Les immeubles de la Frontale
Intégration urbaine de la Frontale
Le long du quai, élargi à quinze mètres, de Mailly conçoit un alignement d'immeubles. Le projet comprend quatre immeubles horizontaux, identiques. L'un d'entres eux, de dimensions plus réduites, incorpore la nouvelle mairie d'honneur. Cette dernière, conçue comme un volume cubique élémentaire dépourvu de tout ornement, se distingue dans la composition d'ensemble côté quai par sa façade blanche en rupture sur l'alignement des immeubles. Le dénuement de sa façade devient le faire valoir des célèbres atlantes du sculpteur Pierre Puget, disposés de part et d'autre de l'entrée et qui sont des vestiges de l'ancienne mairie.
Façade sud, détail sur les portiques tubulaires.Photographie en noir et blanc. Non datée. Façade sud, détail sur les portiques tubulaires. Ces structures pouvaient recevoir des vitrages. Sur l'avant, on aperçoit les néons. © Archives départementales des Hauts-de-Seine. Nanterre. Fonds 28 J - Archives de l’agence de Mailly. Album photographique.
Les immeubles ont six étages dont un en surcroît bordé d'une terrasse surmontée d'une pergola en ciment. La toiture de conception encore traditionnelle, en pente douce couverte par des tuiles creuses, est dissimulée derrière la pergola qui tient lieu de couronnement.
Le rez-de-chaussée et l'entresol abritent des commerces ; les étages, des appartements. Les entrées, situées sur la façade nord, ouvrent sur une cage d'escalier associée à un ascenseur qui permet une circulation entre les étages et qui dessert les appartements par l'intermédiaire de coursives superposées. L'architecte utilise de plus le principe des coursives surbaissées qui permettent de préserver l'intimité des résidants en évitant les vues directes sur l'intérieur. Le décalage de niveau permet de prévoir une gaine technique dissimulée dans le plafond des appartements.
Cette implantation en front continu crée dans le paysage urbain une unité monumentale, régulière, épurée des décrochements de toitures "pittoresques" de l'ancien port. Son volume, qui n'excède pas six étages, équivalent à l'ancien front de mer, respecte ainsi l'échelle de la ville.
Le dallage du quai, en moellons de calcaire posés en opus incertum, adoucit le caractère orthogonal des immeubles par son aspect naturel et rustique. Exclusivement réservé aux piétons, ce quai retrouve ainsi sa fonction de promenade isolée du tumulte de la ville. Dans son projet, de Mailly prévoit déjà l'aménagement des terrasses des commerces par l'installation de structures tubulaires en métal, destinées à recevoir des tentes. L'éclairage public conçu également dès l'origine du projet est assuré par des néons fixés sur ces structures.
Le remplacement des anciens îlots d'immeubles, larges et profonds, par des immeubles barres de faible épaisseur, permet d'aérer le tissu urbain tout en mettant en scène de façon remarquable le quai de promenade. Au rez-de-chaussée des immeubles, à hauteur du piéton et de l'automobiliste, les commerces, traversants, sont entièrement vitrés et assurent une transparence qui permet, à travers l'ossature de béton, d'apercevoir le spectacle constitué par le port.
Cette transparence est accentuée par l'ouverture de guichets entre les pilotis et par les larges dégagements prévus entre les immeubles.
Photographie en noir et blanc. Non datée. Façade nord, détail sur coursives superposées. © Archives départementales des Hauts-de-Seine. Nanterre. Fonds 28 J - Archives de l’agence de Mailly. Album photographique. |
Photographie en noir et blanc non datée. Façade nord, mise en évidence de la transparence apportée par les guichets aménagés entre les pilotis. L’entresol réservé aux commerces, traversant, apporte également de la lumière et de la transparence. © Archives départementales des Hauts-de-Seine. Nanterre. Fonds 28 J - Archives de l’agence de Mailly. |
L'innovation du parti constructif : entre béton et préfabrication
Le chantier de construction de la Frontale présente des aspects novateurs par la mise en place d'un chemin de grue qui facilite et accélère la construction, par l'exploitation à grande échelle du potentiel technique du béton, généralisé ici à l'ensemble de l'édifice, et par la conception d'éléments préfabriqués, employés pour la structure et les murs-rideaux et fabriqués en série à partir de prototypes.
La structure, formée d'un assemblage de poteaux et de poutres préfabriqués, permet par la suppression des murs porteurs, d'obtenir un plan libre et de remplacer les murs par de larges baies vitrées.
Cette ossature repose sur des fondations constituées par trois alignements de pilotis.
Chemin de grue - Photographie en noir et blanc non datée. Vue perspective de la façade sud et du quai. L'image montre également l'utilisation du chemin de grue. © Toulon. Direction départementale de l'équipement, bibliothèque, album photographique "Reconstruction du port de Toulon".
Les planchers et les cloisons sont réalisés à partir d'éléments préfabriqués, assemblés à même la structure.
de Mailly organise l'espace sur le principe d'une trame unique de 3, 33 mètres, qui lui permet, selon les divisions, de créer toute une gamme d'appartements allant du studio au T4 par le simple ajout de cloisons séparatives, elles-mêmes préfabriquées.
Seuls les murs-rideaux sont en pierre de taille, un calcaire de couleur crème à grain fin et régulier, nuancé de jaune ou de rose, extrait dans les carrières de Brouzet, près d'Alès (Gard).
