4.Annonay (Ardèche) : tour des martyrs et ses courtines est et ouest
La tour des martyrs d'Annonay et les courtines qui lui sont attenantes présentent un intérêt au point de vue de l'histoire . Cette tour d'artillerie moderne est spécialement intéressante pour l'histoire d'Annonay, car elle permet d'évoquer les Guerres de religion qui y eurent ici un retentissement particulier, ainsi que l’ancienne fortification de la ville.
- construction de la tour après 1560 – modifications au XVIIIe et XIXe siècles ; mur des courtines du XIVe avec reprises postérieures des maçonneries -
inscription au titre des monuments historiques le 1er octobre 2021 de la tour des martyrs et de ses courtines.
© A. VERTU DRAC Auvergne-Rhône-Alpes
La tour des martyrs est un élément de l’enceinte fortifiée qui faisait le tour de la vieille ville d’Annonay. Elle est visible depuis l’avenue de l’Europe, à l’est du centre. Elle rappelle le passé défensif du site historique d’Annonay, installé sur une éminence entre les deux fossés naturels que sont la Deûme et Cance. La tour et les murs de courtines qui lui sont rattachés surplombaient le cours de la Deûme, aujourd’hui couvert, à proximité du site du couvent Sainte-Marie, implanté sur la hauteur. Les fortifications étudiées se trouvent dans le périmètre du site patrimonial remarquable d’Annonay. Cette tour, au parement sombre, constitué majoritairement de grès local micacé, n’avait jamais, jusqu’ici, fait l’objet d’un traitement visant à la valoriser.
Pendant de nombreuses années, la tour dominait des jardins en terrasses, aujourd’hui à l’abandon.
Située à mi-pente, dans un escarpement, la tour est propriété de la ville d’Annonay depuis 1965. Auparavant, celle-ci fut la propriété de la famille Maton, qui l’avait achetée aux sœurs du couvent Sainte-Marie, dont elle dépendait jusqu’alors. Les murs de courtines qui la jouxtent sont en partie publics et en partie privés, divisés sur plusieurs parcelles. La tour aurait pris l’appellation de « tour des martyrs », au XIXe siècle.
Ce nom ferait référence à un épisode des guerres de religion, dont les tourments causèrent de profonds tumultes dans toute la France et spécialement en Ardèche, en plusieurs épisodes, de 1562 à 1598. À Annonay, le chef des troupes catholiques Saint-Chamond mit la ville à sac en 1563.
La légende rapporte que des habitants d’Annonay, qui avaient pris les armes pour se défendre, furent jetés du haut des tours de la ville. Ancrée dans le rocher, à l’angle d’un saillant du mur d’enceinte (l’un des murs oblique ensuite vers le nord), la tour des martyrs se trouvait en surplomb du quartier des Martins.
Donnée comme médiévale, le rapport de diagnostic archéologique que l’INRAP a rendu en septembre 2020 revient sur la datation présumée de l’ensemble et situe sa construction dans la seconde moitié du XVIe siècle, sans pour autant que la base de la tour, totalement comblée pour l’instant, n’ait pu être investiguée. Étêtée à une date indéterminée, la partie supérieure fut réaménagée au XVIIIe siècle en un cabinet circulaire, éclairé de larges baies.
Concernant la tour en elle-même, il s’agit d’un organe de flanquement de forme légèrement tronconique. Un cordon circulaire sépare les niveaux inférieurs de la partie sommitale.
Ses élévations sont constituées de pierres d’appareil grossièrement taillées, grès et granits équarris, disposés en assises relativement régulières. Par endroit, des reprises en béton complètent l’ensemble. Les moellons étaient à l’origine jointoyés par un mortier clair fait de chaux et de sable de rivière.
La tour a un pan coupé au sud, le long des murs de courtines qui ont été reconstruits, depuis le XIVe siècle, au gré des campagnes de rénovation dont l’enceinte a fait l’objet. Avec le temps et les modifications apportées aux constructions qui l’environnent, le volume intérieur de la tour fut en partie comblé de gravats et de remblais, en même temps qu’elle était appelée à des fonctions diverses, utilisée notamment comme étable au troisième niveau, comme casemate, puis atelier au quatrième niveau où la lumière était la meilleure.
Il est probable qu’à l’origine, la circulation entre les étages se faisait par le biais d’échelles, ce qui expliquerait l’absence d’escaliers pour circuler entre les différents niveaux. Du fait de son comblement, sa hauteur totale ne peut être donnée avec précision. Seuls les sondages archéologiques et un dégagement précautionneux effectué sous surveillance scientifique pourront apporter des précisions supplémentaires.
Selon la supposition du Commandant Bret, qui rédigea en 1941 une étude sur cet élément défensif de la ville ancienne, la tour des martyrs pourrait avoir mesuré à son origine 15 ou 16 mètres de haut. Au-dessus du bourrelet qui en délimite la partie supérieure, son diamètre est réduit à moins de 5 mètres. Sa position en saillie du rempart lui donnait un très grand angle de tir. Les ouvertures horizontales permettaient quant à elles le tir plongeant et le tir indirect.
Cet aspect militaire très stratégique rend la tour des martyrs d’Annonay particulièrement remarquable et laisse présager un volet pédagogique important dans sa valorisation.
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