Cher Géza SZÖCS, je suis très honoré et très heureux de votre présence
parmi nous, qui marque une fois encore la qualité des relations culturelles
franco-hongroises. Les liens qui unissent la France et la Hongrie sont
anciens, ils sont riches, ils sont fraternels. J'ai eu récemment l'occasion,
cher Géza SZÖCS, de coopérer avec vous de manière très fructueuse
dans le cadre des célébrations de l'année Liszt. Nous partageons
aujourd'hui le plaisir d'inaugurer le musée international des Hussards au
coeur de la ville de Tarbes.
Les hussards et la Hongrie sont intimement liés à notre histoire militaire.
Les succès de ces unités de cavalerie légère, créées en Hongrie au
tournant des XVe et XVIe siècles, ont inspiré toutes les armées
occidentales dans leur organisation. Avec le petit cheval tarbais nerveux,
rapide, à l'origine de la race anglo-arabe et des élevages du haras
national, un lien très fort les rattache à la ville de Tarbes où est implanté le
1er Régiment de hussards parachutistes, héritier du régiment de hussards
levé à Constantinople en 1720, et mis au service de la France par un
patriote hongrois réfugié, le comte de Bercheny, qui deviendra maréchal de
France – sans doute, au XVIIIème siècle, le plus français des Hongrois, et
le plus hongrois des Français.
Ce musée est né du désir et du rêve d'un Tarbais, Placide Massey.
Horticulteur de talent, intendant des jardins de la cour de Hollande sous le
règne de Louis Bonaparte et de Hortense de Beauharnais, puis directeur
de l'Orangerie et des Parcs de Versailles, Placide Massey décida d'acheter
au début du XIXe siècle plusieurs hectares de terrains à Tarbes pour y
aménager un arboretum d'essences rares et une villa où il souhaitait
abriter ses collections d'histoire naturelle. A sa mort en 1853, il lègue à la
ville de Tarbes un jardin exceptionnel et le chantier inachevé d'une villa
dominée par une tour d'observation sur la chaîne des Pyrénées.
Au cours de la même période, le patrimoine de la ville de Tarbes s'enrichit
d'une partie de la collection, dont de très belles oeuvres des XVIe et XVIIe
siècles, de l'amateur d'art et député des Hautes- Pyrénées, Achille Jubinal
qui souhaitait que sa collection soit exposée dans la villa Massey. Toujours
sous la direction de l'architecte Jean-Jacques Latour, les travaux se
poursuivront permettant l'ouverture du musée en 1861. Il sera
constamment enrichi de dons et legs et d'achats des collectivités publiques
sous la IIIe République.
En 1955, Marcel Boulin, ethnologue, est nommé conservateur du musée
Massey. Il rouvre la section Beaux-Arts en 1963 et commence un travail de
prospection des documents et objets d'histoire et de traditions populaires
bigourdanes. Dans cette recherche, il découvre l’importance du cheval
dans la vie de la plaine de Tarbes et décide de consacrer une place à cette
race merveilleuse connue dans l'Europe entière pour sa vivacité alliée à
une résistance hors du commun.
Une rencontre fortuite va transformer l'avenir du musée Massey, celle de
Marcel Boulin avec Olivier de Prat, chartiste, archiviste au Laboratoire
central d'armement. C'est lui qui suggère de joindre à l'étude du cheval
tarbais, celle de son cavalier habituel, le hussard. Ce thème a
normalement sa place dans une ville de garnison de cavalerie qui après
avoir vécu les départs en campagne du 10e Hussards en 1914 et du 2e en
1939 conserve toujours, comme je l'évoquais à l'instant, dans ces quartiers
le 1er Régiment de cette subdivision d'armes. Le musée des hussards était
né.
Aux XVII et XVIIIe siècles, en quittant leur pays, pour des motifs politiques
ou pour s'engager dans d'autres armées, les Hongrois emportent des
objets constitutifs de leur uniforme: bonnet, dolman, cette fameuse petite
veste brodée de brandebourgs, pelisse, sabretache... En France, apparus
assez tardivement, à la fin du XVIIe siècle, ils eurent un tel succès avec
leur étrange costume, si différents des modes vestimentaires militaires
d'Europe occidentale, qu'au siècle suivant, Louis XVI créait la charge de
Colonel Général des Hussards. Après la Révolution, puis l'Empire, la mode
hussarde se développe, les régiments se multiplient et leur costumes,
leurs armes, leur sellerie « à la hongroise » sont adoptés par d'autres
corps. Après 1870, tous les corps de notre armée de terre succombent à la
tentation hussarde puisque tous les officiers sont vêtus du dolman jusqu'en
1900.
