Cher Claude Bolling,
Pianiste, compositeur, arrangeur et chef d'orchestre, vous êtes l'un des
musiciens les plus réputés du monde, les plus prolixes de votre génération.
Et pourtant, après tant de succès, vous êtes resté cet homme simple, fidèle
à lui-même, avec une pointe d’enfance dans le regard.
Votre histoire est d’abord celle d’un coup de foudre, enfant, sur les
Champs-Elysées, avec un 78 tours de Black and Tan fantasy et Creole
Love Call par Duke Ellington. Le grand Duke deviendra votre modèle et
votre maître. A cette époque, vous n’imaginez pas que vous allez être
amené à interpréter ses musiques, puis à le rencontrer, qu’il vous fera
monter sur scène pour jouer avec son orchestre et que vous deviendrez
son ami, que vous deviendrez pour Mercer, son fils, « Brother Bolling ».
C’est votre grand-mère, dont vous étiez très proche, qui vous enseigne
alors le piano. À Nice, sur la promenade des anglais, vous vous imprégnez
du rythme et des sons du jazz à la grille de l'hôtel Ruhl. L’un de vos
premiers professeurs de piano, Marie-Louise Colin, séduite par votre don
exceptionnel pour l’improvisation et consciente que vous ne vivez que pour
la musique, vous envoie étudier à Paris.
Vos premiers pas sur scène ont lieu très vite à la salle Pleyel devant un
public d'initiés qui ressort fasciné par votre talent. A l'âge de 15 ans à
peine, vous remportez le tournoi des amateurs organisé par Jazz Hot et le
Hot Club de France à Paris devant des candidats adultes, dont Eddy
Barclay. Dans la foulée, vous devenez le plus jeune sociétaire de la
SACEM. Vous créez alors votre première formation avec quelques jeunes
musiciens de talent, enregistrant ainsi votre premier disque à dix-huit ans.
Viendra ensuite l’aventure des caves de Saint-Germain, avec votre grand
ami Boris Vian. La première d'une longue série fut le Tabou, rue Dauphine,
puis vous ferez les beaux soirs de tous les établissements à la mode : le
Club Saint-Germain, le Vieux Colombier, le Caveau de la Huchette…
autant de lieux emblématiques d'une activité « jazzistique » intense. Vous
devenez ainsi l’une des personnalités les plus en vue du monde du jazz,
sollicité par les solistes américains de passage en France, recherché pour
participer aux concerts de Rex Stewart, Buck Clayton, Lionel Hampton,
Albert Nicholas, Roy Eldridge…
Votre carrière prend très vite une dimension nouvelle. Vous rêviez de
New York, New York, vous espériez un jour jouer en Amérique, berceau
du jazz, vous vous imaginiez dans un club ou une petite salle : il en fut
tout autrement. Votre premier concert aux Etats-Unis a lieu au Carnegie
Hall, en février 1976, sous l'instigation de Jean-Pierre Rampal. Ce soir-là,
en compagnie de votre grand ami, vous avez joué La Suite pour Flûte et
Jazz Piano Trio que vous aviez écrite pour lui et qui remportait un
immense succès outre-Atlantique. Cette réalisation reflète parfaitement
votre ambition de parvenir, avec cette « Crossover Music » que vous avez
créée, au mariage subtil entre syntaxes du jazz et de la musique
classique. Les plus grands noms du classique se font les interprètes de
vos oeuvres, comme Alexandre Lagoya, Maurice André, Pinchas
Zukerman, Yo Yo Ma, parmi tant d’autres.
Pianiste et compositeur polyvalent, vous excellez également dans la
variété. Plusieurs artistes célèbres vous confient la direction musicale de
leurs réalisations. Parmi eux, on compte Sacha Distel, Jacqueline
François, Juliette Greco, Henri Salvador, Brigitte Bardot. Vous avez
également animé dans les années soixante les grandes émissions
télévisées de variétés d'Albert Raisner, de Maritie et Gilbert Carpentier, de
Jean-Christophe Averty…
Claude Bolling, c’est aussi l’homme des musiques de film, dont les
thèmes resteront à jamais marqués dans nos mémoires du grand et du
petit écran. Je pense, parmi tant d’autres titres, à l’inoubliable Borsalino,
où votre musique porte le jeu de Jean-Paul Belmondo, d’Alain Delon et de
Michel Bouquet. Je pense bien sûr aux Brigades du Tigre dont le succès
et les multiples rediffusions doivent beaucoup à un générique aussi
mémorable que les bandes originales de Lalo Schifrin outre-Atlantique.
Claude Bolling, c’est aussi l’homme des formations multiples, et surtout du
Big Band, depuis 1956 déjà qui ne cesse d’être invité sur tous les
continents, en rencontrant un immense succès auprès d'un public large,
conquis par le caractère populaire du jazz. Vos albums parviennent à
accueillir les plus grandes personnalités du jazz, chanteurs comme
instrumentistes. Votre rencontre avec Stéphane Grappelli en 1991 dans
l'album First Class qui remportera un Django d'Or restera sans doute l’une
des plus belles aventures du jazz de ces vingt dernières années.
