A l'occasion de son discours aux Biennales internationales du spectacle, qui se sont tenus à Nantes, le 23 janvier, le ministre de la Culture a annoncé des mesures en faveur du théâtre en région. Discours.

 

Mesdames et messieurs,

Bonjour à tous,

Je suis très heureux d’être avec vous, aujourd’hui, ici, aux BIS. C’est un rendez-vous essentiel de vos métiers. Et en tant que ministre de la Culture, j’ai plaisir à venir ici pour échanger avec vous.

Et je remercie celles et ceux que j’ai eu l’honneur de rencontrer pour évoquer les sujets importants qui vous préoccupent.

Je suis d’autant plus heureux que je sais que nous partageons une conviction. La conviction que nous avons besoin, plus que jamais, de culture. La conviction que nous avons besoin, plus que jamais, de nous rassembler.

Nous en sommes capables, et nous en avons la volonté. Collectivement, je crois que nous sommes habités par cette aspiration au commun.

Par la conviction que l’heure n’est plus qu’au seul individu, mais au collectif. Cette conviction, elle est mienne.

Fabriquer du commun : ce doit être le rôle du ministère de la Culture.

Il doit donner à nos compatriotes, aux artistes, aux équipes artistiques, à celles et ceux qui travaillent dans la culture, les moyens et les occasions d’être ensemble.

Il le doit, et il le peut.

Pour fabriquer du commun, nous avons besoin des artistes. Nous avons besoin des équipes artistiques. Nous avons besoin des créateurs. Nous avons besoin de celles et ceux qui travaillent dans la culture. Nous avons besoin des professionnels du spectacle vivant. Nous avons besoin des auteurs. Nous avons besoin d’engagements communs.

Il nous faut co-construire, ensemble, les politiques publiques.

Avec, toujours, le sens du dialogue. De l’écoute. De l’échange.

Avec de l’expression de mécontentement, parfois. Alors, je sais que ce n’est pas toujours évident.

Mais il y a des sujets de préoccupation pour vos métiers, qui sont parfois connus, depuis plusieurs, et pas traités.

J’ai pris l’engagement, depuis que je suis ministre, de prendre à bras le corps tous les sujets.

C’est ma conception de l’engagement public, que j’ai eu depuis longtemps, et aujourd’hui en tant que ministre.

C’est le sens du CNPS, que j’ai proposé de réunir régulièrement.

Très prochainement, nous aurons l’occasion de nous rencontrer à nouveau pour évoquer tous les sujets de vos professions. C’est le sens de mes rencontres avec les organisations syndicales.

Hier au ministère, avec les organisations syndicales du ministère. Aujourd’hui, avec les représentants que j’ai rencontrés et qui viennent de s’exprimer devant vous.  

S’agissant de la réforme des retraites, spécifiquement, l’objectif est de créer, vous le savez, un système de retraites qui nous semble plus équitable et juste. Un système qui nous permettra de relever les défis de demain, tout en préservant le système par répartition.

Nous y parviendrons dans le cadre du régime universel.

Nous avons devant nous des jours, des semaines de négociations et de co-construction pour pouvoir décliner les principes généraux du texte dans vos métiers.

Cette volonté d’adapter aux spécificités de vos métiers, nous l’avons déjà défendue avec la réforme de l’assurance-chômage des intermittents.

Les inquiétudes étaient très fortes pour les métiers des annexes 8 et 10.

Après vous avoir écoutés, après avoir travaillé avec vos représentants, je me suis forgé une conviction : il fallait maintenir l’accord de l’assurance-chômage de 2016 pour les métiers des annexes 8 et 10.

Non pas par crainte du changement ou de réforme, mais parce qu’il s’agit du meilleur système pour vos métiers si spécifiques.

En ce qui concerne la réforme des retraites, je souhaite avoir la même approche avec vous.

A la fois le dialogue, et l’écoute.

Ensemble, nous devons trouver les voies et moyens pour vous inscrire, vous en tant que professionnels de ces métiers, mais aussi plus largement vos spécificités, dans le futur régime universel de retraites.

C’est le sens des concertations qui sont en cours.

De la même manière, quand je suis arrivé rue de Valois, le FONPEPS n’était pas au sommet de sa forme. C’est le moins qu’on puisse dire.

Nous l’avons réformé, pour que ses aides à l’emploi soient mieux adaptées aux besoins des entreprises et de leurs salariés. Nous avons mis des moyens nouveaux et aujourd’hui, le FONPEPS a tout pour réussir.

Nous le suivons au quotidien, pour qu’il soit utilisé et connu de tous. Ce sera avec vous qu’on le fera.

Je suis toutefois conscient que nombre d’entre vous, qui représentent des salles de petite jauge, attendent le déblocage d’un point technique pour que ces salles aient accès rapidement à une aide conçue pour elles.

