Avec le "Printemps de la ruralité", le ministère de la Culture a engagé une consultation nationale des élus, des professionnels de la culture, des associations et des habitants et habitantes, dont l'étude et l’analyse des résultats fonderont dès ce mois d'avril une nouvelle feuille de route pour la culture en zones rurales.
En région, la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) des Hauts-de-France organise des concertations, des échanges vivants pour établir un diagnostic régional et recueillir les sentiments, initiatives et besoins pour une culture partagée en ruralité.
La commission Culture de la CTAP, un jalon important et symbolique du Printemps de la ruralité en Hauts-de France
Dans l’élan du "Printemps de la ruralité en Hauts-de-France", la Commission Culture de la CTAP, réunie et présidée par François Decoster, vice-président en charge de la culture, du Patrimoine, des langues régionales et des relations internationales de la Région Hauts-de-France, est une instance pertinente pour débattre autour d’une compétence partagée. S’adressant aux élus et techniciens des communes, des établissements publics de coopération intercommunales (EPCI), des départements, elle forme un jalon signifiant dans l’exercice d’une concertation au plus près des réalités territoriales.
La CTAP a été instaurée par la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (loi MAPTAM).
Selon l’article L1111-9-1 CGCT, la conférence territoriale de l'action publique (CTAP) peut débattre et rendre des avis sur tous les sujets relatifs à l’exercice de compétences et à la conduite de politiques publiques nécessitant une coordination ou une délégation de compétences entre les collectivités et leurs groupements.
Elle peut être saisie de la coordination des relations transfrontalières avec les collectivités territoriales étrangères situées dans le voisinage de la région.
Concernant les compétences partagées, comme c’est le cas de la compétence « culture », chaque niveau de collectivités peut émettre des propositions de rationalisation qui sont discutées au sein de la CTAP.
Le rôle du préfet de région
Le préfet de région, informé des séances de la conférence territoriale :
- y participe de droit lorsque la conférence donne son avis sur une demande d’une collectivité territoriale ou d’un EPCI à fiscalité propre tendant à obtenir la délégation de l’exercice d’une compétence de l’État ;
- à sa demande, peut participer aux autres séances.
En outre, des conventions territoriales d’exercice concerté d’une compétence sont élaborées par les collectivités. Elles fixent les objectifs de rationalisation et les modalités de l’action commune des collectivités locales pour les compétences pour lesquelles elles sont chef de file.
La CTAP en Hauts-de-France
La Conférence territoriale de l'action publique (CTAP) de la région Hauts-de-France a pour objet de débattre entre collectivités membres de l’exercice de ses compétences et de la conduite des politiques publiques, dans l'objectif de coordonner les interventions des différentes collectivités territoriales.
Les enjeux de la culture en zone rurale : une approche dynamique et partagée
La Commission Culture de la CTAP a été ouverte par François Decoster, vice-président Culture de la Région Hauts-de-France. Après avoir posé, en préambule, le cadre de la ruralité en Hauts-de-France, François Decoster a présenté l’ambition culturelle portée par la Région depuis 2016 sur le territoire des Hauts-de France et particulièrement sur les territoires ruraux. Ce temps de présentation a également été l’occasion de partager les premiers résultats d’une étude actuellement menée par la Région sur la compétence culturelle prise par les EPCI et qui fera l’objet d’une restitution complète lors d’une prochaine session de la commission culture à l’automne prochain.
Hilaire Multon, directeur régional des affaires culturelles des Hauts-de-France a ensuite à son tour documenté les problématiques les plus saillantes de la culture en zones rurales. Tous deux ont rappelé qu’en Hauts-de-France, 3200 communes sont rurales. Ces dernières couvrent 82% du territoire régional, représentant 1,7 million de personnes et 29% de la population régionale (INSEE- avril 2021).
