La République n’est pas née de rien. Elle sait rendre hommage à tout ce qui, dans
l’histoire de la France, l’a précédée et parfois aussi préparée. Elle salue aujourd’hui,
à l’occasion du quatre-centième anniversaire de sa disparition tragique, celui qui,
dit-on, est « le seul roi dont le peuple ait gardé la mémoire ». Elle rend hommage en
lui à une anticipation de ses propres valeurs, tout autant d’ailleurs qu’elle salue un
panache auquel elle emprunte l’une de ses trois couleurs – ce fameux « panache
blanc » demeuré l’une des nuances qui, unies avec les couleurs de Paris,
composent son drapeau. C’est pourquoi chacun des élus, quelle que soit leur
couleur, la mairie de Paris, les mairies du 1er et du 6e arrondissements, la « Société
Henri IV » et, par ma voix, le Président de la République et le gouvernement tout
entier, se sont fidèlement associés pour donner quelque éclat à cette grande
célébration nationale.
Si nous célébrons un triste événement, c’est pour marquer notre attachement
constant, par-delà les siècles écoulés, à ce grand souverain victime du fanatisme,
dont il ne pouvait qu’être la cible pour en avoir été l’adversaire parfait dans toute son
action de roi comme d’ailleurs dans toute sa vie. C’est aussi pour dire que, par-delà
cette mort, les valeurs de ce monarque exemplaire ont triomphé. Elles ont fait de sa
figure une inspiration qui dépasse son temps, qui n’a pas cessé de nourrir le
meilleur de notre histoire et qui, nous voulons aujourd’hui en faire le pari, sera l’une
des sources de l’avenir.
Ces valeurs, chacun les connaît, ce sont celles de la tolérance et de la liberté,
indissociables d’une leçon de joie de vivre, d’énergie et de solidarité humaine. Ce
sont aussi les valeurs de la culture et de la foi dans l’humanisme des arts.
Cet avenir, c’est celui d’une France et d’une Europe dont toutes les étoiles et toutes
les identités dialoguent harmonieusement, dans le respect mutuel. C’est le voeu
henricien de la concorde civile et de la paix religieuse élargi aux dimensions de
notre planète.
Déjà VOLTAIRE, dans La Henriade, avait montré le lien très fort qui unit la tolérance
avec l’ordre cosmique du monde. Il chantait une première apothéose d’Henri IV
emporté dans le ciel par Saint-Louis, qui contemple l’ordre céleste et qui saisit que
la diversité est inscrite dans les desseins divins et que la tolérance est la seule
réponse à l’efflorescence des confessions particulières.
La Henriade a donc en quelque sorte précédé la vision de l’artiste d’aujourd’hui,
cher Jean-Charles de CASTELBAJAC. C’est pourquoi je cède, moi aussi, au plaisir
d’apparier le moderne et le contemporain et de vous livrer quelques bribes de ce
voyage céleste qui semble préfigurer votre propre rêve d’un Henri IV « roi des
étoiles » et souverain du futur :
« Au delà de leur cours, et loin dans cet espace
Où la matière nage, et que Dieu seul embrasse,
Sont des soleils sans nombre, et des mondes sans fin.
Dans cet abîme immense il leur ouvre un chemin.
Par delà tous ces cieux, le Dieu des cieux réside.
C'est là que le héros [Henri IV] suit son céleste guide ;
C'est là que sont formés tous ces esprits divers
Qui remplissent les corps et peuplent l'univers.
Là sont, après la mort, nos âmes replongées,
De leur prison grossière à jamais dégagées.
Un juge incorruptible y rassemble à ses pieds
Ces immortels esprits que son souffle a créés.
C'est cet être infini qu'on sert et qu'on ignore :
Sous des noms différents le monde entier l'adore :
Du haut de l'empyrée il entend nos clameurs ;
Il regarde en pitié ce long amas d'erreurs,
Ces portraits insensés que l'humaine ignorance
Fait avec pi-été de sa sagesse immense ».
(La Henriade, chant VII)
C’est bien un roi paradoxal auquel nous rendons hommage aujourd’hui –
à la fois celui qui sut contempler de Sirius les vaines querelles des
hommes et s’en placer à bonne distance, et celui qui sut être en même
temps le roi le plus chaleureux et le plus proche de chacun. C’est par ces
deux chemins qu’HENRI IV restera à jamais un roi universel.
Le parer ainsi d’une épée lumineuse, c’est rappeler aussi que la paix
repose sur le courage, que la justice ne va pas sans l’appui de la force, et
c’est montrer que sans les lumières de l’esprit et du coeur pour nous
guider, la force et le courage – toutes les vertus – ne sont rien.
Après quelques évocations pyrotechniques retraçant sa gloire, nous
pourrons voir s’illuminer l’architecture souple et légère qui encadre cette
statue familière. Nul doute que le roi s’y prêtera à ces jeux de lumière
avec sa tendresse et son sourire légendaires.
Il se présentera ainsi, deux mois durant, jusqu’à notre fête nationale du 14
juillet, dans ce « simple apparat », aux yeux des passants arrivés de tous
horizons dans la capitale. Il leur apparaîtra dans tout l’éclat dont il brille
déjà dans nos mémoires, au sein de ce quartier qui porte son empreinte et
qui est un peu déjà comme son écrin.
Ce soir donc, après nous êtres recueillis avec gratitude, nous voulons
dire, par les quelques instants d’une fête fidèle à son esprit qui savait être
léger, notre joie d’être tous, par la grâce de l’histoire, les héritiers d’une
générosité qui, la première, a lancé la France dans l’aventure de la liberté,
de l’égalité et de la fraternité.
Je vous remercie.
Célébration du 400e anniversaire de la mort d'Henri IV autour de la statue équestre d'Henri IV sur le Pont-neuf (Paris, île de la Cité) et de l'oeuvre « Astronomy Domine » de Jean-Charles de Castelbajac
Maintenant que les tambours ont laissé la place au silence, et le silence à la parole,nous pouvons nous recueillir ensemble à la mémoire de celui qui est resté pourchacun le modèle des souverains.
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