Les maîtres d’œuvre
Intervenir sur un monument historique nécessite de recourir dans certains cas à une maîtrise d’œuvre qualifiée.
Le choix de ces maîtres d’œuvre est effectué par le propriétaire du monument historique, selon les règles qui lui sont propres, sous le contrôle scientifique et technique de l’État.
Les maîtres d’œuvre
Le choix d’un maître d’œuvre des travaux sur un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques est conditionné par le type de protection (inscription ou classement) et pour les immeubles classés par le type de travaux (réparation, restauration, modification) et par la nature du propriétaire.
Un maître d’œuvre spécifique est requis pour les travaux sur les orgues protégés au titre des monuments historiques.
Entre 2005 et 2009, les textes en matière de maîtrise d’œuvre des travaux sur les monuments historiques ont été mis en conformité avec le droit européen.
La maîtrise d’œuvre des travaux de restauration sur un immeuble classé au titre des monuments historiques
Pour les immeubles classés appartenant à l'État, qu’ils soient ou non remis en dotation à ses établissements publics ou mis à leur disposition, le maître d’œuvre des travaux de restauration est l’architecte en chef des monuments historiques territorialement compétent par arrêté du ministre de la Culture (article R. 621-27 du code du patrimoine).
Pour les immeubles classés n’appartenant pas à l’État (article R. 621-28 du code du patrimoine), le maître d’ouvrage choisit librement le maître d’œuvre (sous réserve des procédures de mise en concurrence qui lui sont éventuellement applicables), sous le contrôle scientifique et technique de l’État, parmi les catégories d’architectes suivantes, désignées sous l’appellation « d’architectes qualifiés » :
- les architectes en chef des monuments historiques, y compris l’architecte en chef territorialement compétent ;
- les architectes ressortissants d’un État membre de l’Union européenne (y compris la France) ou d’un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen, établis dans l’un de ces États et répondant aux conditions requises pour être inscrits à un tableau régional de l'ordre des architectes en vertu des dispositions de l'article 10 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 ainsi qu'à celles pour se présenter aux épreuves du concours institué par le 2° du I de l'article 2 du décret n° 2007-1405 du 28 septembre 2007.
Les compétences de l'architecte sont considérées comme suffisantes et nécessaires lorsqu’elles satisfont aux conditions cumulatives lui permettant de se présenter à l'entretien du jury pour le concours sur titres d’accès au corps des architectes en chef des monuments historiques, c’est-à-dire :
- Répondre aux conditions pour être inscrit à un tableau régional de l’ordre des architectes en vertu des dispositions de l’article 10 de la loi du 3 janvier 1977;
- Être titulaire d’un diplôme de spécialisation et d’approfondissement mention « architecture et patrimoine » ou de tout autre diplôme de niveau équivalent ;
- Justifier d’une activité professionnelle régulière dans le domaine de la restauration du bâti ancien pendant les dix années qui précèdent l’ouverture de la consultation.
Dans le cas de diplômes présentés comme équivalents au DSA mention « architecture et patrimoine », la direction régionale des affaires culturelles interroge systématiquement la direction générale des patrimoines et de l'architecture (sous-direction des monuments historiques et des sites patrimoniaux) afin de vérifier l'équivalence du diplôme présenté.
Concernant la troisième condition, l’architecte devra justifier d'une activité professionnelle régulière pendant les 10 ans précédant sa candidature dans le domaine de la restauration du bâti ancien, soit comme salarié dans une agence ou un organisme public ou privé intervenant sur des édifices historiques, soit à titre libéral.
Ces conditions cumulatives visent la compétence d’une même personne physique, comme l’a confirmé le tribunal administratif de Montpellier par un jugement n° 1503113 du 21 septembre 2017.
Candidature présentée par une personne morale : les sociétés peuvent également candidater à de tels marchés de maîtrise d’œuvre, à condition de disposer en leur sein d’un architecte remplissant les conditions cumulatives précédemment citées .
Le tribunal administratif de La Réunion a en effet jugé dans une ordonnance n° 1801183 du 30 janvier 2019 qu’« aucune disposition n’impose que l’architecte spécialisé soit associé majoritaire ou qu’il exerce un mandat social au sein de la société d’architecte mandataire du groupement candidat ».
Dès le choix du maître d'œuvre et dans tous les cas avant la signature du contrat et le dépôt de la demande d'autorisation de travaux, le maître d’ouvrage communique au préfet de région (DRAC / CRMH), les justifications de nature à établir que la formation et l'expérience professionnelle du maître d'œuvre choisi attestent des connaissances historiques, architecturales et techniques nécessaires à la conception et à la conduite des travaux sur l'immeuble faisant l'objet de l'opération de restauration.
