aimeraient aménager à Vence.
Cette démarche auprès du peintre sera appuyée par le frère Rayssiguier, choisi comme conseiller par la mère supérieure du couvent. A l'époque, l'église Notre Dame de Tour Grâce d'Assy vient d'être consacrée et Fernand Léger en achève les décors. En parallèle, à partir de 1948, Le Corbusier et Fernand Léger collaborent avec Edouard Trouin et le père Couturier au projet de Basilique Universelle du Pardon et de la Paix à la Sainte-Baume. Informé de ces différents exemples, le frère Rayssiguier espère que Matisse pourra également contribuer au renouvellement de l'art sacré en créant une chapelle à Vence. Il lui propose une ébauche de plan fin 1947, qui interpelle et intéresse Matisse. Malgré leurs points de vue différents – Matisse ne voit alors dans ce projet qu'une continuation de son oeuvre et se soucie assez peu de l'art sacré – les deux hommes vont alors commencer une collaboration qui durera jusqu'à l'achèvement des travaux, en 1951. Au fil du temps, d'importantes divergences de conception apparaissent, Matisse ayant une vision de plus en plus précise de la chapelle et ne se limitant pas à en imaginer les décors. Afin d'être aidés et départagés, les deux hommes décident de choisir un architecte pour la réalisation de la chapelle et, après avoir pensé à Le Corbusier, leur choix se porte sur Auguste Perret, qui accepte la proposition sur le champ. Sur place, les travaux seront assurés par l'architecte L. Milon de Peillon.
Le plan auquel les trois collaborateurs parviennent en juillet 1948 respecte le souhait de simplicité des religieuses et du frère Rayssiguier, tout en mettant en valeur les décors et vitraux dessinés par Matisse. Ce dernier ne reprend pas à son compte les propositions de Perret. Il résulte également des nombreux échanges entre Matisse et le père Couturier. La première pierre de la chapelle est posée et bénie par Monseigneur Rémond, évêque de Nice, le 11 décembre 1949.
L'inauguration et la consécration à Notre Dame du Rosaire eurent lieu le 25 juin 1951, en l'absence de Matisse, très affaibli par la maladie.
L'ensemble du décor de la chapelle a été inscrit à l'Inventaire des Monuments Historiques en 1965. En 2001, la chapelle a reçu le label "Patrimoine du XXe siècle".
La chapelle comporte un volume unique avec un choeur orienté à l'Ouest, la croisée du transept étant occupée par l'autel majeur en pierre du Gard, disposé en diagonale, selon un axe médian entre bancs et stalles. Au Nord, le transept est très peu marqué, tandis qu'au Sud, il est plus profond, en raison des stalles des religieuses qu'il abrite. Le confessionnal et le tambour du clocheton sont également présents au Sud. Construite en béton armé enduit et couverte par une simple charpente supportant un toit de tuiles rondes à double-pente, l'église se distingue par une dilatation de l'espace intérieur grâce au travail de la lumière, une lumière que Matisse commence à considérer comme spirituelle, et non plus naturelle.
Abandonnant les motifs religieux qu'il envisageait dans un premier temps pour ses vitraux, Matisse opte pour des motifs végétaux, qui lui permettent de libérer son trait et de travailler sur la couleur et le rythme. Au fil des mois, l'artiste demande la suppression progressive de nombreux éléments prévus dans le projet originel, en particulier du mobilier cultuel qu'il avait lui-même dessiné : disparaissent ainsi les statues, l'autel de la vierge, la table de communion, le buffet d'orgue et les décors au sol. Seuls les bancs et l'autel sont conservés, laissant tout l'espace libre pour les jeux de lumière des vitraux, réalisés par Paul Bony : conçus dans les tons de bleu, vert et jaune, ces derniers symbolisent l'espace originel (le ciel et la terre) rendus vivants par la lumière, tel que cela est décrit dans la Genèse.
Sur les murs laissés blancs, Matisse appose trois fresques, réalisées en collaboration avec le céramiste Le Bourdillon et simplement dessinées au trait noir sur des carreaux de faïence blancs : résultant d'un long processus d'épurement, le Saint-Dominique, la Vierge et l'Enfant (au Nord) et le Chemin de Croix (à l'Est) atteignent la pureté du signe et s'animent avec les reflets changeants des vitraux. Les murs Ouest et Sud sont entièrement occupés par les vitraux : à l'Ouest, le vitrail double intitulé L'Arbre de vie présente des motifs végétaux disposés librement et créant l'illusion d'une tenture suspendue devant une baie géminée. Au Sud, quinze Petits Vitraux reprennent un motif de feuilles de cactus méditerranéen, disposées en alternance afin que les espaces intermédiaires se fondent dans le rythme général du motif. Assemblés par neuf derrière les stalles des religieuses et par six dans la nef, ces vitraux fins et allongés créent une dynamique verticale qui est lisible depuis l'extérieur de la chapelle, dans une relecture épurée des baies groupées, récurrentes dans l'architecture religieuse.
Discrète à l'extérieur, la chapelle se remarque néanmoins par son toit de tuiles blanches et bleues ainsi que par la croix de fer forgé de 13 mètres de hauteur qui orne son toit.
Plus encore que l'aspect extérieur, c'est l'expérience menée par le peintre sur la "boîte" intérieure, sur la lumière et la ligne comme ferments de spiritualité, qui constitue l'apport le plus original de cette oeuvre.
- rédacteurs : Jean-Lucien Bonillo, Eve Roy - Laboratoire INAMA / ENSA Marseille, 2005-2008
A lire aussi dans Patrimoine du XXe du siècle, l'étude Les Trente Glorieuses dans les Alpes-Maritimes
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