2024-2025 - Identités, altérités : quels enjeux pour la culture ?
Image : Danica Dakić, SAFE FRAME III, 2012, C- Print © VG Bild-Kunst Bonn © Adagp, Paris, 2024
Émancipation des individus, maintien de la cohésion sociale : deux pôles de l’enjeu démocratique. Plus que jamais, ces objectifs et ces valeurs font sens au regard des tentations de repli qui traversent nos sociétés contemporaines et sont potentiellement sources de fractures. En reconnaissant la diversité, la singularité et la liberté des expressions artistiques, en favorisant l’accès du plus grand nombre aux œuvres mais aussi aux pratiques, en permettant le partage dans l’expérience esthétique et culturelle, en retraçant la vie des individus qui font l’histoire de la Nation et en restituant leurs parcours et leurs diversités, les politiques culturelles participent pleinement, dans leurs missions, à ces objectifs complémentaires et indissociables.
La poursuite conjointe de ces buts n’a jamais été sans tension, et de nombreux phénomènes sont à l’œuvre qui conduisent à repenser à nouveau frais le rapport que la culture entretient avec l’individuel et le collectif, et partant, avec les questions d’identité et d’appartenance.
La société française est plus diversifiée qu’il y a quelques dizaines d’années, ce qui est sans aucun doute une richesse. Mais si le fait que chacun puisse se sentir appartenir à plusieurs groupes ou communautés constitue un atout pour le collectif global, toute crispation identitaire, dans laquelle les individus s’assimilent totalement et de façon univoque à un groupe, est porteuse de conflits. Le terme même d’identité est ainsi ambivalent, puisqu’il désigne, en fonction de son contexte d’utilisation, la singularité d’une personne ou sa réduction à un même enfermant.
Dans le même temps, les effets de la globalisation des échanges économiques sont exacerbés par l’économie numérique et le marketing ultra personnalisé qu’il permet. La course à la différenciation sociale par la consommation de biens et de produits symboliques conduit paradoxalement à une massification des pratiques culturelles, et à une « production industrielle des différences », aboutissant à ce que les personnes soient finalement dessaisies de toute réelle singularité et s’enferment dans des communautés de goûts et d’opinions. Par ailleurs, les opérations de profilage que le numérique permet et qui peuvent être utiles aux opérateurs culturels dans leur stratégie de conquête de publics, réduisent l’individu à quelques caractéristiques et l’enferment dans un statut de consommateur.
Enfin, les nombreuses tensions économiques, environnementales et géopolitiques produisent sur nos sociétés des phénomènes qui trouvent des traductions très concrètes sur le plan culturel. L’anxiété, qui favorise les réflexes de repli sur soi, peut se traduire culturellement par un rejet de tout ce qui peut être perçu comme exogène et donc menaçant. La colère aussi grandit, nourrissant un rejet en bloc de l’héritage des Lumières, de l’universalisme et des valeurs culturelles et éthiques qui leur sont associées.
Dès lors, comment se rassembler sans forcément se ressembler ?
Les défis sont nombreux et on ressent la difficulté à traduire ces enjeux en politiques publiques culturelles. Dans ce contexte complexe et mondialisé, comment penser des propositions, des dispositifs et des lieux qui permettent de faire dialoguer de manière féconde identités et altérités, aux différentes échelles où chaque citoyen doit pouvoir désormais penser son rapport au monde et construire sa vie ?
L’enjeu est de permettre à chacun de s’accomplir, c’est-à-dire de façonner sa forme de vie propre, de construire sa singularité tout en favorisant la relation aux autres, pour sortir d’une culture du narcissisme ou du clan, qu’il soit ou non consenti.
Les acteurs culturels ont à cet égard un rôle majeur à jouer, en aidant à prendre conscience que tout dialogue culturel est nécessairement une traduction, puisqu’il n’y a jamais de « même » pur, ni « d’autre » absolument autre, d’autant que les terrains de dialogue sont multipliés, impliquant de nombreux enjeux, de lieux de vie, de classes, de genres, de corps, d’imaginaires...
Enfin, pour penser notre humanité en ce qu’elle est de part en part culturelle, nous devons également porter attention à notre rapport à ceux que nous nommons les non-humains, avec lesquels nous multiplions, sans en avoir toujours pleinement conscience, les interactions, voire les hybridations. Nous sommes ainsi confrontés à la nécessité de repenser notre conception de l’humanité, certes singulière dans la chaîne du vivant, mais infiniment interdépendante de celle-ci. De même, nos technologies semblent développer une autonomie et une puissance qui interrogent en miroir notre identité.