La maîtrise d’œuvre des travaux de réparation sur un immeuble classé au titre des monuments historiques
Pour les immeubles classés appartenant à l'État, ministère de la Culture, les travaux de réparation de ces immeubles sont proposés, en accord avec les services utilisateurs, par l'architecte des bâtiments de France territorialement compétent, qui en assure la maîtrise d'œuvre.
Pour les autres immeubles classés appartenant à l'État, ils peuvent aussi être assurés par un architecte fonctionnaire titulaire du diplôme de spécialisation et d'approfondissement en architecture, mention « architecture et patrimoine ».
Pour les immeubles classés remis en dotation aux établissements publics de l'État, ces travaux sont proposés et la maîtrise d'œuvre est assurée soit par l'architecte des bâtiments de France territorialement compétent, soit par un architecte urbaniste de l'État spécialité "patrimoine" affecté à l'établissement public.
Pour les immeubles classés n'appartenant pas à l'État, le maître d'ouvrage choisit le maître d’œuvre parmi les architectes titulaires du diplôme de spécialisation et d’approfondissement en architecture mention « architecture et patrimoine » ou de tout autre diplôme reconnu de niveau équivalent. L’appréciation de cette équivalence sera assurée également par la direction générale des patrimoines et de l'architecture (sous-direction des monuments historiques et des sites patrimoniaux).
Sur décision du préfet de région et à la demande du propriétaire ou de l'affectataire domanial, l'architecte des Bâtiments de France peut assurer, à titre exceptionnel, la maîtrise d’œuvre de ces travaux de réparation dans les trois cas suivants :
- situation de péril pour les immeubles, c’est-à-dire lorsqu’il existe un risque immédiat et soudain d'atteinte irréversible ;
- danger imminent pour les personnes ;
- lorsque le maître d'ouvrage établit n'avoir pu trouver de maître d'œuvre public ou privé compétent. Cette carence ne peut être établie, pour les personnes soumises au code de la commande publique qu’après mise en œuvre des procédures de publicité et de concurrence prévues par ce code et selon les modalités qu'il prévoit. Ainsi, la carence sera établie en référence à l'article R. 2122-2 du code la commande publique, c'est-à-dire lorsqu'aucune candidature ou aucune offre n'a été déposée dans les délais prescrits, soit seules des candidatures irrecevables ou des offres inappropriées ont été présentées.
Écoles délivrant un diplôme de spécialisation et d'approfondissement en architecture mention « architecture et patrimoine »
École de Chaillot (Cité de l'architecture & du patrimoine)
École nationale supérieure d'architecture de Paris-Belleville
La maîtrise d’œuvre des travaux de modification sur un immeuble classé au titre des monuments historiques
Ces travaux comprennent tous les travaux qui ne sont ni d'entretien (l’annexe 1 de la circulaire relative à la maîtrise d'œuvre des travaux sur les monuments historiques classés et inscrits précise la nature des travaux d’entretien), ni de réparation ni de restauration, c’est-à-dire les constructions nouvelles dans un monument historique. Ils comprennent notamment les travaux de restructuration, d'aménagement, d'équipement ou d'installations techniques.
Lorsque les travaux envisagés par un propriétaire, ou un affectataire public, incluent une modification au sens de l'article L. 621-9 du code du patrimoine :
- si la part de travaux neufs est accessoire, ces travaux sont inclus dans la mission de l'architecte spécialisé (l’architecte en chef des monuments historiques ou l’architecte « qualifié » tel que défini précédemment pour les travaux de restauration) ;
- si les travaux neufs sont prépondérants, les missions de maîtrise d'œuvre correspondant à ces travaux sont attribuées par le maître d'ouvrage à un maître d'œuvre de son choix dans le respect des règles applicables. Lorsqu'ils sont de nature à avoir un impact sur l'intérêt protégé de l'immeuble (c’est-à-dire l'intérêt d'art ou d'histoire ayant justifié la protection au titre des monuments historiques), les services de l’État définissent les contraintes architecturales et historiques à respecter.
Si l'impact est tel qu'il justifie le suivi d'un spécialiste du patrimoine, il est recommandé d'attribuer une mission spécifique sur le traitement des parties classées à un architecte qualifié soit par un marché séparé, soit en intégrant cette mission au marché global de maîtrise d'œuvre.
La définition d'accessoire et de prépondérant ne se réfère pas uniquement à la valeur économique des travaux mais à leur impact sur le monument. Le respect de l'intégrité de l'édifice est alors pris en compte au travers de la définition des contraintes architecturales dans le programme et tout au long de l'opération par les services chargés du contrôle scientifique et technique.
La maîtrise d’œuvre des travaux sur un immeuble inscrit au titre des monuments historiques
Dès lors que des travaux sur un monument historique immeuble inscrit sont soumis à permis de construire au titre du code de l’urbanisme, le recours à un architecte est obligatoire sous peine d’irrecevabilité de la demande de permis de construire.
