Cher Claude Jean,
Depuis un peu plus de trente ans, vous parcourez le monde et les régions
de France au service de la langue française et de l’action culturelle. Je
voudrais aujourd’hui rendre hommage à la fois à un homme « du réseau »
- comme on dit dans le jargon de l’action culturelle extérieure de la France
-, mais aussi au Directeur régional des affaires culturelles que vous êtes
désormais, qui a trouvé également le temps de se consacrer à la création
romanesque - vous qui avez écrit entre autres une Septième colline et un
Pentaméron. De Gdansk à Bordeaux, en passant par Damas, Montréal et
Lisbonne, votre action au service de l’Etat et des politiques culturelles s’est
révélé à la fois exemplaire et sans frontières.
Votre carrière commence en 1966 comme moniteur de littérature
comparée à l’université de Bordeaux, charge d’enseignement qui se
poursuit en 1968 à l’Ecole normale d’Evreux. L’année suivante, vous
partez pour les rives de la Baltique, et vous êtes chargé de l’animation
culturelle et pédagogique à l’école polytechnique de Gdansk. Cette fibre
polonaise vous amène à occuper en 1972 le poste de directeur du Centre
de civilisation française de l’université de Varsovie, où vous êtes
également responsable de la coopération universitaire franco-polonaise en
lettres et en sciences humaines.
C’est le début d’une très belle carrière dans le réseau culturel français à
étranger. Le polyglotte que vous êtes devient cinq ans plus tard attaché
culturel de l’Ambassade de France aux Pays-Bas : les questions de
scolarisation dans les établissements français à l’étranger, de distribution
de programmes de la télévision française, les relations avec les comités de
l’Alliance française, autant de dossiers qui occupent le quotidien des
agents de notre réseau et qui n’ont dès lors plus de secrets pour vous.
Votre action ne se cantonne pas à l’Europe, puisque vous partez en 1981
pour la Syrie, où vous devenez le conseiller culturel, scientifique et de
coopération vision de l’Ambassade de France. Entre autres sujets, vous y
supervisez la construction du nouveau Centre Culturel Français de Damas.
Vous enchaînez en 1985 avec Montréal, où vous êtes l’adjoint du
Secrétaire général de l’Agence Universitaire de la Francophonie, avant de
revenir au réseau et à l’Europe, à nouveau comme conseiller culturel, à
Lisbonne cette fois-ci. Vous mettez alors votre talent et votre compétence à
la restructuration de notre dispositif et de notre coopération linguistique et
éducative au Portugal.
Cette très riche expérience est déterminante lorsque vous êtes affecté en
1999 au Ministère de la Culture et de la Communication, pour occuper les
fonctions de chef de mission à la Délégation générale à la Langue
Française. Votre prise en charge des questions relatives à la maîtrise du
français et au lien social, au plurilinguisme et à l’apprentissage des
langues étrangères bénéficie de votre regard décentré sur le monde et de
votre expérience de terrain, et vous devenez le Délégué général adjoint à
la langue française et aux langues de France de 2001 à 2003 - poste
auquel vous participez, entre autres dossiers, à la création de l’Agence
Nationale de Lutte Contre l’Illettrisme, à celle de l’observatoire des
pratiques linguistiques ou encore du comité de simplification du langage
administratif.
C’est le spectre très large de vos compétences qui vous amène à prendre
en 2003 la conduite des affaires culturelles de la Région Picardie, qui
portent encore la marque de votre grande présence sur le terrain et de
votre amour pour le patrimoine et le spectacle vivant. Parmi beaucoup
d’autres réalisations, je soulignerais votre engagement pour la Maison de
la Culture d’Amiens, pour l’archéologie préventive en vue du chantier du
canal Seine-Nord Europe, pour la Fondation de l’Aga Khan pour la
sauvegarde et le développement du domaine et du château de Chantilly,
ou encore vos talents de négociateur et votre qualité d’écoute dans la mise
en oeuvre des partenariats avec les collectivités territoriales de Picardie.