Comment nous positionner dans ces bouleversements? C’est dans le choix de la liberté de création, la transmission des savoirs, et l’attention à la multiplicité où se tissent nos liens que nous pouvons reprendre langue. C’est tout l’enjeu des politiques culturelles, à l’heure où nous sommes amenés plus que jamais à admettre notre interdépendance au niveau planétaire.
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Calendrier de la session
9 modules de septembre 2024 à octobre 2025 : 5 à Paris, 4 en région
Optionnel : 2 journées du réseau des auditeurs, en décembre et en juin, ouvertes aux auditeurs de la session en cours et à ceux des Sessions précédentes
MODULE 1 – Séminaire d’ouverture
12, 13, 14 septembre - Ouverture au Ministère de la Culture puis séminaire hors de Paris
Reconnaître la multiplicité des identités, définir et interroger l’identité culturelle : les grands enjeux et défis des sujets d’identités et altérités et leur traduction en politiques publiques culturelles.
MODULE 2 - Dialogue des cultures
10, 11 octobre 2024 - Paris et Hauts-de-France
Comment favoriser le dialogue des cultures, reconnues dans toutes leurs dimensions, sur nos territoires ? Comment penser les phénomènes de migration et les identités conjuguées qui en résultent ? Quelle place et quel rôle pour la langue française et les langues de France, facteur d’inclusion autant que d’influence ? Tant d’enjeux à la fois proprement culturels et diplomatiques qui seront explorés dans ce deuxième module.
MODULE 3 – Enjeux européens et internationaux
14, 15, 16 novembre 2024 - France et Etranger
Dans quelle mesure l’Europe des régions se fabrique-t-elle aussi dans les régions transfrontalières, viviers de coopérations entre pays européens et source de projets stimulants ? Ce troisième module explorera ces enjeux et abordera conjointement les identités de territoire, les frictions et les fiertés qu'elle génèrent, et le levier d’attractivité qu’elles représentent.
MODULE 4 – Média et industries culturelles
4 et 5 décembre 2024 - Paris
Ce quatrième module sera consacré aux récents bouleversements que traversent les médias et les industries culturelles avec l’avènement de l’intelligence artificielle qui transforme entièrement la fabrique de l’information mais développe également un nouveau modèle d’art numérique.
Journées du réseau ouverte aux anciens auditeurs (facultative)
6 décembre - Paris
MODULE 5 - Création artistique : cultiver les singularités
9 et 10 janvier 2025 - Hors de Paris
En quoi la scène artistique actuelle s’est-elle emparée des enjeux d’identités, faisant de la création le moyen d’expression d’une singularité au même titre qu’un endroit de fabrication de l’altérité ? Ce cinquième module bénéficiera de la participation d’acteurs diversifiés (école d’art, tiers lieux, lieux labellisés, artistes du spectacle vivant) pour interroger le déploiement de ces enjeux au cœur de la création contemporaine.
MODULE 6 - Patrimoines
6 et 7 février 2025 - Paris
Le modèle et le rôle du musée universaliste occidental est-il remis en question à l’aune des sujets d’identités ? Comment penser la mondialisation culturelle mais également les enjeux de restitutions des œuvres aux pays d’origine ? Les institutions patrimoniales se sont-elles saisies de la question de la revalorisation des identités invisibilisées ?
MODULE 7 – Entreprise et culture
13 et 14 mars 2025 - Paris
Ce module traitera du lien entre entreprise et culture en évoquant le monde de la mode mais en explorant également le rôle des fondations d’entreprise et les nouveaux modèles d’entreprenariat culturel.
MODULE 8 – Convergence des problématiques culturelles sur un territoire
14, 15, 16 mai 2025 - Région Auvergne - Rhône Alpes
Un territoire ne peut se réduire à une délimitation administrative, c’est un écosystème composé d’interrelations qui en constitue la richesse. Habiter un territoire c’est travailler les correspondances et soigner les liens entre soi et les autres et l’équilibre des milieux. C’est ainsi mettre immédiatement en jeu son identité avec les autres êtres. Accompagner et construire l’émergence de nouvelles politiques culturelles territoriales, c’est, quelles que soient les échelles, prendre et donner le temps de révéler et d’écouter ces écosystèmes. C’est aussi recréer des espaces et cadres de coopération pour penser ensemble une nouvelle approche culturelle des territoires. Un défi à la fois humain, institutionnel et politique. Explorations en Auvergne-Rhône-Alpes.
Journées du réseau ouvertes aux anciens auditeurs (facultatives)
13 et 14 juin 2025 - Hors de Paris
MODULE 9 – Séminaire de clôture et restitution des rapports
9, 10 octobre 2025 - Paris
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