Plan au sol d'un étage courant. Mise en évidence de la trame constructive de 3, 33 mètres. © Archives départementales des Hauts-de-Seine. Nanterre. Fonds 28 J - Archives de l’agence de Mailly. Album photographique.
L'originalité du parti architectural : entre planéité et relief
La trame constructive sur laquelle se fonde l'ossature, enrichit la composition des façades par le maillage régulier formé par les profils des poteaux et des poutres, laissés volontairement apparents. Ce principe de composition est particulièrement visible sur les façades latérales aveugles.
Les façades sud et nord présentent un principe identique de composition fondé sur celui de l'alternance. Au sud, l'horizontalité des travées de loggias alterne avec la verticalité des travées de portes-fenêtres ; au nord, l'horizontalité des coursives alterne avec la verticalité des façades-écrans qui habillent les cages d'escaliers.
Cependant, au-delà de ce principe commun, les façades sud et nord s'opposent par leurs traitements.
Au sud, les loggias et les portes-fenêtres sont aménagées dans l'épaisseur du volume, formant ainsi une double peau qui absorbe tout élément en saillie et affirme ainsi une planéité générale. La multiplicité des loggias qui agrémentent chaque appartement, donne à l'édifice une tonalité balnéaire.
Façade sud, planéité et jeu de composition avec le garde-corps, en tubes, claustras et parapet. © Archives départementales des Hauts-de-Seine. Nanterre. Fonds 28 J - Archives de l’agence de Mailly. Album photographique.
A l'inverse, sur la façade nord, les coursives et les façades-écrans concaves des cages d'escaliers, en saillie par rapport à la surface murale, créent ainsi un relief accentué qui rythme la perspective linéaire de la barre.
Volume intérieur : une distribution fonctionnelle
Les logements sont traversants et organisés selon une séparation fonctionnelle des espaces. Au nord sont regroupées les pièces de service : cuisine, salle de bains, w-c et séchoir à linge. Au sud, les pièces de réception et d'intimité : séjours et chambres, donnant sur la loggia.Celle-ci peut être entièrement ouverte grâce à un astucieux système d'articulation des vantaux, disposés sur un rail métallique dissimulé dans le sol. Une fois ouverte, la continuité entre l'intérieur et l'extérieur s'effectue, sans rupture, par le prolongement du carrelage en tomettes. Ce système, repris pour les persiennes articulées qui ferment les loggias, permet de moduler la luminosité des pièces non seulement par la fermeture d'un ou plusieurs vantaux, mais également par la position des lames qui sont orientables.
Dans le séjour, le pilier en béton banché, laissé volontairement apparent, devient un élément de décor.
Les aménagements, prévus par l'architecte, révèlent un niveau de confort élevé : cuisine agencée avec placards, passe-plat, séchoir à linge, vide-ordures sur palier, local collectif en rez-de-chaussée pour poussettes et vélos, chauffage central.
Détail sur la lumière tamise que procurent les persiennes de la loggia. Ces persiennes sont construites par l'Entreprise Baudisson établie à La Seyne-sur-Mer, à partir d'un système breveté. © Archives départementales des Hauts-de-Seine. Nanterre. Fonds 28 J - Archives de l’agence de Mailly. Album photographique.
Le décor
La façade sud est rythmée par l'alternance de la couleur grise du béton et de la couleur blanche de la pierre qui individualise les travées de loggias et de portes-fenêtres. Cette sobre harmonie est rehaussée de couleurs vives : vert, jaune, orange et bleu, appliquées de façon aléatoire sur les persiennes articulées des loggias. Les volets roulants des portes-fenêtres en bois vernis participent également à la polychromie générale.
Le décor s'exprime aussi par l'utilisation alternée des parapets en béton et des garde-corps en tubes métalliques ainsi que par les claustras en béton alvéolé. Tous ces éléments contribuent à l'animation de la façade par le jeu de l'ombre et de la lumière.
A l'inverse, la façade nord, monochrome, affiche une complexité décorative plus soutenue. La division en travées ne se perçoit plus par le simple alignement des baies, mais par la juxtaposition d'éléments de remplissage variés qui créent un foisonnement décoratif organisé, en écho à la diversité architecturale spontanée des façades de la vieille ville. La richesse du décor ne résulte plus, comme autrefois, d'ornements rapportés mais d'éléments structurels et fonctionnels, mis bout à bout, qui s'harmonisent par leurs formes et leurs textures : panneaux rectangulaires en pierre, pavés de verre, lames horizontales des séchoirs, garde-corps des coursives et claustras des cages d'escaliers.
Les façades sud et nord s'opposent donc, non seulement dans le traitement de leurs surfaces, l'une plane, affichant une orthogonalité forte, l'autre, en relief, mouvementée voire baroque ; mais également dans leur coloration, l'une polychrome, l'autre monochrome.
Les seuls éléments décoratifs non structurels sont des obélisques en béton brut disposés de part et d'autre des cages d'escaliers pour signaler les entrées.
La présence des jardinières adossées aux murs-écrans des cages d'escaliers permet d'adoucir la rudesse du décor architectonique en béton par l'insertion de végétaux rampants, qui créent un rideau végétal sur les claustras dont la forme n'est pas sans rappeler celle d'un treillage.
Les jardinières adossées au murs-écrans des cages d'escaliers. © Archives départementales des Hauts-de-Seine. Nanterre. Fonds 28 J - Archives de l’agence de Mailly. Album photographique.
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