Mesdames, Messieurs, Chers Amis,
Dans quelques jours deux évènements vont célébrer de la plus belle des manières le lien si particulier qui unit la France et les lettres, la France et le livre, les Français et la lecture.
D’abord, le 11 janvier prochain, l’inauguration par le Président de la République, à quelques pas d’ici, de la restauration des salles historiques de la bibliothèque nationale.
Et puis quelques jours plus tard, le samedi 14 janvier, et c’est ce qui nous réunit aujourd’hui, la première édition de la Nuit de la Lecture se déroulera partout en France.
J’ai souhaité la création de ce moment de partage, populaire, festif, rassembleur autour du livre, afin de rappeler l’importance de la lecture et de ce qu’elle peut nous apporter dans des moments qui sont parfois difficiles.
Nous avons souhaité proposer ce rendez-vous début janvier. D’abord parce qu’il faut se souvenir qu’à la même date, il y a deux ans, la liberté d’expression et la fraternité étaient attaquées avec une violence inouïe dans notre pays. Il faut se souvenir pour demeurer rassemblés et vigilants et ne pas laisser le poison de l’indifférence nourrir celui de la fragmentation de la société. Et la meilleure défense de la société, c’est le dialogue, le débat, la réflexion.
Et puis ce début d’année est aussi celui de la deuxième rentrée littéraire. La première, celle de septembre, a été très belle, mettant à l’honneur la jeunesse et la diversité avec pour ne citer qu’eux les Goncourt et Goncourt des lycéens attribués à Leïla Slimani et Gaël Faye. Je ne doute pas que cette nouvelle rentrée sera tout aussi réjouissante.
La lecture, c’est d’abord l’accès le plus simple à l’autre. Dans Notre Dame de Paris, Victor Hugo nous rappelle que le livre est cet instrument « le plus simple, le plus commode, le plus praticable à tous ».
C’est la première source de savoir et aussi le premier pas vers l’imaginaire.
Source de savoir parce qu’elle rend accessible la connaissance dans tous les domaines. Nos bibliothèques municipales et universitaires tout comme la BnF sont là pour nous le rappeler avec leurs fonds sans limites et leurs ambiances studieuses.
Premier pas vers l’imaginaire parce qu’elle donne accès à des mondes insoupçonnés pour les plus jeunes d’abord mais aussi pour les plus âgés.
La lecture est bien sûr avant tout un acte individuel. On lit souvent seul, ce que l’on veut, où et quand on le désire. Elle se pratique en secret, en cachette comme elle se pratique au milieu d’une foule, au vu et au su de tous.
Mais ce que nous voulons aussi rappeler avec cette Nuit de la Lecture, c’est qu’elle est également une aventure collective, une relation humaine.
D’abord bien sûr par le dialogue avec les auteurs. Les auteurs contemporains nous éclairent aussi de leur vision de la société actuelle par l’écriture fictionnelle ou documentaire. Les auteurs d’hier nous permettent de converser avec les siècles passés.
Les défendre, c’est donner accès à cette « conversation » qui nourrit le progrès et la citoyenneté, ce Gouvernement en a fait une priorité, j’y reviendrai.
La lecture est aussi transmission. Avant qu’on puisse lire nous-mêmes, quelqu’un a lu pour nous. Nous nous souvenons toutes et tous de ces premières histoires qui nous ont été lues, nous ouvrant grand les portes de mondes inconnus, aussi attirants que vertigineux. Et souvent au crépuscule pour nous entraîner vers la Nuit.
Et puis je crois aussi que la lecture n’est jamais plus belle que lorsqu’elle se partage.
C’est là que prend tout son sens la Nuit de la Lecture dans les bibliothèques et les librairies. Les 16 000 bibliothèques françaises et points de lectures en France sont lieux de culture et d’égalité des chances.
Gaël Faye dans Petit pays écrit « Je vis, depuis des années, dans un pays en paix, où chaque ville possède tant de bibliothèques que plus personne ne les remarque. » Ce réseau de lecture publique est notre richesse. Il faut le préserver, c’est tout le sens des mesures que nous avons prise en la matière.
Je pense aux moyens engagés depuis 2014 en faveur du livre et de la lecture publique en complément de ceux, alloués par l’Etat, pour soutenir les investissements des collectivités territoriales pour le développement de leurs équipements.
Je pense aussi aux contrats Territoire lecture qui permettent de compenser les inégalités territoriales et qui bénéficieront de [500 000 euros] moyens supplémentaires en 2017. Ainsi leur nombre aura doublé entre 2015 et 2017 pour atteindre 145.
Nous voulons que les bibliothèques ne soient pas uniquement des lieux de consultation et de prêt mais qu’elles s’affirment comme des lieux de vie, de rencontre, de partage.
C’est dans cet esprit que nous encourageons et soutenons l’extension des horaires d’ouverture des bibliothèques et notamment leur ouverture le dimanche, répondant ainsi à une appétence du public jamais démentie dans les lieux où elle est déjà à l’œuvre.
J’ai pleinement conscience que c’est un effort important, notamment pour les municipalités ; mon ministère, services centraux et Directions Régionales des Affaires Culturelles sont mobilisés afin d’accompagner les collectivités territoriales ainsi que les directions des établissements à avancer en ce sens.
Nous avons pour cela réformé en avril dernier les conditions d’octroi de la Dotation Générale de Décentralisation (DGD) afin de soutenir financièrement les bibliothèques qui souhaitaient étendre leurs horaires d’ouverture, le soir et le week-end.