J’ai demandé à mes services de sécuriser ce point au plus tôt.

Et je ne vois pas pourquoi ce que nous avons réussi à faire avec l’assurance-chômage des annexes 8 et 10, et avec le FONPEPS, nous ne pourrions pas le faire pour les intermittents, et les autres professions concernées, dans le cadre de cette réforme des retraites.

Cette réforme, concrètement, qu’est-ce qu’elle signifie pour les artistes et les professionnels de la culture ?

Il y a 5 spécificités : deux régimes spéciaux, celui de la Comédie-Française et celui de l’Opéra national de Paris, les artistes intermittents du spectacle, les journalistes, et les artistes auteurs.

Je suis attentif à ce que leur situation sociale ne soit pas dégradée.

J’ai veillé à ce que le projet de loi sur la réforme des retraites intègre des dispositions spécifiques ou transitoires, selon les cas. Mais il y a encore beaucoup de travail.

Voilà pourquoi nous devons co-construire, ensemble, ces transitions.

Nous avons plus d’un an pour construire, ensemble, ces transitions, ainsi que le futur modèle-cible.

Je prends quatre engagements devant vous :

Il n’y aura pas d’impact négatif sur le pouvoir d’achat des intermittents et des artistes-auteurs. Et vous savez que c’est un élément important puisqu’il y a une convergence des cotisations.

Il n’y aura pas d’impact négatif sur le budget de la Culture. Mais il y aura bien évidemment un budget de compensation qui devra être indexé à l’évolution des taux. Les montants et les modalités seront décidés prochainement, avec les études d’impact qui vont avec.

Pas d’impact négatif sur le niveau des pensions.

Et pas d’impact négatif sur l’emploi.

Et nous avons des leviers de politique publiques de l’emploi qui permettront de tenir cet engagement.

Toutes les garanties sur ces engagements que je prends devant vous seront fournies au fur et à mesure des discussions que j’aurai avec les organisations syndicales, à commencer par la réunion de lundi.

Ce que nous avons fait pour le régime d’assurance-chômage des intermittents du spectacle, ce que nous faisons et ferons pour la réforme des retraites, nous le ferons également pour la situation des artistes-auteurs.

Car sans auteurs, il n’y a pas de création. Et pourtant, ils sont les impensés des politiques publiques depuis des années. Nous devons y remédier. C’est un engagement que j’ai pris et qui, je le sais, était très attendu.

J’ai confié une mission à Bruno RACINE. Il m’a remis son rapport de mission hier soir.

Il est consultable sur le site du ministère de la Culture. Tout est public, tout est transparent. Il est très prometteur.

Il contribuera utilement à définir une politique ambitieuse en faveur des artistes-auteurs. J’aurai l’occasion de m’exprimer sur ce sujet durant la première quinzaine de février. Et je me rendrai à Angoulême pour le festival de la BD.

 

Ce « commun », nous devons le construire avant tout dans nos territoires.

Il faut pour cela s’appuyer sur notre formidable réseau de labels.

Dans le cadre de la politique de déconcentration du Gouvernement, la responsabilité du ministère de la Culture est de renforcer les labels. Ces réseaux ne sont pas finis, ou figés. Ce sont des réseaux vivants.

Il faut prolonger cette politique : restaurer les marges artistiques, et poursuivre la labellisation de nouveaux lieux.

C’est justement ce que nous faisons :

Avec la nouvelle scène nationale de Bordeaux, à Saint Médard en Jalles, avec le Pôle des arts du cirque de Châlons-en-Champagne, avec Chorège, le centre de développement chorégraphique national de Falaise, et bien d’autres projets qui sont encore en cours.

 

Le ministère de la Culture est le garant de la liberté de création.

Mais c’est dans les lieux labellisés et les opérateurs de l’Etat que cette liberté s’incarne le mieux. C’est dans la richesse formidable des scènes nationales en ville, en milieu périurbain, ou en zone rurale. Il reste encore beaucoup à faire, bien sûr.

Mais quel pays peut se targuer d’un réseau de scènes nationales comme le nôtre ? D’un réseau d’une telle richesse, d’une telle densité ? Il peut – et il doit – nous aider à construire du commun.

 

Parce que ce formidable réseau doit être conforté, j’ai décidé d’allouer des crédits nouveaux en direction des théâtres en régions, dès cette année.

Avec une triple ambition :

D’abord, une ambition pour les territoires. 4 millions d’euros supplémentaires y seront consacrés dès cette année. Ils nous permettront de renforcer notre soutien aux Scènes conventionnées d’intérêt national situées dans des villes de moins de 100 000 habitants de proposer un accompagnement financier aux théâtres et lieux de fabrique théâtrale peu ou pas aidés par l’Etat sur les territoires et de diffuser les spectacles au plus près des habitants, par des aides dédiées à l’itinérance et à la programmation hors les murs.

