La gestion écologique du patrimoine bâti
Conserver, restaurer, réutiliser et transmettre aux générations futures le patrimoine bâti, protégé ou non au titre du code du patrimoine ou du code de l’environnement, constituent une démarche écologique.
Le ministère de la Culture contribue à sensibiliser l’ensemble des acteurs tant à la conservation et à la restauration des monuments historiques qu’à l’entretien et la réhabilitation du patrimoine bâti.
La conservation des monuments historiques immeubles, l’entretien des sites patrimoniaux remarquables et, de manière plus large, la préservation du bâti ancien participent des démarches de préservation de l’environnement. On considère généralement qu’un bâtiment construit avant 1948 (date marquant le début d’une reconstruction massive en France) relève du bâti ancien.
Dans une perspective de conservation préventive (intervenir pour améliorer l’environnement du bien) et curative (traiter la pathologie, stopper la dégradation ou remettre en fonction), les mesures et actions nécessaires s’inscrivent de longue date dans une démarche écologique.
Les monuments historiques et, plus généralement, les bâtiments anciens sont souvent construits et restaurés avec des matériaux traditionnels, dont l’extraction ou la production sont locales, ce qui limite les coûts de transports et favorise le maintien d’emplois hautement spécialisés, sans risque de délocalisation. Au contraire, la démolition d’un bâtiment et son remplacement par un nouveau consomment de l’énergie, génèrent des gravats qu’il faut évacuer, stocker et, le cas échéant, traiter, et suscitent l’exploitation de nouveaux matériaux.
La gestion « durable » du patrimoine par les chantiers de restauration
De manière obligatoire pour les monuments historiques et souvent conseillée pour le bâti ancien, la conservation de la « substance », qui confère son authenticité au bien, incite au respect et au réemploi des structures et des matériaux.
Une logique d’économie de la ressource et de circuit court
Quand il est nécessaire d’apporter de nouveaux matériaux, une attention particulière est portée à l’extraction ou à la production de ressources de proximité (pierres, bois, tuiles, chaux, sables), adaptées au patrimoine par leurs caractéristiques, en réduisant autant que possible les intermédiaires (filière courte).
Ainsi, depuis 2006, les professionnels des monuments historiques peuvent bénéficier d’autorisations exceptionnelles de réouverture de carrières les plus adaptées par leur conformité avec le monument historique ou par leurs propriétés pétrophysiques pertinentes, quand celles-ci sont indispensables à la restauration de parements ou d’ornements.
Les chantiers de restauration du patrimoine limitent le remplacement et donc la consommation des matériaux, par le maintien ou le réemploi des éléments de second œuvre en place (les fenêtres), pour l’authenticité et la qualité architecturale du bâti. Ils contribuent au recyclage des matériaux, lors des démolitions et déposes ponctuelles.
Une filière économique hautement spécialisée
Cette production locale et la présence sur tout le territoire national d’entreprises hautement spécialisées contribuent à réduire l’empreinte carbone et à maintenir les filières économiques d’artisans, de métiers d’art et de restaurateurs détenteurs de compétences irremplaçables et de savoir-faire très riches, traditionnels comme particulièrement innovants. Plusieurs de ces métiers sont inscrits à l’Inventaire national du patrimoine culturel immatériel (couvreurs-zingueurs et ornemanistes, maçons en pierre sèche), voire sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’Humanité (Unesco) (compagnons).
Si les niveaux d’exigence peuvent être différents pour les monuments historiques et le reste du bâti ancien, il est conseillé de faire appel à des intervenants compétents et formés, pour la maîtrise d’œuvre comme pour l’exécution des travaux. Les qualifications sont le gage d’interventions pérennes et adaptées.
Sensibiliser les acteurs aux qualités thermiques du bâti ancien
Le bâti ancien possède souvent des qualités thermiques incontestables. Dans ces bâtiments, la performance énergétique chiffrée ne doit pas être l’unique objectif en soi : il convient de tenir compte des spécificités techniques (échanges hydriques et thermiques avec l’extérieur) et de l’inertie parfois forte des parois.
L’enjeu est de sensibiliser les acteurs de la réhabilitation à la prise en compte de l’ensemble du cycle de vie d’un bâtiment, de l’énergie grise de ses produits et matériaux constitutifs ou de son environnement, en cherchant à mieux connaître son histoire « strate par strate ».
Sans point de vue systématique, il s’agit d’analyser les déperditions énergétiques ou le comportement de la ventilation intérieure ou encore de travailler sur la notion de confort physiologique (confort d’été), l’usage des lieux et le comportement des habitants.