Le recours à l’architecte n’est pas obligatoire pour les personnes physiques, les exploitations agricoles ou les coopératives d'utilisation de matériel agricole agréées qui déclarent vouloir édifier ou modifier pour elles-mêmes (article R. 431-2 du code de l'urbanisme) :
- une construction à usage autre qu'agricole dont la surface de plancher n'excède pas cent cinquante mètres carrés ;
- une construction à usage agricole ou les constructions nécessaires au stockage et à l'entretien de matériel agricole par les coopératives d'utilisation de matériel agricole dont à la fois la surface de plancher et l'emprise au sol n'excèdent pas huit cents mètres carrés ;
- des serres de production dont le pied-droit a une hauteur inférieure à quatre mètres et dont à la fois la surface de plancher et l'emprise au sol n'excèdent pas deux mille mètres carrés.
Le recours à l'architecte n'est pas non plus obligatoire pour les travaux soumis au permis de construire qui portent exclusivement sur l'aménagement et l'équipement des espaces intérieurs des constructions et des vitrines commerciales ou qui sont limités à des reprises n'entraînant pas de modifications visibles de l'extérieur (article L. 431-3 du code de l'urbanisme).
Aucune exigence particulière de qualification de l'architecte appelé à intervenir sur un monument historique immeuble inscrit n’est requise.
Il est recommandé au maître d’ouvrage de vérifier que le maître d'œuvre, sélectionné suivant les règles applicables au propriétaire, possède les compétences requises pour intervenir sur des travaux similaires et un immeuble comparable.
Il peut être proposé au propriétaire ou maître d’ouvrage, dans le cadre du contrôle scientifique et technique des services de l’État chargés des monuments historiques, de réaliser des études de diagnostic et de maîtrise d’œuvre de même type que celles mises en place pour la restauration des immeubles classés. Ces études peuvent, au même titre que les travaux, faire l’objet d’une aide financière du ministère de la Culture.
Lorsque les travaux de restauration à réaliser sur les parties classées d'un immeuble atteignent une partie inscrite qui en est indivisible, la mission de maîtrise d'œuvre sur les parties inscrites est confiée à l'architecte spécialisé tel que défini aux articles R. 621-27, R. 621-28, R. 621-29, R. 621-30 et R. 621-31 du code du patrimoine.
La maîtrise d’œuvre des travaux sur un orgue classé ou inscrit au titre des monuments historiques
En application du code du patrimoine, une maîtrise d’œuvre qualifiée est obligatoire pour les travaux de modification, de réparation ou de restauration sur les orgues classés ou inscrits ou sur les parties non protégées des orgues partiellement protégés.
En application de l’article R. 622-59 du code du patrimoine : « La maîtrise d'œuvre des travaux de réparation, de relevage et de restauration entrepris sur les buffets et parties phoniques des orgues classés et inscrits ainsi que sur les parties non protégées des orgues partiellement protégés est assurée :
1° Soit par un technicien-conseil agréé par l'État dans les conditions prévues par décret ;
2° Soit, sur une opération donnée, par un ressortissant français, ou par un ressortissant d'un autre État membre de l'Union européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen établi dans un de ces États, dont la formation et l'expérience professionnelle, à temps plein ou à temps partiel, acquise sur des opérations récentes de réparation, relevage et restauration d’orgues à caractère patrimonial en France ou à l'étranger, attestent des connaissances historiques, techniques et administratives nécessaires à la conception et à la conduite des travaux faisant l'objet du contrat de maîtrise d'œuvre. Lorsque ni l'activité, ni la formation conduisant à cette activité ne sont réglementées dans l'État dans lequel ils sont légalement établis, ils doivent l'avoir exercée dans un ou plusieurs États membres pendant au moins un an au cours des dix années qui précèdent la prestation. (...) ».
L'article R. 622-59 du code du patrimoine précise les modalités de déclaration de première prestation dans le cas d’un exercice occasionnel en France et les conditions d’accès partiel à l’activité professionnelle relevant de la profession de techniciens-conseils agréés pour les orgues protégés au titre des monuments historiques, profession réglementée au sens de la directive 2005/36/ CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles.
La sélection du maître d’œuvre des travaux sur un orgue propriété publique se fait après mise en concurrence en application du code de la commande publique. La rémunération du maître d’œuvre se fait sur honoraires et à titre libéral, pour l'étude préalable par prix fixe (forfait, ajustable ou révisable).
Voir aussi
MIQCP médiations n°21 : Maîtrise d’ouvrage publique et opération de travaux sur monument historique
Conseil national de l'ordre des architectes - Modèle de marché public de maîtrise d’œuvre (Construction neuve et réhabilitation) adapté au CCAG-MOE
Conseil national de l'Ordre des architectes - Les contrats types pour la commande privée
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