Premier jour : adaptation aux changements de fond et invention de nouveaux modes d’action
A la Maison de la Radio et de la Musique, dans le Foyer F nouvellement rénové, Xavier Domino, Secrétaire général de Radio France, a introduit les travaux par une présentation de Radio France, dont l’offre diverse et cohérente s’appuie sur 6 antennes nationales et 44 stations locales. L’établissement a pour mission de servir tous les usagers et adapte donc son périmètre pour répondre au mieux à leurs attentes diversifiées : c’est ainsi qu’il a créé sa plateforme gratuite pour investir l’espace numérique et mettre sa production de contenu foisonnante à la disposition du plus grand nombre. Cette évolution s’est traduite aussi dans celle des métiers devant intégrer cette part numérique.
Puis Nathalie Sonnac, spécialiste en économie des médias et du numérique, professeure à l’Université Paris 2-Panthéon-Assas et ancienne membre du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA, désormais ARCOM), a caractérisé le nouveau monde des médias en regard des enjeux démocratiques et de souveraineté. En effet, alors que les champs du divertissement et de l’information sont accaparés par le poids hégémonique des productions des GAFAM, le paysage français se recompose difficilement. Confrontés à des moyens financiers très inférieurs à ces acteurs extérieurs, les acteurs traditionnels nationaux ne souhaitent pas non plus s'inscrire dans la collecte massive des données qui sous-tend cette nouvelle économie. Le marché se déplace vers le numérique (62 % des français s’informent en ligne, avec des taux plus importants pour les plus jeunes), le journalisme local décline, et les bulles enfermantes se développent, notamment sur les réseaux sociaux, ce qui impacte négativement la participation électorale et la vie démocratique.
Les liens entre la concentration des médias et la garantie du pluralisme de l’information ont été l’objet de la table ronde suivante réunissant Éric Valmir, journaliste et Secrétaire général de l’information de Radio France ; Sylvie Clément-Cuzin, Inspectrice générale des Affaires culturelles, co-autrice du rapport IGAC/IGF sur la concentration des médias à l’ère numérique; et Sylvie Robert, sénatrice, vice-présidente de la Commission d’enquête du Sénat sur la concentration des médias en 2021.
Tous font état de la baisse de la confiance des citoyens envers les institutions, et donc du besoin d’apporter une information fiable aux citoyens. C’est ce que Radio France entreprend chaque jour, comme avec son programme ‘Le Tournant’, qui forme les journalistes aux enjeux actuels tels que le changement climatique, afin qu’évolue la manière dont ils traitent l’actualité. Emerge également l’importance cruciale de l’éducation critique aux médias, et d’une action menée à l’échelle européenne pour évoluer dans ce sens.
L’après-midi, après une brève visite des studios d’information, le Secrétaire général de la direction de la musique et de la création Denis Bretin a emmené le groupe visiter l’auditorium et le studio 104 avant un temps d’échanges. La Maison travaille à un rajeunissement des publics grâce à des offres tarifaires et une familiarisation à travers le numérique (tous les concerts sont enregistrés et diffusés sur antenne), pour qu’un public diversifié assiste aux concerts symphoniques, à l’auditorium ou en version hors-les-murs.
Si la révolution numérique a entièrement recomposé le marché de l’information, elle a aussi bouleversé les temporalités d’usage. Laurent Frisch, directeur du numérique de Radio France, a rappelé que face à la crise des médias traditionnels, Radio France s’était positionné fortement sur le numérique, qui permet la délinéarisation et s’adapte ainsi mieux aux rythmes de vie des citoyens. L’accent a donc été mis sur la production de podcasts, même pour les plus jeunes. Aujourd’hui, Radio France représente environ 50% de l’écoute de podcasts du pays.
En regard, Marc-Olivier Sebbag, Délégué général de la Fédération Nationale des cinémas français (FNCC) et auditeur de la session, a montré comment les mêmes phénomènes jouaient dans le domaine de l’audiovisuel. Nous sommes entrés dans l’ère des séries. Elles ont chamboulé les pratiques culturelles en construisant un nouveau rapport au temps et aux formats.
Enfin, Ariel Kyrou, journaliste, écrivain, essayiste, auteur de “Dans les imaginaires du futur” a clôt la journée en s’interrogeant sur la place des imaginaires pour penser l’avenir, rechercher un autre type de monde, tels des ‘Hommes troués laissant passer le monde à travers [nous]’, décaler notre regard grâce aux œuvres de fiction et construire de nouveaux récits de notre vivre ensemble.
Les auditeurs et auditrices se sont ensuite réunis en groupes de travail pour avancer sur leurs rapports respectifs.