Cette initiative a reçu un accueil très favorable des principales associations professionnelles et des bibliothèques. Les premiers résultats sont encourageants. Le mouvement est engagé et je souhaite, parce que je sais que cela en vaut la peine, qu’il soit étendu au-delà de la cinquantaine d’initiatives déjà recensées [plus d’une vingtaine en 2016 et autant en 2017).
En 2017 une vingtaine de projets supplémentaires ont déjà été identifiés, parmi lesquels un certain nombre de grandes villes comme Marseille, Lille, Bordeaux, Strasbourg, Caen, Brest ou Rouen]
La Nuit de la Lecture participe de la même ambition d’ouvrir grand les portes des lieux de culture que sont les bibliothèques, de rassembler tous les acteurs culturels, et donc aussi les librairies qui font un travail exceptionnel de médiation et de conseil auprès du public. Ces 3 500 librairies indépendantes qui ont été soutenues par un plan de soutien remarquable depuis 2014.
Cette Nuit de la Lecture vient encore conforter l’action de l’Etat en faveur des librairies qui sont bien sûr des acteurs clés pour le livre et la lecture.
Depuis le début de l’année 2014 nous avons mis en œuvre un plan de soutien à la librairie d’une ampleur inédite qui a mobilisé 11 millions d’euros. Il a été renforcé en 2016 par deux mesures nouvelles : le relèvement du seuil de dispense de procédure pour les marchés publics de livres non scolaires et l’élargissement des conditions d’intervention du fonds d’avance gérés par l’IFCIC.
J’ai annoncé il y a quelques semaines à Beyrouth au Salon du Livre francophone, un plan de soutien à la diversité par le livre à travers le renforcement des aides aux librairies francophones et un relèvement des aides à la traduction dans l’espace méditerranéen, entre l’arabe et le français notamment.
Ainsi pour cette Nuit de la Lecture, toutes les bibliothèques et les librairies sont invitées à ouvrir leurs portes au public sur des horaires étendus le samedi 14 janvier. Et le public, lui, est invité à découvrir ou redécouvrir les richesses de ces bibliothèques et des ces librairies.
Nous savons que les Français sont désireux d’évènements de ce type puisqu’ils sont nombreux à répondre à l’invitation des Nuits des Bibliothèques à Lille ou Dijon par exemple.
De nombreuses animations seront proposées pour rendre joyeux et vivant ce moment de rencontre et de partage.
Des lectures itinérantes, des lectures en pyjama, des chasses au trésor, une nuit des lectures interdites, des lectures en musique, un quizz mythologique en famille, des débats, la présentation des nouveautés littéraires. Mais aussi des rencontres avec des auteurs, des illustrateurs, des conteurs… L’inauguration de médiathèques, ou la découverte de l’envers du décor.
Environ une centaine de projets ont été sélectionnés par un comité de pilotage réunissant les acteurs du secteur pour être aidés financièrement.
La Nuit de la lecture ouvre un sillon, une dynamique.
Et comme notre volonté était d’essaimer très largement et de permettre qu’un maximum d’initiatives puissent se réaliser partout, nous avons aussi mis en place un site internet dédié pour toutes les bibliothèques et les librairies souhaitant se joindre à la manifestation et faire connaître leurs initiatives.
A ce jour plus de 1200 évènements sont recensés [portés par 600 structures] sur tous les départements métropolitains mais aussi en Guadeloupe, en Martinique, à la Réunion, en Nouvelle-Calédonie et en Guyane.
Plus de 300 lieux ouvriront à cette occasion au-delà de leurs horaires habituels. La dynamique est lancée …
Je veux aussi bien sûr remercier chaleureusement toutes celles et ceux qui se sont associés à cette première édition de la Nuit de la Lecture. L’ensemble des acteurs professionnels et institutionnels ont répondu à notre invitation.
Je pense notamment aux différentes associations de bibliothécaires, à la Bibliothèque Publique d’Information (BPI), à la Bibliothèque nationale de France (BnF), au Centre National du Livre (CNL).
Je veux remercier les organisations professionnelles des libraires, d’auteurs, d’éditeurs.
Je veux remercier également les régions à travers leurs structures régionales pour le livre.
Ce que nous dit l’organisation de cette première Nuit de la lecture c’est qu’il existe un formidable réseau d’acteurs engagés pour apporter le livre et la lecture au quotidien, au plus près des Français, partout en France. Je m’en réjouis tout particulièrement et je veux les saluer. Ils font vivre la République des Arts et des Lettres.
Cette nuit de la Lecture s’inscrit dans une année qui aura vu l’opération « Partir en livre », dans sa deuxième édition, destinée l’été dernier à la jeunesse, profiter à encore plus d’enfants : plus de 500 000.
Voilà dans quel mouvement plus large en faveur du livre et de la lecture nous avons imaginé cette Nuit de la Lecture.
Elle a vocation à se dérouler partout en France, à s’adresser à tous les Français et peut-être surtout aux plus jeunes.
Elle a vocation à rappeler la puissance du livre et de la lecture.
Il y a cent ans naissait le poète Patrice de La Tour du Pin. Je veux ici citer les deux premiers vers de sa somptueuse Quête de Joie :
« Tous les pays qui n'ont plus de légendes
Seront condamnés à mourir de froid. »
La « légende », étymologiquement, c’est « ce qui doit être lu ». Ce sont ces faits merveilleux qui portent l'âme d'un pays. Et le poète nous enjoint de ne pas les laisser tomber dans l’ignorance.
Je forme donc le vœu, en ce début d’année, que la Nuit de la lecture, contribue à nous faire retrouver à toutes et tous le chemin des bibliothèques, des librairies, du livre, et participer de cette humanité retrouvée.