C’est ainsi que ce 13 août à l’Aselqo Sainte-Beuve d’Orléans la Source, lors d’une restitution ouverte aux familles des enfants et jeunes qui ont participé à la résidence du CCNO, on pouvait découvrir de longs rouleaux de papier blanc fixés au sol par bandes symétriques avec, posés au centre de chacun d’eux telle une offrande, deux fusains.
Tandis que les parents, frères et sœurs et amis prenaient place, les enfants rejoignaient deux par deux l’extrémité de chaque rouleau dans un étrange face à face arbitré par deux morceaux de charbon que nos ancêtres utilisaient il y a 40.000 ans pour leurs fresques pariétales. Au tintement d’une clochette, les enfants se sont élancés le long de leurs rouleaux, curieusement penchés d’un côté ou de l’autre pour attraper le fusain et le faire glisser le long du papier. Les allers-retours s’accéléraient, les corps tournaient, se frôlaient, virevoltaient et les fusains courraient sur le papier en traits saccadés, brisés, en courbures inachevées, marquant les mains et les pieds nus de poussière noire. Un temps de calme arriva.
Les enfants s’agenouillèrent au plus près du papier et ouvrirent leur bras dans une gestuelle ample, couchant le fusain dans toute sa largeur sur le papier, au croisement des traits rapides surgis il y a peu. Puis ils se levèrent et se tournèrent vers le public familial. A cet instant d’aucun aurait pu croire que cette expression libre des corps n’était pas de la danse (on le disait bien des chorégraphies d’Isidora Duncan), d’aucun aurait pu croire que les coups de fusain n’étaient que des gribouillis (on le disait aussi du travail de Jean-Michel Basquiat). Mais le spectacle n’était pas fini.
Les enfants sont retournés vers les rouleaux fixés au sol accompagnés de Christine Desfeuillet et Marie-Laure Rocher. Ils cherchaient dans cet entrelacs de traits la ligne conductrice. Parce que le plus souvent il en existe une, savamment cachée. En identifiant la ligne conductrice creusée par les coups de boutoir des fusains, ont surgi tour à tour sur différents rouleaux un banc de poissons bondissants, une femme dans une parure magnifique, une tête d’éléphant plus vraie que nature, un serpent échappé d’un nid d’anacondas.
Christine Desfeuillet et Marie-Laure Rocher ont gagné leur pari : prendre une route artistique sans en connaître la destination c’est ouvrir la voie aux capacités créatives de chacun, profondément ancrées en nous et plus puissantes qu’on ne le croit.
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