La ruralité, des ruralités
Derrière ces chiffres, les réalités socio-économiques sont très diverses. Dans un contexte de mutations sociales et institutionnelles, les espaces ruraux sont effectivement à appréhender comme des espaces hybrides, en interrelation continue avec les espaces métropolisés.
Les représentations d’un rural tantôt rejeté, tantôt idéalisé, méritent d’être nuancées d’autant que les évolutions récentes des milieux ruraux viennent les modifier en profondeur : on relève le souhait exprimé par certaines populations urbaines d’une meilleure qualité de vie, l’attractivité croissante de certains espaces ruraux, la transformation de résidences secondaires en résidences principales dans un le contexte post-covid et donc l’arrivée de néo-ruraux et parmi eux, de nouveaux acteurs de la culture, de nouveaux élus, de nouveaux publics.
S’agissant des politiques culturelles en milieu rural, elles sont marquées par deux phénomènes historiques. La présence des équipements culturels était et reste faible en milieu rural : les communes rurales hors attraction des villes accueillent 16% des équipements culturels à l’échelle nationale, dont 1% des équipements d’arts du spectacle et 3% dans les arts visuels (INSEE, 2020).
Par ailleurs, le mode d’agir des professionnels de la culture est en questionnement : le passage de la démocratisation culturelle vers la démocratie culturelle suppose notamment des équipements de pratiques culturelles (conservatoires, écoles de musiques) qui ne sont pas toujours présents en milieu rural.
Les chiffres-clé de l'action de la DRAC Hauts-de-France en zone rurale
Hilaire Multon, directeur régional des affaires culturelles des Hauts-de-France, a partagé le constat suivant : « en Hauts-de-France, 13 contrats culture et ruralité, 19 contrats territoire-lecture et 24 CLEA sont passés entre la Direction régionale des affaires culturelles et des EPCI comprenant au moins une commune rurale. 5 des 6 Pays d’art et d’histoire s’étendent en zone rural. Je souhaite également relever le formidable travail des opérateurs de la création et de la diffusion labellisés par le ministère de la Culture. En Hauts-de-France, aucune de ces structures n’est domiciliée en zone rurale et nous pouvons le regretter. Mais bien qu’en périphérie des 53 intercommunalités composant la ruralité de la région, nombreux sont ceux parmi les Scènes Nationales, les FRAC, les orchestres ou centres nationaux qui œuvrent de façon volontariste en milieu rural, pour s'adresser à tous les habitants, de la meilleure manière possible : en allant-vers. »
Des témoignages concrets et des expériences exemplaires de politique culturelle en zone rurale
Les riches échanges de la commission ont été ponctués de témoignages, permettant à la fois d'illustrer concrètement les sujets soulevés et d'inspirer les membres de la commission.
La dynamique culturelle de la communauté de communes du Pays Solesmois
Cette intercommunalité fondée il y a 20 ans et située dans le département du Nord porte la compétence culture pour environ 15 000 habitants : elle compte un conservatoire intercommunal, cinq bibliothèques qui sont tenues par des bénévoles, et a vu naître un festival. Dans une dynamique culturelle renouvelée, le Pays Solesmois s’est fixé trois objectifs :
- développer les pratiques ;
- amener la culture dans des lieux de proximité ;
- mettre en cohérence la politique culturelle.
Pour construire cette politique culturelle commune, et après avoir réalisé un diagnostic culturel territorial, le Pays Solesmois s'est doté d’un comité culturel de territoire, faisant appel aux élus, professionnels et à toute personne qui souhaite y participer. Au sein de ce comité :
- Le groupe « pédagogie et transmission » traite de la question des Jeunes Publics comme de l’ouverture vers d’autres formes artistiques. Le Pays Solesmois participe au projet « Finoreille » de l’Opéra de Lille depuis 5 ans : on compte 25 chanteurs du pays Solesmois parmi les 340 chanteurs de ce projet, permettant une ouverture au monde de l’opéra.
