Monsieur le ministre japonais des affaires étrangères, cher Taro KONO,
Mesdames et messieurs les ministres,
Monsieur le Président de la Japan Foundation,
Mesdames et messieurs,
Chers amis,
Je suis ravie d’inaugurer avec vous cette saison culturelle Japonismes 2018, l’une des plus importantes jamais organisées par le Japon à l’étranger. Je voudrais commencer par témoigner tout le soutien et la solidarité de la France à l’ensemble du peuple japonais, monsieur le ministre, devant les épreuves traversées par votre pays ces derniers jours, et toutes nos condoléances aux proches des victimes. Nous sommes à vos côtés.
Nous espérons pouvoir accueillir bientôt votre premier ministre Shinzo ABE, quand les choses seront rentrées dans l’ordre. Vous êtes, vous serez ici toujours les bienvenus.
Cette saison culturelle est une nouvelle incarnation de l’amitié singulière et ancienne qui unit nos deux pays. Nous sommes heureux et honorés que votre choix se soit porté sur la France. Cette saison vient marquer le 160ème anniversaire de nos relations diplomatiques, et c’est une vraie fierté.
Nous l’attendions avec impatience et ce moment est enfin arrivé. Nous y voyons un nouveau témoignage de l’affection que votre pays nous porte. Une affection qui est partagée. Il y a ici en France, un attrait, un amour, une admiration, une fascination pour le Japon, depuis longtemps. De plus en plus nombreux, mes compatriotes apprennent votre langue, partent à la découverte de votre pays.
Et je devine par avance l’engouement que va susciter cette saison culturelle, avec son florilège de beautés. Au cœur de cette saison culturelle, et au cœur de notre amitié, il y a la rencontre de deux imaginaires : les imaginaires qui font l’identité et la singularité de nos pays.
La formule de Paul CLAUDEL, lorsqu’il était ambassadeur au Japon, avait décrit mieux que tout les relations entre les artistes français et japonais : il parlait « des âmes en résonance », et c’est le sous-titre qui a été choisi pour cette saison. Cette rencontre des imaginaires a été particulièrement féconde, donnant lieu à de nombreux échanges, collaborations, influences croisées ; nourrissant profondément les arts et la culture dans nos deux pays.
Cette rencontre a été permise par l’ouverture au monde du Japon à l’ère Meiji, puis par l’établissement de nos relations diplomatiques, il y a 160 ans, le 9 octobre 1858. Elle n’a jamais cessé depuis, dans tous les domaines de la création.
Elle s’est d’abord manifestée dans la peinture. Dès la seconde moitié du XIXe siècle, l’influence japonaise se retrouve dans l’un des courants les plus novateurs de l’art français : l’impressionnisme. Quand Edouard MANET peint le portrait d’Emile ZOLA devant sa table de travail, une estampe japonaise est accrochée au mur, en écho à cette inspiration.
Quand la première exposition impressionniste se tient au Japon, c’est à un collectionneur japonais ami de Claude MONET, d’Edmond de GONCOURT, d’Edgar DEGAS qu’on la doit : Tadamasa HAYASHI. De grands noms de notre histoire furent de grands admirateurs, de grands collectionneurs d’art japonais, et des passeurs de culture entre nos deux pays, à l’instar de Georges CLEMENCEAU.
La rencontre des imaginaires s’est dessinée dans tous les domaines de l’art. Elle a nourri nos cinémas respectifs.
C’est à un homme d'affaires de Kyoto, Inabata KATSUTARO, que nous devons la première démonstration du cinématographe des frères Lumière sur l'archipel, le 15 février 1897, à Osaka. Quelques années plus tard, c’est un film français qui sera le premier film parlant jamais projeté au Japon : Sous les toits de Paris, de René CLAIR.
C’est une véritable histoire d’amour cinématographique qui s’est nouée entre nos deux pays, et qui sera transmise de générations en générations. Le festival de Cannes n’a jamais cessé de saluer le septième art japonais, encore cette année avec le film Une affaire de famille de Hirokazu KORE EDA.
En ouverture de cette saison « Japonismes », c’est une réalisatrice qui est mise à l’honneur, Naomi KAWASE, avec l’avant-première mondiale de Visions, dont l’actrice française Juliette BINOCHE tient le rôle principal. La rencontre des imaginaires s’est dessiné aussi dans le théâtre.