Ensuite, une ambition pour l’enfance et de la jeunesse. 1 million d’euros supplémentaires ira à la création de scènes conventionnées « art, enfance et jeunesse ». L’objectif, c’est qu’à horizon 2022, il y ait au moins une scène de ce type par région et par territoire d’Outre-mer. J’en préciserai dans les prochaines semaines le déploiement concret.

 

Enfin, une ambition pour la vitalité artistique des compagnies. 3 millions d’euros supplémentaires seront dédiés, notamment, à apporter un soutien accru aux reprises de spectacles.  Aujourd’hui, trop de spectacles ont une durée de vie insuffisante.  C’est un constat largement partagé. Nous prolongerons la durée de vie des créations, d’une part, en assouplissant les critères et les modalités des aides à la reprise, pour faciliter les nouvelles tournées, d’autre part, en permettant l’éligibilité à ces aides des compagnies dont les spectacles ont été créés dans un théâtre public puis repris dans un théâtre privé.

Au total, ce sont 8 millions d’euros supplémentaires qui seront consacrés aux théâtres dans les territoires. Ces crédits ont d’ores et déjà été votés par le Parlement, dans le cadre de la loi de finances 2020. Ce n’est pas une promesse. C’est un engagement qui est dans les lignes du budget 2020.

 

Pour construire du « commun », nous avons besoin de tous les artistes et de tous les créateurs.

De manière générale, nous devons recentrer les dispositifs sur les projets des artistes – et donc sur les aides directes aux équipes.

Comme je l’avais annoncé lors du CNPS, en juin dernier, nous travaillons à l’aménagement des aides déconcentrées aux équipes artistiques.

Sur ce sujet, le constat est sans appel. Les attributions d’aides aux ensembles et aux compagnies sont en tendance toujours plus faible, alors que le budget est maintenu.

En effet, le nombre d’équipes aidées a augmenté – et c’est bien – mais il a augmenté plus vite que les enveloppes de crédits.

À cela s’ajoute la difficulté à renouveler les bénéficiaires, en particulier pour les équipes conventionnées. Et le conventionnement arrive parfois très tardivement.

 

Ce sont quelques-unes des raisons qui m’amènent à souhaiter une évolution du système actuel d’aides directes aux équipes artistiques.

Il faut lui redonner de la cohérence. Il faut lui redonner des moyens.

Il faut l’adapter aux besoins des compagnies et des ensembles.

Il s’agit de simplifier et d’assouplir les dispositifs actuels pour mieux prendre en compte la globalité du projet artistique et de mieux réguler la production de spectacles, en prenant en compte les temps de recherche, d’entretien des répertoires ou encore d’action culturelle.

Mon ministère doit accompagner les créateurs dans leurs projets, mais plus largement dans leurs parcours.

 

Je viens d’évoquer les créateurs dans leur ensemble.

Mais nous sommes aux BIS, et je me dois donc d’aborder quelques secteurs spécifiques…

Nous renforcerons notre soutien au secteur de la marionnette.

Je m’y étais engagé lors du dernier Festival international de Charleville-Mézières.

Et je serai fidèle à cet engagement, en assurant la montée en puissance des marionnettes sur quatre Scènes Conventionnées d’Intérêt National, et un accompagnement accru pour la structuration de deux lieux compagnons.

Le secteur musical, vous le savez, est aussi au cœur de mes préoccupations.

Le 1er conseil d’administration du Centre national de la musique, présidé par Jean-Philippe Thiellay, s’est tenu le 8 janvier. L’établissement est donc opérationnel.

Il poursuivra son action, sans rupture de continuité des interventions, tout en préparant la fusion des associations appelées à le rejoindre.

Cette année, il sera doté par l’Etat de 7,5 millions supplémentaires.

Et des études seront lancées pour nous permettre de mieux comprendre les enjeux du secteur. Sur le spectacle vivant, un certain nombre de sujets techniques étaient englués depuis longtemps.

Ma responsabilité, avec les services, c’est de crédibiliser la parole du ministère de la Culture pour lever des freins à votre activité.

Ces freins, ce sont par exemple les frais de sécurité.

Vous le savez, l’application de la circulaire Collomb a suscité beaucoup d’inquiétude.

Les services – l’administration centrale comme les DRAC – ont passé leur été à répondre, au cas par cas, à des situations parfois difficiles pour des organisateurs de festivals.

Une instruction du ministère de l’Intérieur du 15 mai 2018 précise les règles applicables, afin d’harmoniser les pratiques des préfets, notamment dans le domaine culturel, où cette règle est inégalement appliquée, sans doctrine précise.