En 2008, vous quittez Amiens pour rejoindre la terre d’Aliénor et de
Montaigne, de Montesquieu et de Mauriac. En prenant la tête de la
Direction régionale des affaires culturelles de la Région Aquitaine, vous
retournez de fait à vos attaches, vous qui aviez fait vos études secondaires
dans la magnifique ville de Sarlat et vos études supérieures à Bordeaux.
La richesse patrimoniale de cette région, le dynamisme du spectacle vivant
et de la création contemporaine, le développement remarquable de la
lecture publique, la candidature de Bordeaux au label de « capitale
européenne de la culture » en 2013, autant de dossiers qui ont bénéficié,
depuis votre arrivée, de votre professionnalisme sans faille. Votre capacité
de mise en perspective, d’ailleurs, ne profite pas seulement à l’Aquitaine,
puisque vous êtes également membre du Haut conseil de l’éducation
artistique et culturelle, et Administrateur de l’Observatoire des Politiques
Culturelles de Grenoble.
Pour toutes ces raisons qui font de vous un grand serviteur de l’Etat et de
la culture française, cher Claude Jean, au nom du Président de la
République et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous
faisons chevalier de la Légion d'honneur.
Chère Marie-Christiane de La Conté,
Il y a dix jours, j’inaugurais à Compiègne le cloître Saint-Corneille,
fraîchement restauré. J’ai donc eu le plaisir de vous y voir et de constater
par moi-même les heureux effets de la politique que vous conduisez à la
tête de la DRAC de Picardie.
De la restauration, Eugène Viollet-le-Duc disait que « le mot et la chose
sont modernes ». Vous vous êtes résolument inscrite dans cette
modernité. A vox yeux, mettre en valeur notre patrimoine, ce n’est pas
seulement nourrir le « culte des monuments » cher à Aloïs Riegl, entretenir
la religion des vieilles pierres, c’est aussi renforcer l’attractivité des
territoires. A vos yeux, le patrimoine n’est pas figé, il est ouvert sur les
dynamiques de la société.
Cet amour du patrimoine, chère Marie-Christiane de La Conté, vous en
témoignez très tôt, en intégrant brillamment l’Ecole des Chartes et en
rédigeant une thèse qui est signalée au Ministère de la Culture. Depuis
leur naissance comme corps de conservateur, sous la tutelle bienveillante
du baron de Gérando, les archivistes-paléographes cultivent la discrétion
et le goût des études : vous êtes de celles qui savent allier la conservation
du patrimoine et sa mise en valeur, en d’autres termes le savoir et le fairesavoir.
Au sein des Archives départementales de l’Eure, alors en charge des
archives anciennes, notariales et privées, vous vous engagez dans le
récolement intégral du fichier général, vous participez à la mise en oeuvre
d’expositions, vous vous impliquez fortement dans l’activité des
associations culturelles du département, vous mettez en place des cours
d’héraldique, d’histoire de l’art et de paléographie.
En 1989, vous êtes appelée aux Archives départementales de la Seine-
Maritime en qualité de conservatrice en chef du patrimoine et de directrice
adjointe du service. Vous coordonnez alors un récolement détaillé de
l’ensemble des archives anciennes, tout en étant chargée de la politique
des restaurations. Vous vous impliquez dans l’étude et la mise en place de
nouvelles technologies adaptées à la conservation. Vous êtes alors
commissaire de nombreuses expositions consacrées à Richard Coeur de
Lion, au Cinquième centenaire du Parlement de Normandie, ou aux
Affiches de la guerre de 1914. La Normandie comme laboratoire politique,
la Normandie comme porte vers l’Europe et vers le monde à travers
l’expérience des deux guerres mondiales : vous saisissez très vite combien
l’histoire des territoires entre en résonance avec l’histoire globale. Vous
avez une passion pour les archives, ces fonds où reposent le passé de
tous – célébrités comme anonymes – ces fonds où se côtoient les
chercheurs expérimentés et les « historiens du dimanche », pour reprendre
Philippe Ariès. Vous avez alors à coeur de mettre en lumière le travail
réalisé, souvent dans l’ombre, par les conservateurs des archives.
