Fos-sur-Mer - Tour de vigie-réservoir
- département : Bouches-du-Rhône
- commune : Fos-sur-Mer
- appellation : Tour de vigie-réservoir
- adresse : port pétrolier
- auteurs : Gaston JAUBERT (J. LOPEZ, collab.)
- date : 1966-1968
- protection : édifice non protégé
- label patrimoine XXe : Commission régionale du patrimoine et des sites (CRPS) du 28 novembre 2000
Cet édifice en forme de signal s'inscrit dans ce qui fut le volet le plus audacieux et le plus emblématique de la politique d'aménagement du territoire de la république gaullienne au milieu des années 60. La création ex-nihilo d'une immense plate-forme portuaire et industrielle dans le golfe de Fos était un projet d'une envergure colossale : échelle européenne d'un "Europort du Sud", échelle nationale de la "géographie volontaire", échelle régionale de l'essor économique. On aurait tort de s'étonner qu'une commande architecturale ait pu être formulée dans un tel projet d'infrastructure, car, dans les grandes entreprises d'État des Trente Glorieuses, l'architecture fut toujours chargée d'exprimer l'avènement de la modernité (enfin !) triomphante.
Né en 1918, Gaston Jaubert est l'un des plus brillants architectes modernes qui ont exercé en Provence. Sa maturité architecturale est déjà atteinte quand il s'installe à Salon-de-Provence en 1962. Le chemin parcouru est des plus remarquables : apprentissage auprès de Eugéne Beaudouin, Auguste Perret, Le Corbusier ; premières réalisations dans le domaine du logement au Maroc entre 1950 et 1956, où il côtoie Écochard, Candilis, Zevaco, Bodiansky. Installé à Paris entre 1957 et 1961, il milite avec André Bloc et Pierre Vago pour le renouveau de l'architecture et de l'urbanisme. En 1966, c'est sans conteste son talent reconnu pour un langage architectural moderne qui lui vaut d'être nommé par le port autonome de Marseille architecte en chef de la zone de Fos. Son architecture exploite les audaces techniques et plastiques qu'autorise le béton, et la rigueur de son dessin est exaltée par la sensibilité qu'il donne à la peau de ses bâtiments.
La tour vigie fut le premier des édifices réalisés par Gaston Jaubert sur la zone de Fos ; suivirent des bâtiments de service (quais à conteneurs et minéralier), de direction et d'administration (dépôt pétrolier), et une caserne des pompiers (centre de vie La Fossette). Tous ces édifices ont en commun un langage architectural orienté vers la plasticité volumétrique et graphique du béton brut de décoffrage, caractéristique de la période provençale de l'architecte. L'originalité de cet ensemble architectural, dont la double fonction associe vigie et réservoir d'eau, tient à la forme audacieuse de l'ensemble. Au-dessus du réservoir, traité comme un cône inversé, la tour vigie se hisse en forme de potence (ou "L" inversé). Sa structure en béton armé (calculée par le bureau d'études marseillais Laupies) se lit clairement : le pylône se compose de deux voiles verticaux et d'un noyau logeant l'ascenseur et l'escalier ; la salle de contrôle en porte-à-faux, entièrement dépourvue d'appuis intérieurs, se tient entre deux dalles trapézoïdales respectivement portée (pour le plancher) et suspendue (pour le toit) par deux faisceaux de poutres solidement ancrées aux voiles. Un soin particulier est ensuite apporté au traitement graphique des empreintes de coffrage du béton, tant sur les éléments de la tour que sur les parois des deux bâtiments administratifs qui se tiennent à ses pieds. On note par ailleurs, sur le dessin des façades de ces derniers, l'art consommé de Jaubert pour la composition rythmique de ses percements, sans doute sa signature la plus authentique. Mal positionné par la maîtrise d'ouvrage, l'édifice a trés rapidement perdu sa fonction de vigie.
- Rédacteur : René Borruey, ensa Marseille, 2002
- Source : 20 monuments du XXème siècle, exposition patrimoine moderne en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, eaml, 2002
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