Après l’arrêt du Conseil d’Etat du 31 décembre dernier, nous avons décidé, avec mon collègue de l’Intérieur, de reprendre la circulaire pour qu’elle soit plus adaptée.

Nous lancerons un groupe de travail prochainement, en y association les organisations professionnelles.

Un de ces freins, c’est aussi le décret son.

Ses modalités d’application posent des difficultés et des insécurités juridiques qui sont constamment relevées par les organisations professionnelles.

J’ai proposé une évolution du décret sur certains points, en étroite concertation avec l’association Agi-Son, dont je veux saluer le travail.

Avec la ministre de la Transition écologique et solidaire, et la ministre des Solidarités et de la Santé, nous avons souhaité remettre le sujet sur la table pour sortir de cet imbroglio.

Et nous espérons pouvoir aboutir au cours de ce premier semestre.

 

Ce commun que nous allons construire dans nos territoires, nous le construirons avec les créateurs, les artistes, mais aussi avec les publics. Tous les publics. Y compris les plus jeunes. C’est le sens de l’éducation artistique et culturelle, que nous déploierons tout au long de la vie. Et c’est le sens du pass Culture.

Nous en ferons un outil de partage : le moyen de relier toute une classe d’âge par la culture. Contrairement au titre d’une de vos tables-rondes, le pass culture n’est pas dans l’impasse.

Il est encore en expérimentation. J’assume cette expérimentation. Une expérimentation, cela veut dire que des choses restent encore à améliorer, à ajuster. Je le revendique. Je suis fier qu’il séduise de plus en plus d’utilisateurs, et que ces utilisateurs choisissent beaucoup de spectacles et festivals musicaux.

Début avril, nous amorcerons une nouvelle phase de déploiement ambitieuse. Elle devrait permettre de toucher à peu près la moitié des jeunes de la tranche d’âge concernée. Et nous permettrons aux jeunes de dépenser leurs 500 euros, sur deux ans et non plus une seule année, comme c’était initialement prévu.Toutes ces mesures, nous les avons pensées au service des territoires.

Parce que c’est là que vit notre culture.

Et c’est là que nous devons décliner nos politiques au plus près de la réalité. Au plus près des acteurs culturels que vous êtes, des collectivités, et des citoyens.

Si nous voulons construire du « commun », nous devons davantage déconcentrer les dispositifs du ministère. Déconcentrer, ça ne veut pas dire renoncer à une politique nationale.

Au contraire, c’est l’adapter aux territoires pour la rendre plus pertinente, et plus efficiente.

Déconcentrer, c’est agir au plus près des acteurs de terrain. C’est donner des responsabilités accrues et des moyens supplémentaires aux directions régionales des affaires culturelles.

Parce que je suis attaché à la co-construction des politiques culturelles avec les collectivités.

J’entends vos craintes sur la décentralisation.

Comme j’ai entendu celle que vous avez exprimées, il y a quelques mois, sur les nominations des dirigeants des scènes labellisées.

Ces décisions restent et resteront celles du ministre de la Culture.

Il n’y aura pas de décentralisation supplémentaire par rapport à l’équilibre actuel entre collectivités territoriales et Etat, en ce qui concerne les questions culturelles.

 

Enfin, il me reste un combat que je veux partager avec vous. Celui pour la parité et l’égalité. Elles doivent devenir la norme, dans la société tout entière. La lutte contre les violences sexistes et sexuelles fait partie du combat pour l’égalité.

Nous serons intraitables sur ce sujet. Dans le monde culturel, ces derniers mois, une nouvelle vague de libération de la parole s’est déclenchée.  Elle nous incite à ne pas baisser la garde. A prendre des engagements. A continuer le combat.

J’y suis déterminé.

La FESAC discute avec les organisations syndicales de salariés d’un plan d’action pour l’égalité et contre les violences dans ses secteurs.

Les services de mon ministère accompagnent et encouragent ce travail depuis l’origine.

Je l’avais annoncé en novembre, lors des Assises de l’égalité et de la diversité dans le cinéma. J’ai décidé d’accompagner la mise en place d’une cellule d’alerte et d’écoute à destination des victimes de violence et de harcèlement sexuel et sexiste – salariés permanents comme intermittents de ces entreprises.

Cela représente 178 000 femmes. Cette cellule est une étape capitale. Parce que pour libérer la parole, il faut d’abord libérer l’écoute. Cette cellule, nous sommes en train d’en faire une réalité.

 

Mesdames et messieurs,

Chers amis,

Comme vous le voyez, nous avons de nombreux chantiers devant nous.

Je sais que je peux compter sur votre participation exigeante et engagée.

Et vous pouvez compter sur ma détermination à renforcer le ministère de la Culture, et les politiques publiques.

A votre service. Au service de la culture.