L’Académie franco-allemande du cinéma a démarré ses travaux au
printemps de l’année 2000. Elle avait été voulue par deux dirigeants
visionnaires : Jacques Chirac et Gerhard Schröder. Aux mannettes de ce
projet grandiose, l’une de mes illustres prédécesseurs, Catherine Tasca, et
son homologue allemand, Michael Naumann.
À l’époque, le projet a pu paraître extrêmement ambitieux. En réalité, il
s’est très largement concrétisé.
Nous devons rendre grâce, sur ce point, aux rencontres professionnelles
co-organisées chaque année, depuis le mois de septembre 2003, par
« l’association des Rendez-vous franco-allemands du cinéma », avec le
concours irremplaçable d’Unifrance et de German Films et le soutien
financier du CNC et de son homologue allemand, la FFA1.
Une grande part de ce mérite revient également à « l’Atelier-Masterclass »
conçu et animé conjointement par l’école de cinéma de Ludwigsburg et par
la Femis, depuis maintenant dix ans.
Mais ce qui fait aujourd’hui la force, la spécificité de notre relation
bilatérale, ainsi qu’un objet d’envie pour la quasi-totalité de nos partenaires
étrangers et européens, c’est bien sûr le « Mini-Traité », comme nous
aimons tous à l’appeler.
Créée il y a presque dix ans, jour pour jour, par Catherine Tasca et Julian
Nida-Rumelin, cette aide sélective aux projets de coproduction bilatérale a
été immédiatement dotée de moyens très conséquents : 3 millions d’euros
ont été mis annuellement à la disposition des créateurs français et
allemands pour coproduire ensemble. C’est un outil totalement unique qui
a ainsi vu le jour et nous a permis d’accompagner ensemble, en dix ans,
plus de 150 films de long métrage.
Le succès de ce fonds est indéniable.
En 2001, c’était Daniel Toscan du Plantier, alors producteur et Président
d’Unifrance, qui avait été soutenu par le Mini-Traité pour « Tosca », le film
de Benoît Jacquot coproduit par Integral en Allemagne. Je profite de cette
occasion pour saluer la mémoire du grand homme de cinéma qu’il était,
disparu en février 2003 pendant le Festival de Berlin. Il avait été l’un des
parrains de cette Académie franco-allemande.
Depuis, de nombreux auteurs français et allemands ont vu leur talent
encouragé par ce dispositif exceptionnel. Il y a eu quelques grands noms,
comme Wim Wenders, Claude Chabrol, Werner Schroeter, Claire Denis,
mais aussi quantité de jeunes talents, comme Mia Hansen-Love, Ulrich
Köhler, Emily Atef, Pia Marais. Le Mini-Traité a donc joué le rôle de tous
les grands fonds de soutien à la création dans le monde : celui de
contribuer au renouvellement des talents, et aussi celui d’accompagner les
auteurs confirmés.
Il a su accompagner des projets aussi ambitieux que « Le Parfum » de
Tom Tykwer ou « La Princesse de Montpensier » de Bertrand Tavernier,
mais aussi des oeuvres plus audacieuses comme « Orly » d’Angela
Schanelec, ou « Enter the Void » de Gaspar Noé. Leurs succès ont parfois
été populaires ; souvent ils ont été des succès critiques. Cette diversité des
choix de la commission reflète de manière juste me semble-t-il la diversité
des cinématographies française et allemande, qui sont aujourd’hui les plus
dynamiques en Europe.
Je me réjouis que des films comme « Tournée » de Mathieu Amalric, « La
maladie du sommeil » d’Ulrich Köhler, ou bien sûr « Le ruban blanc » de
Michael Haneke, aient pu, par leurs sélections dans des grands festivals
comme Cannes ou Berlin, témoigner de la justesse des choix effectués par
la commission du Mini-Traité. Ses six membres, trois français et trois
allemands, ont fait je crois un excellent travail pour identifier parmi les
nombreux projets de coproductions franco-allemandes, ceux qui méritaient
un soutien particulier. Je tiens donc à saluer aujourd’hui leur discernement
et, pour ceux qui y siègent depuis la création du fonds, leur dévouement et
leur assiduité exemplaires.
Ce dixième anniversaire, que nous célébrons, nous permet non seulement
de dresser un bilan mais aussi de tracer un chemin vers l’avenir.
La tentation serait grande, parce que le dispositif fonctionne si bien, de
conclure qu’il doit simplement continuer.
Je crois pour ma part que nous pouvons faire encore mieux ensemble. Et
je sais, cher Bernd, que tu partages cette conviction. C’est ce qui nous a
guidé dans notre choix d’élargir à l’avenir la palette des interventions du
Mini-Traité.
Nous avons en effet souhaité, d’un commun accord, que le Mini-Traité
puisse désormais accompagner les producteurs et les réalisateurs au
moment où, ensemble, ils prennent le plus de risques : je parle de la phase
de développement, et particulièrement de la phase d’écriture.
Nous avons donc prévu d’organiser, par échange de lettres, la réservation
d’une certaine somme qui sera destinée à aider spécifiquement cette
phase de développement. Je forme le voeu que cette mesure permette de
nouer plus en amont les coopérations entre producteurs français et
allemands et d’aboutir ainsi à des projets qui soient plus organiquement
des coproductions franco-allemandes.
Nous sommes également convenu, cher Bernd, de préciser les modalités
de renouvellement des membres de la commission du Mini-Traité, qui
n’étaient jusqu’ici pas définis par l’accord signé en 2001. Il nous a paru en
effet de bonne pratique de fixer une durée au mandat de ces membres et
de permettre leur renouvellement dans ces fonctions pour un second
mandat, comme c’est le cas par exemple de la quasi-totalité des
commissions d’aide sélective gérées par le CNC. Je sais pouvoir compter
sur la participation active de chacun d’entre vous à ce renouvellement, afin
que nous continuions de porter des regards neufs sur des projets neufs.
Cher Bernd,
Chers amis,
Toutes les considérations qui précèdent me confortent dans l’idée que la
France et l’Allemagne sont, aujourd’hui, au nombre des rares pays
européens à partager encore une grande ambition cinématographique.
Dans nos deux pays, les publics aiment encore à découvrir les films dans
les salles de cinéma.
Dans nos deux pays, nos producteurs continuent à ouvrir grand leurs
portes à leurs homologues étrangers. Il suffit de voir combien le Festival de
Cannes célèbre cette année, à travers sa sélection, les paris réussis de la
coproduction française, avec des films comme « Melancholia » de Lars
Von Trier, coproduit notamment avec l’Allemagne, mais aussi avec « This
must be the place » de Paolo Sorrentino, « Habemus Papam » de Nanni
Moretti, « Le Gamin au vélo » des Frères Dardenne, ou encore « La
source des femmes » de Radu Mihaileanu.
Dans nos deux pays enfin, les publics ont gardé le goût des
cinématographies venues d’ailleurs. Ainsi, en France, de nombreux films
allemands ont connu d’immenses succès populaires, avec la complicité
naturelle des distributeurs français et l’appui fréquent des aides sélectives
du CNC – que ce soit « La vie des autres » bien sûr, mais aussi « La
vague », « Le parfum », « La chute », « Good Bye Lenin »…
Permettez-moi de former le voeu que, demain, les nouveaux talents
soutenus par le mini-traité rencontreront le même succès, pour le plus
grand bonheur de nos publics, de nos salles obscures et des créateurs qui
les font vivre.
Je vous remercie.