Deuxième Jour à l’AFP, au cœur de la fabrique de l’information
Vendredi matin, en salle Jean Marin, Fabrice Fries, Président-Directeur Général de l'AFP, a ouvert la journée au regard des grands défis d’une agence de presse internationale dans un contexte géopolitique perturbé. Établissement privé menant une mission d’intérêt général, l’AFP est l’une des plus grandes salles de rédaction ainsi que l’une des plus grandes agences de photographes au monde, avec ses 2500 employés, dont 1700 journalistes. Acteur majeur de l’information mondiale, travaillant en 6 langues, l’établissement a pour mission de tout couvrir, avec une information complète et impartiale. Grâce à ses personnels déployés dans un grand nombre de pays, elle bénéficie d’une approche à l’information résultant de points de vue divers. Face aux changements d’usages, notamment des jeunes, l’AFP a repensé elle aussi ses formats, en axant davantage sur des reportages multimédias, où le texte sert de légende à l’image, quand l’image était, auparavant, une simple illustration du texte.
Nous remercions Boris Bachorz, Directeur Marque et Communication de l'AFP, ainsi que Vincent Burgaud, Chargé de Communication de l'AFP, pour l'aide qu'ils nous ont apporté dans l'élaboration de cette journée.
Les auditeurs et auditrices ont ensuite assisté en visio à la conférence de rédaction internationale de l’AFP, faisant dialoguer différents bureaux présents à travers le monde sur les points les plus importants de l’actualité de la journée.
Par la suite, trois professionnels de l’agence ont présenté leurs métiers afin d’offrir un panorama de la conjugaison des temps de l’information telle qu’opérée à l’AFP. D’abord, Julie Charpentrat, rédactrice en chef adjointe investigation numérique, a rappelé l’urgence de diffuser une information juste grâce à l’investigation numérique. De fait, l’AFP est le plus grand acteur mondial de lutte contre la désinformation, et travaille en collaboration avec les plateformes de réseaux, en 24 langues ciblées, pour contrer la désinformation via des articles de vérification, surtout centrés sur les images virales. Un travail sans relâche pour ramener de la transparence contre la méfiance.
Ensuite, Sophie Huet, rédactrice en chef centrale de l’AFP, a expliqué les tenants et aboutissant de la couverture de terrain dans les zones en crise. Prenant l’exemple de l’Ukraine, elle a présenté les moyens d’éviter la mise en danger des sources, les pièges de la désinformation et les pressions des autorités.
Ivan Couronne, adjoint à la cheffe du Pôle Planète, a expliqué la réorganisation interne de l’AFP pour mieux couvrir les enjeux climatiques, via un même bloc destiné à provoquer des dialogues transversaux et produire davantage de synergies pour appréhender cet enjeu majeur.
Puis Stéphane Arnaud, rédacteur en chef photographie de l ‘AFP, est revenu sur les photographies de presse marquantes cette année, rappelant leur caractère délicat au vu de la force narrative des images pouvant être source de tensions.
A leur suite, Dorian Bardavid, chef du bureau ligne produits « grand public », au service du numérique du ministère de la Culture et Étienne Mineur, designer, éditeur aux Éditions Volumiques et enseignant, ont ensemble abordé les mutations impressionnantes apportées à la création d’images par l’intelligence artificielle. Avec de nombreux exemples, d’une fausse exposition Cartier-Bresson à la réalisation de bandes dessinées en temps record, ils ont montré comment le champ de la création était très fortement touché par les transformations fulgurantes de l’intelligence artificielle.
Puis Abla Benmiloud-Faucher, cheffe de la mission stratégie, prospective et numérique au Centre des monuments nationaux, auditrice de la session, Vincent Poussou, directeur des publics et du numérique, Réunion des musées nationaux /Grand Palais et Romain Delassus, chef du service du numérique au ministère de la Culture, se sont attachés à présenter la réalité virtuelle et l’immersion au service de la culture : les deux premiers par les réalisations concrètes de leurs établissements le troisième par la stratégie d’accompagnement et de soutien que le ministère met en place à leur égard.
Ce module s’est enfin clôt par la conférence ‘Ethique et numérique’ de Jean-Gabriel Ganascia, universitaire, spécialiste d’intelligence artificielle, président du comité d’orientation du CHEC (dernier ouvrage publié : Servitudes virtuelles). Il nous propose, pour nous repérer dans l’espace numérique, de nous fier à une rose des vents numérique, dont les points cardinaux seraient ‘en vie’, ‘hors vie’, ‘en ligne’, ou ‘hors ligne’ selon notre présence et nos traces sur la toile.
Les auditrices et auditeurs de la Session 2022-2023 se retrouveront en janvier pour un module consacré à la Création.
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