L'armée française a certes été influencée par des modes étrangères, les
armures à l'italienne, les casques à l'antique, l'épée à la suédoise, le sabre
à l'orientale, les turbans et les vestes à la turque, mais jamais elle n'a subi
d'influence comparable à celle de ces cavaliers venus de Hongrie.
Le musée des Hussards inauguré en 1965 par Pierre Messmer, ministre
des Armées, présente ces régiments de hussards à travers le monde du
XVe siècle à nos jours. De 1955 à 1980, Marcel Boulin n'a jamais cessé de
s'y consacrer, collectant des milliers de nouveaux objets, ouvrant en 1975
deux nouvelles salles.
Après son départ, le musée perd progressivement de son rayonnement,
plusieurs projets architecturaux et muséographiques seront étudiés sans
succès. Le musée ferme ses portes au public en 1997. Il faudra tout votre
enthousiasme et toute votre ténacité, cher Gérard TRÉMÈGE, pour que ce
projet voit le jour.
Depuis, la ville a poursuivi le rêve du jardinier : le jardin aux essences
rares possède aujourd'hui le label "jardin remarquable" ouvert au plaisir de
chacun, et le musée un musée qui a reçu l'appellation "Musée de France"
vient de faire l'objet de cette magnifique rénovation.
Même si la restauration minutieuse de son apparence extérieure a été
conduite avec la volonté de préserver le caractère de l'édifice et du site, sa
nouvelle dénomination – « musée international des Hussards » - symbolise
sa transformation en un grand équipement culturel moderne et fonctionnel.
En préalable au lancement de ces travaux, les trois collections du musée,
le fonds Beaux Arts, le fonds Historique des Hussards et la collection
ethnologique Bigorre et Quatre Vallées, inventoriées, conditionnées et
protégées, ont été déménagées en mars 2009 sur le site du bâtiment 103
de l'Arsenal. Ce bâtiment totalement rénové abrite par ailleurs aujourd'hui
les archives municipales. Vous avez, Monsieur le Maire, avec ce centre de
conservation, d’étude et de diffusion des collections patrimoniales de la
ville de Tarbes, non seulement souhaité protéger le patrimoine de la ville et
les éléments de son histoire mais également voulu ouvrir ce patrimoine à
la connaissance de chercheurs amateurs et professionnels qui disposent
d’une salle de lecture pour la consultation d' oeuvres et de documents qui
n'étaient pas jusqu'alors consultables.
Je tiens à saluer la qualité architecturale de la rénovation du musée
international des Hussards confiée au cabinet d'architecture Dubois et
Associés dont les références prestigieuses attestent d'une solide
expérience en matière de restructurations de musées, comme celles des
musées des Beaux- Arts de Lyon et de Limoges ou du musée Toulouse
Lautrec à Albi. Le bâtiment et sa façade ont été rénovés de manière
remarquable dans le respect des méthodes anciennes.
Cette exigence patrimoniale n'était pas incompatible avec l'ambition de
renouveler totalement la présentation des collections. L'architecture
intérieure du musée affirme sa modernité par la création de volumes
simples, aux dessins sobres et élégants, la mise en oeuvre de matériaux
contemporains et l'intégration discrète des équipements techniques.
Pour marquer l'ouverture du musée sur la ville, sa nouvelle entrée est
installée dans l'axe de sa façade nord tournée vers l'ancien site de
l'Arsenal.
Sur 1400m2, le parcours de visite des collections permanentes réparties
sur les deux niveaux principaux du bâtiment existant, a été complètement
repensé depuis les nouveaux espaces d'accueil pour offrir clarté et
cohérence dans la découverte des oeuvres. Le rez-de-jardin est consacré
à la présentation de l'essentiel de la collection des uniformes hussards qui
se poursuit au premier étage où se déploient également les belles salles
des collections de Beaux-arts qui rassemblent 1200 peintures, sculptures
et estampes dans la lumière diffuse de grandes verrières. À chaque niveau
des échappées sur l'extérieur ménagent des vues privilégiées sur le jardin.
Je tiens à saluer la belle scénographie, didactique et accessible, qui
intègre harmonieusement les équipements audiovisuels et multimédias.
Elle a donné lieu à une réflexion minutieuse. Une présentation optimale
des collections a été particulièrement étudiée pour offrir un accès à tous
les publics grâce à des systèmes ludiques et éducatifs multimédia, vitrines
interactives, cartels électroniques, bornes audiovisuelles, audio-guides….
