Eugène Chirié
Eugène Chirié (1902-1984) est un architecte DPLG actif de 1928 à 1979 en France, principalement en région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Bouches-du-Rhône, Var, Vaucluse, Hautes-Alpes, Alpes-de-Haute-Provence) mais aussi en Corse, en Rhône-Alpes (Lyon, Grenoble), en Langeudoc- Roussilon (Nîmes, Béziers, Lodève) et en Algérie (Constantine, Bougie).
Fils d’entrepreneur en bâtiment, Eugène Chirié étudie à l’Ecole régionale d’architecture de Marseille (1921-1924, atelier d’Etienne Bentz puis de Gaston Castel) puis à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-arts de Paris (1924-1926, atelier de Marcel Rambert et de Paul Bigot) dont il sort diplômé en juin 1926. De retour dans sa ville natale, il achève sa formation en travaillant dans l’agence de Gaston Castel (1886-1971) qui vient d’être nommé architecte en chef du département.
La carrière personnelle d’Eugène Chirié débute en 1928 avec l’ouverture de son agence à Marseille. Pendant les années trente, comme Michel Roux-Spitz (1888-1957), Charles Siclis (1889-1942) ou encore certains membres de l’Union des Artistes Modernes tels René Herbst (1891-1982), il s’impose rapidement auprès d’une clientèle privée issue de la bourgeoisie d’affaires pour laquelle il conçoit des édifices relevant principalement de programmes com merciaux dans lesquels l’aspect décoratif est prépondérant : cinémas, cafés, restaurants, hôtels, boutiques.
Rapidement reconnu comme un spécialiste de l’architecture cinématographique, il réalise la plupart des salles de la cité phocéenne pendant l’Entre-deux-guerres, notamment les « temples du cinéma » dont la capacité dépasse mille places : le Pathé-Palace (1931), le Rex (1932-1933), l’Odéon (1934), l’Eldorado (1935), le Ciné-Madeleine (1938), le Hollywood (1938-1939), le Royal (1941-1943) ou l’Olympia (1942-1943) portent ainsi la signature d’Eugène Chirié. Il réalise des cinémas dans la plupart des villes du département (Aix-en-Provence, Gardanne, Berre, Tarascon, Istres), mais aussi à Toulon (Capitole, 1939 ; Cinévog, 1939), Cavalaire (Miramar, 1942-1943), Bastia (Rex, 1939), Avignon (Palace, 1934), Apt (Rex, 1943-1944), Valréas (Rex 47, 1946-1947), Nîmes (Majestic, 1931-1932 ; Lux 1942-1943), Béziers (Palace, 1931-1932), Lyon (Pathé-Palace, 1931-1933), Grenoble (Royal) ou encore en Algérie où il édifie le casino municipal de Constantine (1932-1934) et projette l’église Sainte-Thérèse- de-l’Enfant-Jésus de Bougie (1931).
Architecte en vogue, Eugène Chirié conçoit également d’autres hauts-lieux de la sociabilité marseillaise : salon Linder (1929), dancing de l’hôtel Bristol (1931), café Mori’s (1933), restaurant Gardanne (1933), brasserie La Canebière (1933-1934), restaurant Basso (1937-1938), music-hall Paris-Montmartre (1944-1946).
Enfin, il renouvelle l’art de l’étalage, mettant au point des dispositifs commerciaux et décoratifs novateurs dans diverses boutiques du centre-ville (Dyens, 1928 ; Second, 1929 ; Persil, 1933 ; Rugby, 1933 ; Antoine de Paris, 1935- 1936 ; Detaille, 1936).
Dans un esprit plus fonctionnaliste, Eugène Chirié aborde l’architecture industrielle au travers de commandes conséquentes. A Marseille, il réalise ainsi les locaux de l’Imprimerie nouvelle (1928), la Coopération pharmaceutique française (1930-1931), la Chaudronnerie industrielle (1932) ainsi que plusieurs garages pour les Etablissements Barthélémy et Collard (1929-1931 et 1931-1932).
