Son espace d'exposition est à couper le souffle: il est en plein air ! Philippe Bettinelli est arrivé au Centre national des arts plastiques (Cnap), au poste de responsable de la collection "art public", il y a près d'un an. Depuis, il gère une vaste collection de 1 200 pièces, installées, par définition, dans un lieu public (y compris temporairement)... Parfois, l’œuvre a été créée pour, c'est-à-dire in situ. "Le Cnap conserve des œuvres d’art public depuis la Révolution. Acquises, données ou commandées, les 1 200 pièces dont je m’occupe vont de 1945 à nos jours", avance Philippe Bettinelli, qui nous a donné rendez-vous ce jour, porte des Lions, devant l’École du Louvre. C'est là qu'il a étudié, avant d'être formé au métier de conservateur à l’Institut national du patrimoine (promo 2014-2015). Également diplômé d’un master II en droit culturel, Philippe s’est, au long de ses stages, notamment au Centre Pompidou et au Cnap, tourné vers l’art moderne et contemporain. Une découverte qu’il a à cœur de partager.
Diffuser l'art public
Suivons-le dans les allées du jardin des Tuileries, sous son commentaire enlevé de la vogue de la statuaire des années 1950, des commandes d’André Malraux, puis sur la période faste des César, Arman, Daniel Buren, à partir de 1983, que stimulait la création du fonds de la commande publique...
Jusqu’à nos jours. "En termes de médiation, beaucoup reste à faire", prévient le conservateur, enchaînant sur le lancement, cette année, d’une application sur les smartphones pour découvrir les œuvres des jardins du Carrousel et des Tuileries. Il s’arrête auprès de l’une d’elles : La Méditerranée. "En plus du cartel, une notice multimédia délivrera l’histoire de cette œuvre qui a consacré Aristide Maillol en 1905 comme "premier sculpteur moderne"." À partir d'un don de droit de tirage, La Méditerranée a été fondue par l'État avec 14 autres Maillol, œuvres installées ici sous l'impulsion de Malraux.
Autre avancée dans la diffusion de l'art public : www.atlasmuseum.net et l'application mobile Atlasmuseum. Lancé en 2014, avec le soutien du ministère et du Cnap, et porté par un groupement associatif et universitaire, le projet fonctionne grâce à la collecte de données collaboratives entre artistes, commissaires, amateurs d'art, informaticiens, historiens de l'art, professionnels de la documentation, qui répertorient, géolocalisent et documentent l'art public: "Nous avons la chance d'avoir dans notre collection, explique Philippe, les études et travaux préparatoires liés à l'ensemble de la commande publique, ce qui permet de retracer le processus créatif."
"L'art public est l'occasion d'un débat car il crée nécessairement un dialogue avec le lieu qui le reçoit."
Une collection "ouverte à tous"
"On retient souvent les controverses suscitées par l'art contemporain, comme les colonnes de Buren au Palais-Royal ou récemment Anish Kapoor à Versailles, mais ces attaques existaient déjà au XIXe siècle!" Convaincu que les œuvres d'art contemporain dont il a la charge sont "le patrimoine de tous", Philippe Bettinelli organise l'installation et la circulation des œuvres du Cnap qu'il conserve au fil des demandes de dépôts de collectivités: "Seules une vingtaine d’œuvres d'art public sont entreposées dans nos réserves. Une partie se situe au siège du Cnap, à La Défense." C'est depuis ces bureaux qu'il fait vivre l'art le plus actuel. Le jeune conservateur espère aussi l'enrichir, en tant que rapporteur à la Commission nationale consultative d'acquisitions, composée de membres de l'administration et de personnalités indépendantes qualifiées: "Des centaines d’œuvres en design, photo, vidéo ou arts plastiques sont achetées chaque année. Avec deux axes pour le Fonds national d'art contemporain, riche de près de 100 000 œuvres: soutenir la jeune création (en 2014, plus de la moitié des artistes retenus bénéficiaient pour la première fois d'une acquisition) et constituer des ensembles patrimoniaux complémentaires au regard des autres collections françaises."
Et concernant l'art public ? On le retrouve dans un hommage à Champollion (par Joseph Kosuth) sur une place de Figeac ou sur des structures (par Marta Pan) flottantes sur le lac du domaine de Kerguéhennec, en Bretagne... Et jusque sur Internet! "L'espace public est un lieu de partage. Internet en fait indéniablement partie. Pionnier, le ministère commandait, dès 1999, une série de sites à des artistes (projet Entrée Libre)." Plus concrètement, en art public, conserver rime souvent avec protéger. "On prévient les dégradations naturelles et le vandalisme, en veillant à ce que l’œuvre reste accessible. Il suffit parfois d'une simple bordure", décrit Philippe. Bien sûr, conserver, c'est enfin restaurer: "Encore l'occasion de valoriser les œuvres auprès du public!"
La collection du Cnap en ligne !
Avec près de 100 000 oeuvres acquises depuis plus de deux siècles, la collection du Cnap forme l’une des plus importantes collections publiques en Europe. Près de 80 000 fiches d’œuvres sont consultables par tous, sur le site Internet.
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