Plusieurs principes peuvent être préconisés pour une réhabilitation respectueuse et responsable
- étudier des solutions adaptées à l’histoire et aux qualités de chaque bâtiment : cela passe par l’établissement d’un diagnostic et d’un projet ;
- s’assurer autant que possible de la réversibilité des travaux, en veillant à ne pas porter atteinte à la structure et à l’intérêt patrimonial du bien ;
- privilégier, par une amélioration raisonnée et ciblée de l’étanchéité à l’air, le maintien ou le réemploi des éléments de second œuvre en place (en particulier les fenêtres) ;
- limiter le remplacement des matériaux dans un souci d’économie de la ressource qui a tendance à se raréfier ;
- privilégier l’emploi de matériaux biosourcés ou géosourcés, produits au plus près et conformes aux pratiques du terroir ;
- envisager les démolitions ou déposes ponctuelles en permettant le recyclage des matériaux dans un souci d’économie circulaire ;
- favoriser une gestion passive de l’énergie limitant le recours aux équipements techniques. À ce titre, la recherche de performance énergétique doit prendre en compte la réalité des évolutions des ambiances intérieures souvent lentes, et non pas leurs valeurs absolues. Le soin particulier apporté à l’enveloppe du bâtiment et le suivi régulier du traitement d’air doivent permettre de prendre en compte le rôle régulateur du bâtiment avant de solliciter les équipements techniques.
De nombreuses ressources
Les services ministériels concernés, les professionnels du patrimoine bâti (architectes et entreprises) et les associations œuvrent de longue date à la mise à disposition de ressources méthodologiques, guides pratiques et publications, qui diffusent les bonnes démarches, font connaître les techniques anciennes et prennent en compte les particularités régionales. Des formations sont proposées par ces différents organismes.
CREBA, centre de ressources pour la réhabilitation responsable du bâti ancien
Le CREBA s’adresse aux professionnels du bâtiment (maîtres d’œuvres, architectes, bureaux d’études, artisans, prescripteurs, techniciens, experts, chercheurs…) et, plus globalement, aux acteurs de tout projet de réhabilitation, de rénovation énergétique ou de restauration d’un bâtiment ancien.
- Espace documentaire (nombreuses publications à télécharger)
- Charte de réhabilitation responsable du bâti ancien, démarche méthodologique pour préparer une opération de réhabilitation responsable de bâtiments construits avant 1948 selon des techniques, des savoir-faire et des matériaux traditionnels (pierre, bois, terre crue, etc.), par les membres fondateurs du CREBA (CEREMA, Arts et Métiers Paristech, ENSA Toulouse, Maisons Paysannes de France, Sites et cités remarquables), version mars 2022, 19 p.
- BATAN, Modélisation du comportement thermique du bâtiment ancien avant 1948, rapport de synthèse, février 2011, 20 p.
- Guide méthodologique, réaliser une étude énergétique du bâti ancien, CEREMA Est et Ouest (ex CETE) en collaboration avec l’association nationale des villes et pays d’art et d’histoire (ANVPAH), 2012, 28 p.
Maisons paysannes de France
L’association Maisons paysannes de France publie depuis 2010 sur son site Internet de nombreuses fiches synthétiques conçues en vue de réaliser des travaux d’amélioration thermique dans une habitation ancienne en appréhendant le comportement thermique et hygrothermique du bâti ancien. Elles ciblent des interventions en particulier : la ventilation, le chauffage, les abords, les combles, les murs, les ouvertures, les planchers, etc.
Sites & Cités remarquables, association des Villes et Pays d’art et d’histoire
Sites & Cités remarquables, en collaboration avec la Caisse des dépôts et consignations, le ministère de la Culture, le ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, met à disposition une plate-forme de ressources numériques sur les centres anciens et le développement durable.
Centre scientifique et technique du Bâtiment (CSTB)
Le CSTB contribue au partage des connaissances auprès des professionnels en lien avec les enjeux environnementaux et sociétaux qui guident tous les acteurs de la filière du bâtiment. Ainsi, le CSTB rend l'information scientifique et technico-réglementaire accessible et directement utilisable au travers de produits et services d'édition papier et numérique, de logiciels métiers et d'une offre de formation professionnelle inter et intra-entreprises.
- Développer l’économie circulaire et la gestion des ressources, 2019
- Expérimenter la démolition du béton et son réemploi in situ
- Marie-Jeanne Jouveau, « Le patrimoine, un atout pour le climat », Réalisation et regard, Atrium, patrimoine et restauration, n° 96, automne 2022.
- Architecture, territoire et transmission : des solutions locales au défi de la transition écologique, site Internet de la DRAC Normandie, 23 juin 2022.
- Olivier Descamps, « Oui, la rénovation thermique s’applique au patrimoine ancien », Gazette des communes, 12 mars 2020.
- Christophe Amsler, « Énergétique du patrimoine », D’architectures, n° 207, avril 2012 .
Ce numéro de la revue D’A d’avril 2012 contient plusieurs articles, outre cet article de Christophe Amsler qui précise la méthodologie, particulièrement intéressants par la réflexion des auteurs (Marc Bénard, Charles Arquin, Jacques Fredet, Hubert Lempereur) et les études de cas présentés pour des bâtiments de toutes époques. - Le patrimoine : un modèle de développement durable, actes du colloque des 4 et 5 octobre 2010, ICOMOS France, Paris.
- Patrimoine bâti et développement durable, actes du séminaire des 15 et 16 octobre 2009, Grenoble, ANVPAH-Ville de Grenoble-Caisse des dépôts, 193 p.
- Préservation du patrimoine et économies d’énergie, actes du séminaire européen des 17 et 18 novembre 2008, Cahiers d’ICOMOS France, Paris.
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