Eugène Chirié s’illustre aussi dans les programmes d’habitation en concevant, à Marseille et sur le littoral méditerranéen (Cassis, Sanary, Cannes), des villas empreintes de régionalisme. Les appartements qu’il aménage (Maïa, 1931 ; Vidal-Naquet, 1934-1935) et la dizaine d’immeubles de rapport qu’il construit à Marseille adoptent une esthétique moderne et raffinée, très proche de celle développée concomitamment à Paris par Michel Roux-Spitz.
Mobilisé en août 1939 (base militaire d’Aix-en-Provence, service de l’Intendance), Eugène Chirié est chargé par l’armée française de dresser l’état des lieux de la tuilerie des Milles en vue de son utilisation comme un camp d’internement pour étrangers et d’organiser l’installation de régiments indochinois. Bien que rendu à la vie civile en juillet 1940, Eugène Chirié est comme la plupart de ses confrères réduit à une quasi-inactivité jusqu’à la Libération.
Après la seconde guerre mondiale, Eugène Chirié accède à la commande publique et entame une carrière officielle.
Agréé par le ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme, il participe à plusieurs opérations de Reconstruction à Marseille, dont celle du Vieux-Port où il intervient en tant qu’architecte chef de groupe en association avec Jean Rozan (1887-1977) pour concevoir l’îlot Villeneuve de Bargemon (groupes 10-11), secteur de choix car situé à l’est de l’hôtel de ville, juste derrière les immeubles en alignement sur le port.
Ensuite, de par ses nouvelles fonctions d’Architecte régional des PTT et de la RTF (poste occupé de 1944 à 1967) puis d’architecte honoraire (1967-1976), son activité est bientôt dominée par la conception de bâtiments relevant de ces administrations. Si, au sortir de la guerre, il s’agit en premier lieu de remettre en état des édifices endommagés pendant le conflit ou de moderniser d’anciennes infrastructures, bientôt l’administration postale lance une politique d’équipement du territoire national.
Eugène Chirié édifie ainsi de nouveaux bureaux et Hôtels de Postes dans les quelques chefs-lieux de département où les infrastructures font encore cruellement défaut (Avignon, Bastia, Digne), et surtout dans des villes moyennes jusque là mal desservies (Istres, Briançon, Aubagne, Sartène, Golfe-Juan, Le Beausset, Corte, Tarascon, Pertuis, Port-Saint-Louis-du-Rhône). Il réalise aussi de nouveaux bureaux urbains (Marseille Rome, Marseille Canebière). Oscillant entre une modernité classicisante (équipements importants ou situés en milieu citadin) et répertoire formel régionaliste (villages et villes moyennes), auteur de réalisations modèles qui seront diffusées sur tout le territoire national, Eugène Chirié contribue à renouveler l’identité architecturale de l’administration postale.
Pendant les années 1950, Eugène Chirié réalise une série d’immeubles d’habitation de standing à Marseille dans lesquels il expérimente des voies d’expression plus contemporaines tant en termes de lignes que de matériaux. Il faut dire que l’architecte, dont l’agence bénéficie de la prospérité des années de croissance, est secondé par ses deux fils aînés, Pierre (né en 1928, diplômé en 1962) et Jacques (né en 1929, diplômé en 1956), officiellement à partir de 1963 mais, dans la réa lité du travail d’agence, depuis le milieu des années 1950. Ces derniers apportent du sang neuf, introduisant de nouvelles méthodes de travail, essayant de doubler l’approche pragmatique de leur père par un effort de théorisation, développant une approche du projet fondée sur la pluridisciplinarité ou encore des réflexions d’ordre bioclimatique. Ensemble, à Marseille, les trois hommes mènent à bien des opérations d’une envergure nouvelle qu’il s’agisse d’architecture hospitalière (centre Paoli-Calmettes, 1963-1968) ou de grands ensembles (La Sauvagère, 1955-1962 ; La Maurelette, 1962-1969) qu’ils traitent de façon originale et sensible.
Eugène Chirié cesse toute activité en 1979 mais l’agence qu’il avait créée continue de fonctionner jusqu’en 1994.
Sources
Bibliographie
- Marantz-Jaen Eléonore, Eugène Chirié (1902-1984). Une expérience de l’architecture au XXe siècle. Parcours et réalisations d’un architecte marseillais, Thèse de doctorat d’Histoire de l’art sous la direction de Claude Massu, Aix-en-Provence, Université de Provence, 2006.
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