J'adresse toutes mes félicitations à Madame Nicole ZAPATA, directrice
des musées de Tarbes, qui s'est beaucoup investie pour que cette belle
aventure aboutisse. Le travail exemplaire et considérable de Nicole
ZAPATA et de ses collaborateurs depuis des mois, sans oublier les
années passées à inventorier et protéger des collections menacées a
permis de mener à terme cette opération d'envergure.
La réussite de ce projet, nous la devons à la volonté et au soutien financier
des collectivités, la Ville, le Département des Hautes-Pyrénées, mais aussi
la Région Midi-Pyrénées que je tiens à remercier très chaleureusement,
auxquels se sont ajoutés des fonds européens.
Je salue tout particulièrement, l'action de la Municipalité qui a porté ce
projet avec détermination et enthousiasme. Je connais, Monsieur le Maire,
votre volonté pour redonner à cet ensemble exceptionnel la place qui est la
sienne dans le cadre de la villa du botaniste Placide Massey Je suis
convaincu que ce musée qui présente des collections uniques au monde
constituera assurément un nouveau pôle d'attractivité pour la ville de
Tarbes.
Vous avez, cher Gérard TRÉMÈGE, une véritable ambition pour votre ville.
Ce projet fait partie des grands chantiers initiés par la Municipalité avec la
rénovation de la Halle Brauhauban dont le marché vient tout juste de
rouvrir et le réaménagement du quartier de l'Arsenal. Il était difficile
d'imaginer qu'en si peu de temps, sur les ruines de l'ancien site de Giat
Industries, la ville allait se réinventer, faire renaître ces espaces et ces
bâtiments dont certains sont de pures merveilles architecturales.
En bordure de ce nouveau quartier, dans cette ville en pleine mutation,
l'inauguration du musée International des Hussards est un événement qui
prend un sens particulièrement fort pour les Tarbais. La réalisation de cet
équipement culturel de haut niveau renforce leurs liens avec une histoire
marquée par la présence de garnisons et l'existence d'une industrie
d'armement.
L’Etat s’est volontiers engagé dès le début dans ce programme en
apportant son soutien financier mais également la compétence de ses
services : ceux de la direction générale des patrimoines et tout
particulièrement du service des musées de France, mais aussi ceux de la
direction régionale des affaires culturelles qui ont été très présents et
attentifs. Ils ont assuré un suivi régulier de cette opération dans ces
phases d'élaboration et l'ont accompagné de leur expertise technique tout
au long de sa réalisation. Je suis très heureux que nous ayons été à vos
côtés afin que cette belle réalisation puisse voir le jour.
Enfin, permettez moi de saluer les représentants du 1er Régiment de
hussards parachutistes de Tarbes qui nous font l'honneur d'être parmi
nous aujourd'hui. Je sais combien, engagés dans des conflits récents, ils
ont payé un lourd tribut, notamment dans les combats en Afghanistan.
Je tiens à rendre hommage tout particulièrement au Général Jean
COMBETTE qui a commandé ce Régiment et qui aujourd'hui préside
l'Association des amis du musée international des Hussards. L'association
apporte au musée un soutien indéfectible et sa contribution a été
significative dans la réalisation de cette réalisation.
Les hussards inspirèrent notamment Jean Giono, à travers le Colonel
Angelo Pardi, qui du haut des toits de Manosque observe la folie des
hommes. Avec Le Hussard bleu de Roger Nimier, ils donnèrent leur nom à
un mouvement littéraire. Ils influencèrent aussi avec succès la collection de
Jean-Paul Gaultier en 2002. Leur bel uniforme, auquel est associée une
attitude de courage et de témérité, que le couturier avait choisi de
distinguer, séduit depuis des siècles.
En France, le témoignage du Père Gabriel nous en livre une description
précise en 1721 dans un curieux traité, Histoire de la milice française, qui
suppose de la part de cet historiographe jésuite une connaissance
approfondie de l’art militaire. Il décrit également la tactique de ces soldats
dont la mission première est d'« aller à la découverte », parce que c'est
une troupe légère, rapide, habile à manier les chevaux, comme l'ont bien
compris les grands stratèges. Ainsi Napoléon pénétrant en Saxe, au début
de 1806, donne l'ordre célèbre au prince Murat :« Avec votre cavalerie
inondez la plaine de Leipzick ». En tête de ce déferlement, galopent les
hussards des 5e et 7e régiments, la fameuse brigade infernale du Général
Lasalle.