Fort de votre connaissance du territoire, vous êtes nommée conservatrice
régionale des monuments historiques à la DRAC de Haute-Normandie.
Vous coordonnez en 2001, avec l’énergie que l’on vous connaît,
l’élaboration d’un important plan en faveur de la politique régionale du
patrimoine. Vous vous impliquez notamment sur le dossier des transferts
de monuments, comme l’abbaye de Jumièges ou le château d’Arques-la-
Bataille. Face aux inquiétudes suscitées par ces transferts, vous avez su,
faire preuve de dialogue et de pédagogie, en rappelant sans cesse les
objectifs poursuivis par l’Etat dans le cadre de la loi de décentralisation de
2004, à savoir la valorisation et la mise en valeur de ces monuments, en
lien avec les attentes nouvelles des publics et les stratégies de
développement culturel des collectivités locales concernées.
Vous faites aussi preuve de sang froid et d’une grande maîtrise dans
l’approche de dossiers sensibles : dans la gestion des projets de longue
haleine comme dans les situations de crise, vous témoignez d’un grand
professionnalisme. Votre gestion de la mise aux normes de sécurité des
cathédrales de Rouen et d’Evreux, celle des dégâts entraînés par
l’incendie du château de Mesnières et celui de la cathédrale de Rouen, ou
encore la polémique autour du Monument juif de Rouen impose le respect.
A l’automne 2008, vous êtes nommé directrice régionale des affaires
culturelles de Picardie, dans cette région riche de ses cathédrales
gothiques qui égrènent leur flèche élancée dans le paysage – d’Amiens à
Laon, de Senlis à Noyon - de la trace de la Grande Guerre dans la
mémoire et dans le paysage – au point que l’on parle de la « zone rouge »
pour évoquer des zones de conflit dans la Somme - mais aussi des lieux
d’expression contemporaine, à l’image du cirque Jules Verne à Amiens.
Vous avez su apporter votre rigueur et votre dynamisme dans vos
nouvelles fonctions, dont on sait l’importance, depuis leur création en
1977, comme bras armé de la politique du Ministère dans les régions. A
travers vous, je voudrais saluer le travail considérable qui a été effectué
par les services régionaux du ministère de la Culture, les directions
régionales des affaires culturelles, depuis leur création il y a bientôt 35 ans,
en 1977. C'est en grande partie à l'action continue et innovante de ces
services et de leurs directions que nous devons le formidable
développement de la vie culturelle dans les régions, en lien avec les
collectivités territoriales.
A Amiens, vous suivez l’application des réformes des Monuments
historiques, la coordination des fouilles archéologiques préventives pour le
chantier du canal Seine -Nord-Europe, la création de Centres de
conservation et d’études archéologiques et de services territoriaux. Je
n’oublie pas que vous avez aussi coordonné la réouverture du théâtre
impérial de Compiègne, la réorganisation du Fonds régional d’art
contemporain, l’organisation de la conférence régionale du spectacle
vivant, la réforme des enseignements spécialisés. Les chantiers sont
nombreux et je sais que vous les avez conduits avec constance, efficacité
et rigueur.
Chère Marie-Christiane de La Conté, vous incarnez une fidélité au service
du Patrimoine, de sa conservation comme de sa mise en valeur, vous
traduisez également une fidélité à ce ministère et à ses missions
historiques. C’est pourquoi, chère Marie-Christiane de La Conté, au nom
du Président de la République, nous vous faisons Chevalier dans l’ordre
national du Mérite.