Je pense aux toutes premières traductions d’œuvres japonaises classiques par le missionnaire français Noël PÉRI. Je pense à la création de la pièce La femme et son ombre par Paul CLAUDEL, au Théâtre Impérial de Tokyo …
Le « nô » a toujours émerveillé la France. La rencontre des imaginaires a eu lieu dans l’architecture et le design.
Tadao ANDO, qui sera à l’honneur au Centre Georges Pompidou cet automne, dit lui-même combien il a été inspiré par Le Corbusier – qui a eu également comme disciple SAKAKURA, l’architecte qui a dessiné l’Institut français du Japon.
Et réciproquement, la France s’est passionnée dès le XIXe siècle pour l’architecture, les objets, le design, les arts décoratifs du Japon. L'historien de l'art Louis GONSE écrivait en 1883 : « Les Japonais sont les premiers décorateurs du monde ». La rencontre des imaginaires traverse évidemment la gastronomie, qui est un pilier de l’identité de nos deux pays, et qui n’a cessé de s’enrichir d’influences réciproques.
La rencontre des imaginaires s’est prolongée dans le manga, la mode, les arts numériques … La France est le plus grand pays lecteur de mangas dans le monde, en dehors du Japon. Des générations de jeunes Français ont grandi avec ces livres entre les mains.
Les liens avec notre bande dessinée se tissent chaque jour, comme en témoigne la collaboration entre Moebius et le très regretté Jirô Taniguchi, dont la disparition a laissé orpheline des milliers de lecteurs en France. Autant de domaines qui se trouvent réunies chaque année en France au sein du festival Japan Expo, lancé en 2000, et qui connaît depuis un succès croissant, réunissant des dizaines de milliers de visiteurs – l’édition 2018 a eu lieu il y a quelques jours. Dans tous ces domaines, la création japonaise suscite un engouement toujours plus grand dans notre pays.
La richesse et la diversité de la programmation de « Japonismes » va venir prolonger tous ces liens. Elle se tourne vers la jeunesse : je pense aux œuvres de TeamLab, que nous avons visité ensemble, ou encore au spectacle « Tôken Ranbu », tiré du jeu vidéo du même nom. Ce sont des créations viennent questionner les frontières de l’art, de la science, de la technologie.
Cette saison ouvre par ailleurs une fenêtre vers les nombreux trésors du patrimoine japonais, à travers les expositions dédiées aux œuvres de Jakuchu, de Rinpa ou encore aux objets de l’époque Jômon. Les trente rouleaux de l’œuvre de Jakuchu n’avaient quitté le Japon qu’une fois, dans l’histoire, avant ce voyage en France. Nous mesurons notre chance : je veux vous en remercier, et je sais que le public français répondra au rendez-vous. Je ne peux citer tous les évènements qui seront proposés dans une programmation d’une exceptionnelle richesse, grâce au travail mené par la Fondation du Japon, que je salue ici.
Elles montrent deux pays soucieux d’innover, constamment ; soucieux d’être à l’avant-garde. Toutes nos institutions culturelles, à commencer par La Villette qui nous accueille ce soir, en passant par le Louvre, le Petit Palais, le Centre Georges Pompidou, la Cinémathèque française, sans oublier nos scènes nationales, vous ont ouvert grand leurs portes, à Paris et en région, pour contribuer à ce rendez-vous unique de la relation franco-japonaise. Qu’elles en soient ici remerciées.
L’infinité de nos liens culturels – qui ont façonné l’histoire, les goûts, les projections de nos deux pays – est née d’un désir commun d’ouverture. Alors que nos deux pays s’apprêtent, dans des temps troublés, à jouer un rôle majeur dans la définition des équilibres mondiaux, avec les présidences du G7 et du G20, la culture doit prendre toute sa place dans notre relation, et dans notre présence au monde. Pour que l’on n’oublie jamais l’essentiel. L’amitié profonde entre les peuples, les projets communs que portent nos artistes, nos chercheurs, nos étudiants, nos entrepreneurs seront toujours plus forts que l’esprit de la division.
C’est aussi ce message que porte cette saison culturelle « Japonismes ».
Vive le Japon !
Vive Japonismes !
Vive l’amitié entre nos deux pays !