« Aller à la découverte » : c'est aussi l'invitation que ce grand musée fait
aujourd'hui aux Tarbais et à tous les visiteurs, aller à la découverte de
l'histoire des hussards en France et dans le monde, aller à la découverte
d'une collection unique offrant une vision d'ensemble sur l'un des
phénomènes militaires les plus insolites et les plus séduisants.
Un mot, pour finir, sur le partenariat entre l’Etat et les collectivités locales
pour la réalisation de ce projet auquel je suis très attaché.
Lorsque j’ai lancé le Plan Musées en région en septembre 2010, en
mobilisant sur 3 ans 70 millions d’euros pour 79 projets muséographiques
et architecturaux sur l’ensemble de nos territoires, j’ai voulu redynamiser
l’extraordinaire maillage territorial de nos musées en France, en affirmant
la volonté de mon ministère de développer une politique et une stratégie
nationale pour les musées de France en contribuant au rééquilibrage entre
Paris et nos régions ; la volonté également de conforter le partenariat
scientifique, culturel et financier que l’Etat conduit avec les collectivités
locales, notamment à travers le rôle moteur des villes moyennes ; sans
oublier enfin la volonté de favoriser la proximité et l’accessibilité de l’offre
culturelle à tous les publics, y compris ceux qui en sont le plus éloignés.
Où en sommes-nous 18 mois plus tard ? 55 musées ont déjà vu leur projet
se mettre en route, et 80% des crédits ont été engagés sur des projets qui
ont été sélectionnés en fonction de leur qualité scientifique, de leur
ambition architecturale – je citerais quelques exemples : Rudy Ricciotti à
Menton, Bernard Tschumi à Alesia, Catherine Frenak et Béatrice Jullien à
Chambéry, Yves Lion à Dijon, sans oublier l’équipe londonienne de
Stanton et Williams à Nantes - de leur capacité à contribuer au
développement culturel de nos territoires. L’engagement financier soutenu
de l’Etat a permis dans bien des cas de produire un fort effet de levier,
avec un taux de participation moyen de l’Etat de 20%. L’Etat joue ainsi
pleinement son rôle d’initiateur et de soutien du développement des projets
culturels en région.
8 des musées inclus dans le Plan Musées en Région ont été déjà
inaugurés ou vont l’être ce moi-ci, à l’instar du musée Massey : le musée
Courbet à Ornans, le musée de la Grande Guerre à Meaux, le musée
Cocteau de Menton que j’ai inauguré en novembre dernier, le musée
d’Ennery à Paris, le musée des Beaux-Arts de Chambéry, le muséoparc
d’Alésia, le musée Toulouse Lautrec d’Albi…
16 autres projets se poursuivent avec le musée Soulages à Rodez, le
musée des Beaux Arts de Nantes, celui de Dijon, le Palais Longchamp à
Marseille et le musée d’histoire de cette même ville qui, vous le savez,
sera capitale européenne de la Culture en 2013. 31 opérations sont en
phase d’études de projet.
J’ai voulu avec le Plan Musées en Région pérenniser le rôle central tenu
par les musées dans l’aménagement culturel de nos territoires, avec
l’ambition de servir la démocratisation culturelle. Le Musée des Hussards
en est un magnifique représentant : il va jouer à l’évidence un rôle majeur
pour l’attractivité du territoire bigourdan. Il démontre que le musée n’est
pas une institution du passé. Par la qualité muséographique, l’exigence
architecturale, la réflexion sur les collections que mènent les conservateurs
qui conduisent aussi une politique ambitieuse en faveur des publics – les
56 millions de visiteurs que les 1200 musées de France ont accueilli en
2011 en témoignent – le musée est un lieu pleinement inscrit dans la vie
culturelle de nos contemporains. C’est un des vecteurs de l’excellence
française dans le monde : l’expertise de nos professionnels est recherchée
et appréciée d’Abu Dhabi aux Etats-Unis. Toulouse accueillera en juin un
magnifique projet d’exposition autour des Caravagesques français,
organisé par le réseau Franco-américain d’échanges entre les musées de
région FRAME.
Le musée est en même temps profondément inscrit dans des projets de
territoire, au service de cette belle idée du patrimoine qui veut que la
mémoire soit le terreau de l’avenir, que les générations futures doivent
recevoir ce dont nous avons hérité. C’est cette idée de la culture que je
défends, dans le contexte de crise et d’incertitudes que nous connaissons,
c’est cette idée que nous célébrons ensemble aujourd’hui.
Je vous remercie.