- Le groupe « diffusion et pratiques » s’attelle à faire vivre le Conservatoire, écoles de danse et de théâtre en portant une politique volontariste d’inclusion.
- Enfin, le « groupe création » impulse la construction de lieux de spectacles mobiles : caravanes, ou jazz bar battent le rythme d’une programmation culturelle de proximité un dimanche par mois.
« Finoreille » : l’Opéra de Lille fait chanter les ruralités et les quartiers prioritaires depuis 2015
En 2015, l’Opéra de Lille, dans sa volonté de promouvoir l’égalité d’accès aux pratiques culturelles, crée « Finoreille », un dispositif de pratique artistique destiné à sensibiliser le jeune public à la musique et à l’univers de l’opéra. Ce dispositif rassemble aujourd’hui 340 enfants répartis en 19 ateliers dirigés par huit chefs de chœur. Ils se déroulent chaque semaine dans des écoles de quartiers prioritaires ou de zones rurales, des lieux culturels, des centres de loisirs et centres sociaux de 16 communes partenaires.
À partir de 2020, le projet « Finoreille » s’enrichit de deux dispositifs satellites : « Primoreille », ateliers de chant préparatoires à l’entrée à « Finoreille » à destination d’enfants de CE1 et CE2 de la région des Hauts-de-France et « Finoreille Studio », atelier de perfectionnement de la pratique vocale et chorale d’enfants âgés de 10 à 14 ans, ayant au moins un an de pratique « Finoreille» .
« Finoreille » est financé par le ministère de la Culture (DRAC Hauts-de-France) et le Plan Musique de la Ville de Lille.
Un diagnostic partagé pour un Printemps culturel de la ruralité
Les échanges des élus et techniciens des communes, communautés de communes, communautés d’agglomérations, des Départements, de la Région et de l’équipe de la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) des Hauts-de-France ont ensuite permis de considérer la diversité de « lieux » et d’actions en zones rurales : ont été cités comme exemples les lieux culturels partagés, s’hybridant par l’enrichissement de fonction sociale et citoyenne, dans une conception de la culture affranchie de restriction et de cloisonnement, les tiers lieux, les résidences d’artistes, ou les actions itinérantes maillant le territoire. On aurait également pu penser aux centres culturels de rencontre ou encore aux ateliers de fabrique artistique (AFA), lieux de recherche, expérimentation, et rencontre entre des artistes et des publics éloignés, en quartier prioritaire ou zone rurale.
Ces formes sont des réponses efficaces mais, de l’avis des acteurs et actrices mobilisés, elles ne sont pas toujours suffisantes pour répondre aux enjeux propres à une culture équitable, vivante, émancipatrice et durable en zone rurale. Des solutions et moyens nouveaux pourraient être attendus :
- pour dynamiser la mobilité des publics, des œuvres et des artistes ;
- pour compléter le maillage géographique des équipements culturels dans l’objectif d’atteindre l’équité territoriale de l’offre culturelle dans sa qualité, dans sa diversité, dans ses conditions de pratique ;
- pour soutenir et renforcer l’ingénierie culturelle en zone rurale aujourd’hui fragile ;
- pour répondre aux enjeux de communication et de valorisation des actions proposées ;
- pour valoriser, favoriser l’appropriation, permettre l’entretien des patrimoines de proximité échappant au classement ou à l’inscription au titre des monuments historiques ;
- pour vivifier la pratique d’un tourisme de proximité.
Printemps de la ruralité
Le Printemps de la ruralité est une concertation nationale sur la vie culturelle en milieu rural.
Chaque français, habitant, élu local, acteur culturel ou associatif, est invité à s’emparer de cette concertation nationale et à y apporter sa contribution.
Dans les Hauts-de-France, près de 3 200 communes sont « rurales ». Elles couvrent 82 % du territoire régional et abritent un peu plus de 1,7 million de personnes, soit 29 % de la population régionale.
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