Chère Muriel Genthon,
J’avais déjà eu l’occasion, lors de l’inauguration des nouveaux locaux de la
DRAC d’Ile-de-France en novembre dernier, de saluer vos qualités de
directrice régionale des affaires culturelles. Je connais bien vos grandes
qualités humaines et professionnelles mais aussi l’implication personnelle
que vous avez toujours démontrée dans les missions que j’ai souhaité
vous confier. Le sens de l’écoute aussi et cela ne surprend guère pour une
musicienne avertie comme vous l’êtes.
Mais ce qui frappe dans votre parcours, c’est l’attachement constant et
profond que vous avez depuis toujours témoigné à la région Ile-de-France.
La diversité de son patrimoine, son ouverture internationale, mais aussi la
présence de grands établissements culturels en font une région à part : il
fallait donc une personnalité forte et convaincue pour affronter tous les
défis de l’action culturelle dans la région capitale. Je pense notamment au
projet ambitieux porté par l’Atelier international du Grand Paris, outil de
dialogue et de création, prolongement de l’extraordinaire creuset d’idées
de la consultation internationale sur le Grand Paris lancée à l’initiative du
Président de la République. Au sein de ce dispositif de référence, les
architectes sont une force de proposition et jouent un rôle décisif. Et je sais
toute l’attention que vous avez portée à cette ambition en faveur du mieux
être et de la qualité de vie des Franciliens, ce que j’appelle « l’intelligence
du paysage ».
Cet n’a rien d’étonnant : vous êtes en effet diplômée de l’Ecole spéciale
d’architecture (ESA). Vous vous engagez au service de l’Etat dès vos
études achevées en franchissant pour la première fois, en 1976, les portes
de la DRAC d’Ile-de-France, en qualité de chercheur à l’Inventaire général,
et cela jusqu’en 1989.
Ensuite, ce sont dix années que vous consacrez à la gestion des affaires
culturelles et du patrimoine dans l’Essonne. Ce département à la fois
urbain et rural, qui s’étend des portes de Paris au Hurepoix, lieu de
résidence d’artistes de Cocteau à Foujita, n’a pas de secret pour vous.
Vous avez publié plusieurs ouvrages qui révèlent votre amour des lieux et
du patrimoine : le patrimoine environnemental, mais aussi le patrimoine
religieux, sans oublier l’âge du chemin de fer et de la République
conquérante, celle où les « terroirs » s’ouvrent à de plus larges horizons,
celle où le territoire devient le laboratoire politique de la nation, sans
oublier votre monographie consacrée à Paul Landowski. De 1992 à 1999,
vous dirigez l’Agence culturelle et technique de l’Essonne, ACTE 91,
opérateur du département dans le domaine culturel. Vous devenez ensuite
Sous-directrice chargée de la jeunesse au Conseil général de l’Essonne,
puis Directrice des affaires culturelles de la ville de Corbeil-Essonnes. Les
différents postes que vous avez occupés traduisent la confiance que l’on
place en vos compétences, mais aussi votre très grande expérience dans
la gestion des politiques publiques dans les collectivités territoriales. Cette
expérience du terrain est un atout considérable, aujourd’hui mise au
service de la politique de l’Etat : elle anticipe bien avant l’heure les
préconisations du rapport de Jérôme Bouët quant-à la nécessaire
refondation et à l’approfondissement des partenariats entre l’Etat et les
collectivités territoriales dans les politiques culturelles au niveau local.
En 2001, vous entreprenez la traversée de la Beauce pour devenir
directrice des affaires culturelles de la ville d’Orléans, une ville au
patrimoine historique de première importance, une ville où les scènes
labellisées ont toujours été pionnières en matière de création. En 2002,
mon prédécesseur Jean-Jacques Aillagon fait appel à votre maîtrise des
enjeux de la décentralisation des politiques culturelles ; vous êtes nommé
Conseillère technique chargée de l’action territoriale, de la décentralisation
et de l’éducation artistique à son cabinet.
