C’est à Argenteuil, la ville dont il est originaire, qu’Abdellah Boudour a lancé en 2013 la Dictée pour tous, avec une formule simple : rassembler un public de tous âges et horizons autour d’une dictée géante. Le succès est immédiat, et, depuis, ne se dément pas : plus de 900 dictées géantes, rassemblant près de 10 000 participants, ont eu lieu à ce jour, les unes dans des quartiers populaires, les autres dans des lieux patrimoniaux comme le château de Versailles, la tour Eiffel, le Palais de l’Élysée, et cette année donc, le ministère de la Culture où la comédienne Clotilde Courau a lu un extrait de la Déclaration des droits de la femme d’Olympe de Gouges. Abdellah Boudour, initiateur de la Dictée pour tous, revient sur cette formidable aventure.
Quelle est l’ambition de la Dictée pour tous ?
Avec cette grande fête, il s’agit de rassembler, autour de notre patrimoine linguistique (et littéraire !), des individus de toutes les classes sociales, de tous les âges, le concept étant profondément intergénérationnel, dans tous les lieux du territoire où la « Dictée pour tous » se déplace : les quartiers populaires comme les bourgs ruraux, les grandes villes comme les lieux patrimoniaux... Notre première ambition est de redonner goût à la lecture et à l’écriture. C’est là tout l’esprit de la Dictée pour tous. Les textes sont adaptés en fonction du public. Certains s’adressent aux élèves du primaire et du secondaire, d’autres à un public d'adultes : ceux qui ont la nostalgie de l’école, mais aussi ceux qui sont en grande difficulté ou en cours d’alphabétisation. L’objectif est de leur redonner confiance, de leur . Organiser la dictée en dehors des murs de l’école est une forme d’encouragement. Les valeurs portées par « la dictée pour tous » sont la solidarité, l’égalité, le faire-ensemble, la laïcité et la citoyenneté.
Les lecteurs de la Dictée pour tous sont des personnalités. Cette année, c’est la comédienne Clotilde Courau qui embrassera ce rôle...
Le but est de faire connaître le concept auprès du maximum de personnes, tous domaines confondus, sport, littérature, cinéma... étant entendu que notre intention est de déléguer le concept, autrement dit, que des acteurs, partout en France, portent le projet, le défendent et le valorisent à leur manière sur les territoires.
Parmi ces acteurs, on trouve des municipalités, des associations, des établissements scolaires...
Et même des maisons d’arrêt pour adultes comme pour mineurs. Nous donnons à tous des outils pour qu’ils puissent s’organiser et être autonomes, puis nous les accompagnons pour que l’opération soit un succès. Nous sommes très fiers d’avoir pu pérenniser de nombreux événements.
Comment cela se passe-t-il avec les municipalités ?
Elles sont de plus en plus nombreuses à nous solliciter pour être inscrites dans le programme. Elles sont libres d’organiser une dictée unique ou de mettre en place un championnat au niveau local. Les finalistes de chaque ville sont ensuite invités à participer à la grande finale nationale. En amont, des ateliers d’écriture peuvent être organisés pour préparer les participants.
Et avec les maisons d’arrêt ?
Nous réunissons les détenus qui veulent participer dans une grande salle. On découvre chez certaines personnes un vrai potentiel. Il y a de belles histoires : il n’est pas rare que d’anciens détenus reviennent participer à la dictée une fois sortis de prison. Il n’y a pas de plus belle reconnaissance.
Si vous deviez faire le bilan de ces douze dernières années, quel serait-il ?
Je suis en premier lieu fier d’avoir délégué le projet, qu’il puisse aujourd’hui vivre sans moi. C’était très important à mes yeux. Je suis aussi particulièrement reconnaissant aux responsables des grands lieux historiques de nous ouvrir leur porte, je remercie chaleureusement le ministère de la Culture de nous avoir soutenus et accueillis. Au début de cette aventure, j’ai eu la chance de rencontrer Bernard Pivot. On sait à quel point il a été visionnaire en matière de dictée... Il m’avait prédit que la dictée pour tous serait populaire. Il ne s’est pas trompé ! Le bilan tient donc en deux mots : fierté et reconnaissance.
Si Bernard Pivot était visionnaire, vous aussi...
J’ai voulu que la puissance des mots soit mise au service d’un jeu ludique, populaire, et gratuit. Il était hors de question que les participants payent quoi que ce soit. Ce qui a fait le succès de la formule, c’est cette dimension festive et gratuite, mais aussi le fait que l’événement ait lieu en dehors de l’école. Je le dis de nouveau : nous voulons toucher un public qui ne lit pas forcément et lui redonner – c’est le mot clé, pour moi – la confiance.
La fabuleuse aventure de la Dictée pour tous
La Dictée pour tous est un championnat national. Chaque année, associations, établissements scolaires, municipalité s’emparent localement du concept et organisent la Dictée pour tous sur leur territoire. Puis les gagnants se retrouvent lors de la grande finale organisée dans un lieu historique. Le 14 juin dernier, le texte lu au ministère de la Culture par Clotilde Courau était issu de la Déclaration des droits de la femme d’Olympe de Gouges. Parmi les associations présentes, citons l’association La Cuatro à Houilles (78) qui propose une importante programmation musicale, l’association D-clic qui a pour objet d’œuvrer auprès des jeunes issus des quartiers populaires de Strasbourg, l’association Nour à Sedan qui combat toutes formes de discriminations, et l’association nouvelle du vivre ensemble qui favorise l’intégration et l’insertion de personnes en situation de handicap. A noter que la Dictée pour tous connaît de nombreuses déclinaisons : l’Euro dictée, la dictée du tour (de France), la dictée géante, la dictée des cités, la grande dictée du sport... Prochaines étapes : développement de la Dictée à l’international et, le 7 février 2026, le musée du Louvre accueillera la finale internationale. Le rendez-vous est pris.
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