Avant la cérémonie d’ouverture du Festival de Cannes, Françoise Nyssen a assisté dans l’après-midi du 8 mai à la projection d’un court métrage dans le cadre de « la Quinzaine en Actions », dispositif d’accès à la culture et d'éducation à l'image organisé par la Quinzaine des Réalisateurs, notamment en direction des quartiers prioritaires. Une thématique chère à la ministre. Quelques semaines plus tôt, à l’occasion de la réception organisée rue de Valois en l’honneur des films français sélectionnés pour cette 71e édition du Festival, avait évoqué « les trois combats » qu’elle comptait mener « pour la défense du cinéma français ».
Chacun de vos films est une chance : pour le public ; pour la cause qu’il sert ; pour la France
Le combat pour l’égalité entre les femmes et les hommes
« Les femmes, a rappelé Françoise Nyssen, restent moins représentées dans de nombreux métiers, moins rémunérées, et moins soutenues par les producteurs que les hommes … Elles sont moins visibles, moins récompensées : les sélections des festivals sont le reflet de ces inégalités. » A cet égard, Cannes doit être un moment de mobilisation. La ministre a décidé, avec son homologue suédoise, d’organiser une conférence internationale sur l’égalité femmes-hommes pendant le Festival. Elle aura lieu le dimanche 13 mai et doit rassembler des professionnels du monde entier.
Françoise Nyssen va ensuite organiser des « Assises de l’égalité femmes-hommes dans le cinéma », au mois de juin, avec tous les représentants du secteur. Elle souhaite qu’une Charte de l’égalité soit élaborée pour le secteur, et que l’adhésion à cette Charte devienne une condition d’attribution des aides du CNC. La charte devra aborder notamment la question de l’égalité des rémunérations.
Il conviendrait également de mettre en place un système de « bonus » place pour les films exemplaires sur le plan de la parité ou de la promotion des femmes à certains postes clés dans les équipes.
Enfin, Françoise Nyssen souhaite créer un fonds de dotation, qui réunira le concours de l’État et de mécènes privés, pour aider de jeunes réalisatrices à développer et à produire leurs films. Ce fonds sera ouvert aux réalisatrices du monde entier.
Le combat du soutien à la création
Ce soutien passe notamment par les aides du CNC, dont près de la moitié sont des aides sélectives qui permettent à la France d’être « le » pays du cinéma d’auteur, et la terre d’accueil des cinéastes du monde entier. Ce soutien passe également par les crédits d’impôt, dont la revalorisation a permis à la France d’attirer un niveau considérable d’investissements.
L’audiovisuel public doit se transformer :
- pour développer une offre réellement alternative à celle des chaines privées et à celles des nouveaux médias sociaux ;
- pour reconquérir la jeunesse ;
- pour être pleinement présent sur le front numérique, là où les usages se développent.
Dans ce processus, la création aura un rôle clé: « La création, a précisé la ministre, n’est pas qu’une composante, c’est le socle de notre modèle audiovisuel. Elle doit être au centre de la réforme. »
Le combat de la régulation
« Elle est, rappelle Françoise Nyssen s’adressant aux réalisateurs, la condition d’exercice de vos libertés. C’est par la régulation que l’on garantit la diversité culturelle. C’est par la régulation que l’on crée de la valeur et qu’on la protège. » Aujourd’hui, des chaines et des plateformes vidéo s’établissent hors de France pour échapper aux obligations de financement de la création. Nous devons, au niveau européen, imposer à ces acteurs les mêmes obligations de financement que les acteurs traditionnels établis en France. Il faudra aussi imposer un quota d’œuvres européennes sur les plateformes de vidéo à la demande.
Quant à la chronologie des médias, elle n’est plus adaptée. Sa réforme doit atteindre deux objectifs : améliorer l’accessibilité des œuvres, en prenant la juste mesure des attentes et des usages des spectateurs et garantir le meilleur financement possible pour les créateurs, en favorisant dans la chronologie les diffuseurs qui sont le plus engagés et les plus vertueux à l’égard du cinéma et de sa diversité.
Adapter la régulation actuelle, c’est aussi prendre de nouvelles mesures pour lutter contre le piratage. L’essentiel de notre arsenal porte aujourd’hui sur le téléchargement pair à pair, alors que le piratage se fait désormais dans 80% des cas en streaming ou en téléchargement direct. « Nous devons agir sur toutes les formes de piratage en faisant évoluer le mécanisme de riposte graduée et en plaçant la priorité sur la lutte contre les sites pirates, de façon à les assécher de toute ressource et les faire disparaître », a affirmé Françoise Nyssen. La ministre souhaite que des « listes noires » soient établies par la HADOPI, pour permettre aux annonceurs, aux services de paiement ou aux moteurs de recherche de connaître les sites illicites et de cesser toutes relations avec eux ; Il faudra aussi se donner les moyens de bloquer ou déréférencer les sites, et tous les sites miroirs qui se créent après la fermeture du site principal. Ce pouvoir pourrait être confié à la HADOPI, en lien avec le juge, pour répondre à la double exigence d’une suppression rapide et durable des sites pirates.
A Cannes, Françoise Nyssen défend les créateurs et soutient l’accès de tous à la culture
C’est en mettant en lumière deux symboles forts de son action, que Françoise Nyssen a inauguré, mardi 8 mai, l’édition 2018 du Festival de Cannes. Dans l’après-midi, la ministre de la Culture s’est rendue à une projection organisée par la Quinzaine à la Bocca. Cette association, issue de la Quinzaine des Réalisateurs, met en place, avec le concours de la direction régionale des affaires culturelles de Provence-Alpes-Côte d’Azur, plusieurs actions d’éducation à l’image, comprenant notamment une initiation au scénario (voir notre article "Cinéma pour tous au quartier prioritaire de la Bocca"). « C’est un formidable dispositif d’accès à la culture, où des jeunes ayant participé à des ateliers d’écriture et de réalisation présentaient cet après-midi leur court-métrage », s’est réjouie la ministre, en applaudissant le travail des cinéastes en herbe. Autre symbole : la défense des créateurs. Pour l’inauguration officielle du festival, Françoise Nyssen a monté les marches du Festival de Cannes avec les producteurs de Leto, le film du réalisateur russe Kirill Serebrennikov, interdit de voyager par Moscou et qui ne devrait pas pouvoir défendre son film présenté mercredi soir en compétition officielle. « Soutien au réalisateur Kirill Serebrennikov, assigné à résidence en Russie, qui n’a pu obtenir l’autorisation de venir présenter son film », a-t-elle indiqué sur son compte twitter, en assurant « tous les créateurs », dont le réalisateur iranien Jafar Panahi, autre grand absent, en lice lui aussi pour la Palme d'or, de son « soutien sans faille ».
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