L’année 2004 marque votre retour à la DRAC d’Ile-de-France, votre
« deuxième maison » pour ainsi dire, où vous êtes appelée à mettre en
oeuvre la réorganisation des services. Votre savoir-faire dans la gestion
des équipes et dans la conduite de projet vous conduisent à être nommée
directrice adjointe. Depuis l’an dernier, vous êtes à la tête de la Direction
régionale de affaires culturelles d’Ile-de-France, désormais installée dans
des locaux regroupant désormais l’ensemble des personnels, rue Le
Peletier. Votre connaissance de l’architecture et de l’action territoriale, je le
sais, constitue un atout précieux dans les grands projets que l’Etat pour la
région Ile-de-France, au premier rang desquels celui du « Grand Paris ».
Je connais également votre attention à l’enjeu de la démocratisation
culturelle dans une région marquée par les contrastes, parfois même des
fractures profondes en matière d’accès à la culture.
Pour conduire tous ces chantiers, il faut être un virtuose ou un habile chef
d’orchestre : vous l’êtes assurément. Votre expérience de deux années en
tant Directrice adjointe à la Direction de la musique, de la danse, du
théâtre et des spectacles en témoigne. Mais je ne veux pas oublier votre
passion intime pour la musique. Depuis 2005, vous êtes d’ailleurs
Professeur associé des universités à l’UFR de musique et musicologie de
l’université Paris IV-Sorbonne et je sais que vous « cultivez votre jardin »
de ce côté. Quand le dessin de l’architecte rencontre la portée musicale, il
n’y a qu’un changement de registre : Goethe ne disait-il pas :
« L’architecture, c’est de la musique figée » ?
Chère Muriel Genthon, pour votre engagement constant au service de
l’action publique, pour votre impressionnante carrière dans de nombreux
postes de responsabilité en région mais aussi au service de l’Etat, au nom
du Président de la République, nous vous faisons Chevalier dans l’ordre
national du mérite.
Cher Jean d’Haussonville,
Romain Gary n’aurait pas démenti le fait que le diplomate est une figure
littéraire : « Il rêve de l’Europe comme on rêve d’un chef d’oeuvre
artistique », avance-t-il dans La Promesse de l’aube ; il est la quintessence
de la culture et de l’harmonie, avant d’affronter la réalité et de se muer
parfois en figure flamboyante, parfois en figure tragique. Votre sérénité,
votre élégance et votre extrême délicatesse font de vous un diplomate
singulier.
Avant d'évoquer votre parcours professionnel devant l'assemblée,
permettez-moi de vous dire le plaisir qui est le mien de vous accueillir ici,
dans cette maison qui fut aussi la vôtre et que vous connaissez bien. Vous
êtes en effet un diplomate qui aime la culture et qui cultive désormais ce
jardin dans le magnifique domaine national de Chambord.
Vous êtes né à Paris, en janvier 1968 et vous avez suivi une formation
administrative à l’Institut d’études politiques de Paris avant d’effectuer
votre service militaire comme officier à l'escadrille des sous-marins de la
Méditerranée. Déjà l’appel du large et l’invitation au voyage !
A votre sortie de l’ENA en 1995, vous commencez votre carrière au
Ministère des Affaires étrangères en charge de la défense des essais
nucléaires français (1995-97) avant de rejoindre l’ambassade française
auprès de l’Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN) à Bruxelles
pendant quatre ans, comme Premier secrétaire à la représentation
permanente de la France. Vous y travaillez dans les groupes d’experts
politiques et militaires, qui oeuvrent en faveur d'une Europe de la Défense
et d'une doctrine stratégique de l’OTAN. Dès cette époque, vous portez
avec ferveur l’idée d’une Europe puissance.
