La nuit du solstice d’hiver, consacrée au film court : l’idée aurait plu aux surréalistes. En cette nuit la plus longue, le court métrage investit la ville, la métamorphose, la détourne en grande salle de projection ; sur les murs, autant de rêves en images qui nous rappellent qu’entre l’écran et la réalité, à l’instar de La Rose pourpre du Caire, de Woody Allen, la limite est toujours poreuse. Faire place au court métrage, c’est rappeler combien le film court constitue un spectacle à part entière, combien il renouvelle la création et combien, enfin, l’apport des nouvelles technologies peut favoriser l’effervescence de la création cinématographique.
Le court métrage est déjà à l’honneur dans de nombreux festivals : Clermont-Ferrand, Aix, Brest, Pantin, entre autres, qui participent à sa visibilité et à sa vitalité. Aujourd’hui, c’est dans toute la France que le court métrage nous fera passer une nuit blanche, dans cette temporalité propre aux temps modernes, en redessinant nos imaginaires et notre vision du monde, où les réseaux de toiles tissent des communautés d’existence.
Vous imaginez combien l’ancien exploitant de salle et le cinéphile que je suis est heureux de participer aujourd’hui au lancement, au Centre Georges Pompidou, de la Fête du court métrage « le jour le plus court », à l’initiative d’Eric Grandeau, président du CNC, qui célèbre ainsi la formidable vitalité et la place si particulière du court métrage dans le paysage cinématographique et audiovisuel français. Un format qui reste malheureusement encore trop méconnu des publics non avertis, et qui trouve trop difficilement sa place dans les réseaux traditionnels de diffusion que sont la salle et la télévision. Place donc au court pendant la nuit la plus longue de l’année.
Que de chemin parcouru par le court métrage depuis les Frères Lumières ou le chantre du merveilleux, Georges Méliès, dont on célèbre cette année le 150ème anniversaire de naissance. Format « roi » de l’aventure cinématographique à ses débuts, devenu plus tardivement l’antichambre du long métrage, le court se hisse aujourd’hui en tête d’affiche.
Cette nuit, chacun peut poser ses propres empreintes digitales sur le patrimoine filmique du court métrage, devenir, pour une nuit, programmateur, créer son « home cinema » côté court, parcourir les salles, les cinémathèques, les médiathèques, les musées, les salles de spectacles, les lieux alternatifs ; jusque dans les gares et dans certains restaurants, chacun est invité à s’emparer du court métrage.
Depuis les salles de cinéma jusqu’à la toile du Web en passant par la petite lucarne, à travers les objets du quotidien que sont nos tablettes, nos téléphones, nos appareils photos numériques, ce langage, souvent expérimental est aujourd’hui plus que jamais d’actualité. La forme courte est de plus en plus l’espace d’expression des pratiques amateurs. C’est à mon sens, un souffle de con-tem-po-ra-néité sans précédent : le court métrage parce qu’il est un art du fragment, de la fulgurance, de la brièveté, offre aux regards des condensés de créativité qui donnent une profondeur inédite à nos temps où le culte de l’immédiateté et de la rapidité font trop souvent la loi.
Pour cette grande occasion, l’Agence du court métrage met à disposition des participants du Jour le plus court un catalogue comprenant quelque 300 films couvrant tous les genres du panorama cinématographique : documentaires, films d’animation, films en 3D, fictions, films d’art et essai, dont les droits sont acquis par le CNC pour la nuit du 20 au 21 décembre.
En France, le court métrage est un secteur de création particulièrement dynamique. Avec plus de 500 films produits chaque année, il porte en lui l’avenir de la création cinématographique et audiovisuelle. Les groupes France Télévisions, ARTE France, l’Agence du court métrage et le CNC sont, pour le monde du court, des partenaires privilégiés, qui participent à sa plus grande visibilité, en créant des rendez-vous télévisuels, mais également en contribuant à son économie. Ce sont des soutiens à la diffusion, à la production et à la création, à l’édition vidéo, qui permettent au film court de se définir comme un membre à part entière de la communauté des images. Des fenêtres existent, je pense, par exemple, aux cases Histoires courtes diffusées sur France 2, et à Libre court, sur France 3, ou encore aux nouveaux rendez-vous que nous proposera Arte, deux fois par semaine, à partir du 1er janvier. Il reste néanmoins encore beaucoup à faire pour que le court métrage dispose d’espaces lui permettant de séduire un plus large public, dans les grilles de diffusion comme dans les offres de programmes en lignes de nos chaînes de télévision.