De retour à Paris, de 2001 à 2004, vous êtes choisi, dans un service
directement rattaché au Premier ministre, le SGCI, (Secrétariat général du
Comité interministériel) aujourd’hui, Secrétariat aux affaires européennes,
comme chef du secteur de l’élargissement de l’Union européenne. Vous
êtes alors responsable de la préparation des arbitrages rendus au nom du
Premier ministre sur les positions françaises pour l’ensemble des
négociations d’adhésion des dix nouveaux Etats membres, de la Politique
agricole commune à la sécurité du transport maritime, et de la
modernisation des systèmes judiciaires à la mise aux normes des
centrales nucléaires des pays d’Europe de l'Est. Plus qu’un ensemble
d’actions hétéroclites, la construction européenne est déjà pour vous une
grande idée politique et une ambition partagée.
En 2004, vous êtes appelé par mon prédécesseur Renaud Donnedieu de
Vabres pour rejoindre son cabinet. Vous y coordonnez les affaires
européennes et internationales et en trois ans, vous organisez pas moins
de 40 déplacements du ministre à l’étranger. Sous votre autorité directe,
sont organisées les « Rencontres pour l’Europe de la culture » qui
réunissent en mai 2005 plus de 600 artistes, intellectuels et ministres
européens de la culture en présence du Président de la République, du
Président de la Commission européenne et du Président du Conseil
européen.
Sous vos auspices se déroule un grand moment de l’Europe de la culture,
alors que les nouveaux pays entrants hument la saveur de la liberté
retrouvée et le bonheur des premiers pas. De ce cénacle européen, vous
êtes à la fois l’inventeur et le metteur en scène, avec l’extrême délicatesse
et les préventions que l’on vous connaît. Vous faites ainsi mentir ceux qui
caricaturent les diplomates, « ceux qui trahissent tout excepté leurs
émotions », comme se plaisait à dire Victor Hugo : c’est au contraire la
fidélité au service de l’Etat et aux valeurs européennes qui vous
caractérise, cher Jean d’Haussonville.
En 2007, votre carrière diplomatique vous conduit Outre-Rhin, où vous
exercez vos talents de conseiller culturel auprès de l’Ambassadeur de
France à Berlin, tout en étant responsable des établissements scolaires
français en Allemagne et de la coopération universitaire. Une fois encore,
la vocation européenne, tant notre coopération avec l’Allemagne, est
déterminante pour nos relations économiques et commerciales. Vous y
réorganisez en deux années le réseau des Instituts culturels français en un
seul établissement dépendant de l’Ambassadeur, l’Institut français
d’Allemagne, faisant là encore figure de défricheur et de pionnier. De Berlin
à Munich, de Dresde à Stuttgart, vous contribuez à renforcer l’identité et la
présence de notre langue et de notre culture en Allemagne. Parmi votre
héritage, je me dois de mentionner l’opération Paris-Berlin, dans le
domaine des arts visuels, regard croisé sur deux scènes particulièrement
créatives, avec l’appui des galeristes. Pour cette troisième édition, que j’ai
eu le plaisir d’inaugurer il y a quelques jours, ce sont ainsi une trentaine
d’expositions qui sont proposées au cours de deux week-ends de
vernissages, à Berlin puis à Paris.
A la fin 2009, vous êtes nommé Directeur général du plus grand parc
forestier clos d’Europe, le Domaine national de Chambord. Le gentleman
farmer et l’administrateur culturel de talent déploie son charme et son
savoir-faire. Je ne doute pas que votre administration éclairée saura
séduire les 730 000 visiteurs qui visitent le château et les 2 millions de
touristes qui profitent du parc. Chambord est un passage obligé sur la
route des châteaux de la Loire ; c’est aussi un « lieu de mémoire », patiné
par le temps, nourri par les personnages haut en couleur qui l’ont
fréquenté, de François Ier au comte de Chambord, en passant par le
maréchal de Saxe. Depuis votre installation, vous avez veillé avec
scrupules aux équilibres entre le château et la forêt, la nature et la culture,
le développement du territoire proche, en lien avec les élus locaux, et le
rayonnement de l’image de Chambord dans le monde. Inscrit au
Patrimoine mondial de l’humanité, le domaine mobilise en effet toute votre
attention au service de cette « intelligence du paysage » que j’appelle de
mes voeux dans tous les projets de construction ou de rénovation portés
par mon ministère.
Je ne voudrais pas oublier votre ambitieuse politique culturelle qui mélange
art contemporain et spectacle vivant, avec une même exigence de qualité.
Je sais par exemple que vous allez proposer un Opéra en plein air les 11
et 12 juin prochains : je vois là le signe de votre désir de transmettre la
culture et de donner à notre patrimoine une touche pétillante et artistique.
Je sais que comme Stendhal, votre vie a été « traversée d’opéras » : je
souhaite qu’il en soit ainsi à Chambord, dans cet écrin silencieux et
majestueux qui est le meilleur décor que l’on puisse trouver.
Cher Jean d'Haussonville, au nom du Président de la République, nous
vous faisons chevalier dans l’ordre national du Mérite.
Chère Hélène de Montluc,
Dans les domaines de la culture, la défense de la propriété intellectuelle
est un enjeu à l’évidence essentiel, tant pour les créateurs que pour la
diversité de la création. La défense de ses principes peut compter sur
l’engagement exemplaire de quelques serviteurs de l’Etat, dont vous faites
partie.
Depuis votre entrée au secrétariat d’Etat à la culture comme chargée des
affaires juridiques à la direction des musées de France, votre parcours a
servi cette cause. En 1982, la Délégation aux arts plastiques s’assure de
votre collaboration en vous confiant la responsabilité du bureau des
professionnels artistiques, un secteur garant des questions juridiques,
fiscales, sociales et statutaires concernant les artistes et les artisans d’art.
Puis vous êtes nommée chargée de mission auprès du Délégué aux arts
plastiques en 1989, et très rapidement, vous êtes retenue grâce à vos
compétences remarquées, pour occuper les fonctions de chef du bureau
de la législation relative à la propriété intellectuelle et aux professions
artistiques.
C’est à la tête de ce service, de 1989 à 2010, que votre action a été
déterminante. Dans la préparation et la mise en oeuvre des textes
législatifs et réglementaires, vous avez tenu compte des évolutions
technologiques et des nouveaux usages, vous avez veillé à ce que le
créateur reste au coeur du dispositif de diffusion, vous avez protégé les
principes de sa rémunération. Sous votre responsabilité et avec votre
expertise, un grand nombre de textes législatifs ont été élaborés ces
dernières années afin de prévenir le pillage des oeuvres sur Internet.
Chère Hélène de Montluc, vous avez ainsi contribué à l’élaboration et à
l’examen parlementaire de la loi du 1er août 2006 relative au droit d’auteur
et aux droits voisins. Vous avez également représenté le ministre de la
Culture auprès du ministère de l’Industrie lors de l’élaboration et du vote de
la loi du 29 octobre 2007 contre la contrefaçon. Enfin, vous avez joué un
rôle important dans l’élaboration de la loi favorisant la diffusion et la
protection de la création sur internet. Sur tous les fronts, vous défendez
alors dans les organisations internationales les positions françaises en
faveur de l’amélioration du cadre juridique du droit d’auteur et des droits
voisins – sujets dont je mesure pleinement l’importance majeure.
Grâce à votre expérience juridique et administrative, à votre maîtrise des
domaines de la législation et du contentieux, vous avez toujours su
proposer, pour des cas parfois épineux, des solutions équilibrées, en prise
avec la pratique. Vous êtes devenue une référence unanimement
reconnue pour la défense et la modernisation du droit d’auteur, tant au
plan national qu’au niveau européen et dans les enceintes multilatérales.
Chère Hélène de Montluc, je suis fier aujourd’hui de rendre hommage à
votre engagement constant et si précieux au service du monde de la
création. Au nom de la République française, nous vous faisons
Commandeur dans l’ordre des Arts et des Lettres.