À l’initiative de mon ministère, l’engagement au service du court s’est cependant nettement accru. Je pense en particulier à la politique de soutien du CNC, en progression de plus de 9% par rapport à 2006, qui permet de financer une centaine de courts métrages par an ; aux chaînes de télévisions, outre celles déjà citées plus haut, Canal +, TV5 Monde, CinéCinéma. Je salue également tous les festivals qui assurent la promotion du film court, les artistes, les vidéastes et tous les acteurs de l’industrie du cinéma qui se dédient à la qualité et au renouvellement du film court.
Il convient de rappeler que le court métrage est pour les auteurs, les réalisateurs, les producteurs, les acteurs et les techniciens, un espace de création irremplaçable, qui favorise l’émergence des écritures les plus audacieuses. Le Jour le plus court permet de prendre le pouls du foisonnement de cette création, pour qu’elle ne soit pas cantonnée au rôle de millésime d’exception, et pour laquelle nous devons redoubler d’attention.
Pour sa première édition, Le Jour le plus court se dote de parrains parmi les plus prestigieux du cinéma ; Michel Gondry, Mélanie Laurent, Jeanne Moreau, Jacques Perrin, Julie Gayet. Je salue également tous les acteurs de l’industrie du cinéma, de l’audiovisuel, de la presse et du secteur associatif qui se sont également mobilisés pour cette occasion ; et je me réjouis que cette belle fête ait porté son ambition au niveau international, grâce à la mobilisation de l’Institut français. À Londres, à Sofia, à Annaba, à Athènes, à Tbilissi, à Moroni, à Ankara, à Mexico, à Taipei et à Ndjamena, Le Jour le plus court fait son « show ».
Je suis convaincu que la Fête du court métrage, deviendra, au fil des saisons, à l’instar de la Fête de la musique, un événement culturel de référence. Je tiens à saluer chaleureusement Alain Seban, président du Centre Pompidou, Eric Garandeau, président du CNC, Isabelle Massot, directrice artistique du Jour le plus court, Benoît Labourdette, ainsi que toutes leurs équipes, les parrains de cette fête, ainsi que tous les artistes, les professionnels du 7ème art, et les participants qui permettront d’offrir au court métrage une « Fenêtre sur court » digne du genre qu’il constitue à part entière.
Je ne puis cependant laisser cette fête débuter sans aborder devant vous un sujet dont l’actualité ne vous aura pas échappé, concernant les industries techniques qui sont au cœur de la communauté du cinéma. Il s’agit bien entendu de la situation préoccupante de nos industries techniques, et en particulier de la liquidation judiciaire du groupe Quinta industries.
Je suis pleinement mobilisé par la situation préoccupante des laboratoires et des industries regroupés au sein de Quinta industries. Hier la situation d'urgence, eu égard aux films bloqués dans ces laboratoires, a connu une évolution positive, puisque les discussions entre la direction de Quinta et ses salariés devraient permettre la continuation de l'activité pour un mois supplémentaire, et donc la finalisation des éléments (copies, bandes annonces...) nécessaires pour garantir la bonne sortie en salle d’une vingtaine de films prévue d'ici à la fin janvier.
Pour les autres films, dont la sortie est plus tardive, des solutions alternatives, notamment le recours à d'autres laboratoires, doivent être trouvées.
Mon ministère, via le CNC dont je tiens à saluer la mobilisation, joue un rôle de médiation important sur ce sujet. Nous allons réunir l'ensemble des professionnels ce jeudi 22 décembre, pour mettre toutes les questions sur la table : la sortie des films, la continuation des travaux en cours, et la gestion à l’avenir des importants stocks de films détenus par Quinta.
Les industries techniques connaissent une transition rapide vers le numérique, dont nous savons depuis longtemps qu'il constitue l'horizon de ces métiers. Certains laboratoires connaissent plus de difficultés que d'autres pour s'y adapter. Mais les pouvoirs publics les accompagnent dans cette transition, notamment via les investissements d'avenir et le programme de numérisation des films de patrimoine dont je souhaite pouvoir signer les premiers accords dans quelques semaines, afin de faire du numérique non seulement un moyen de valoriser et diffuser les œuvres culturelles, mais aussi une opportunité pour nos industries.
Je vous remercie.