Derrière ces multiples succès, il y a bien sûr un considérable travail
technique, des gammes aux répétitions, fait de constance et de discipline
quotidienne. Boris Vian disait de vous : « Ecoutez Claude Bolling, c'est la
réponse idéale à ceux qui vous disent le Jazz, ce n'est pas de la
musique ». C’est ce que fait le monde depuis plusieurs décennies
maintenant. Vous figurez, aux côtés de Django Reinhardt et de Stéphane
Grappelli, parmi les grands ambassadeurs itinérants d’une empreinte
française sur le jazz, au profit d’une réconciliation entre musique savante
et musique populaire.
Cher Claude Bolling, au nom du Président de la République et en vertu
des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons Officier dans
l’ordre de la Légion d’honneur.
Chère Nicole Croisille,
En vous honorant aujourd’hui, c’est un peu l’esprit du music hall et de la revue, mais aussi une artiste complète que nous distinguons. Chanteuse, danseuse, mime, comédienne au cinéma et au théâtre, vous êtes à l'aise sur toutes les scènes.
Fille d’une pianiste et d'un directeur d'une agence de tourisme, vous montrez, dès votre plus jeune âge, de grandes dispositions pour la danse et le chant. Adolescente, parallèlement à vos cours de dactylographie, vous suivez des cours de Danse Classique avec des professeurs de l’Opéra de Paris, ainsi que les cours du mime Marceau, avec qui vous allez d’ailleurs effectuer votre première tournée en Europe et dans les Amériques du Nord et du Sud.
Vous êtes avant tout une « soul sister » comme aiment à le rappeler les musiciens avec lesquels vous vous produisez.
Votre carrière manifeste la trace de l’Amérique dans la culture européenne du XXe siècle depuis l’arrivée des soldats américains à Brest en 1917 jusqu’au Be-Bop dans les caves de Saint-Germain à la Libération. Vous êtes engagée comme danseuse professionnelle dans la revue de Joséphine Baker à l’Olympia de Paris, et pour les ballets du Bourgeois Gentilhomme, ainsi que les autres comédies-ballets de Molière à la Comédie Française ; puis vous participez à la comédie musicale L'apprenti fakir écrite par Jean Marais pour laquelle il crée aussi les décors et les costumes. Vous aimez aussi chanter les standards de Jazz dans l'ambiance chaleureuse des clubs parisiens .
La chanson vous amènera à travailler avec de nombreux artistes, qui apprécient votre voix chaude et puissante. En 1961, vous enregistrez votre premier disque, une reprise de Halleluya, I love her so de Ray Charles, puis vous reprenez Nous les amoureux créé par Jean-Claude Pascal avant de chanter en première partie de Jacques Brel à l'Olympia. Vous restez ensuite un an en tant que meneuse de revue dans un spectacle des Folies Bergère. présenté à New York au Broadway Theater.
A votre retour en France, vous faites l'une des rencontres les plus importantes de votre carrière : celle du cinéaste Claude Lelouch par l’intermédiaire de Pierre Barouh et du compositeur Francis Lai. C’est le début d’une collaboration fidèle et fructueuse. La chanson de Un homme et une femme et ses célèbres Chabadabada, que vous interprétez en duo avec Pierre Barouh, remporte un immense succès international, dont un disque d'or aux Etats-Unis. Mélodie fredonnée, mélodie de toujours qui traduit la place de la chanson dans nos univers sensibles, ces chansons qui font souvent référence à des instants de vie ou des moments fugitifs et qui sont toujours ces « petites madeleines » qui affleurent à la mémoire. En 1968, Marcel Carné vous fait enregistrer, pour le film Les jeunes loups, I'll never leave you sous le pseudonyme de Tuesday Jackson.
Servie par de grands auteurs et compositeurs tels que Pierre Delanoë, Claude Lemesle ou Pierre Bachelet, qui vous écrivent des chansons à la mesure de votre talent, vous vous affirmez véritablement dans les années 70. Vous conquérez par votre charme la France entière avec des chansons tendres comme Parlez-moi de lui, Une femme avec toi, La Garonne, Téléphone-moi, Emma. C'est le temps de la consécration et du succès. Le public ne s'y trompe pas et vous fait une standing-ovation mémorable lors de votre première à l'Olympia en septembre 1976. Vous vous produisez de nouveau dans la mythique salle deux ans plus tard avec le même succès.
Vous enregistrez des albums à un rythme soutenu. Tous vos albums, de Croisille 80 à Paris Montréal, enregistré au Québec, en passant par la reprise que vous faites du Blues du businessman,(extrait de la comédie musicale « Starmania »), sont plébiscités par le public. En 1988, vous revenez à vos premières amours, le jazz, qui vous fascine depuis votre adolescence et le temps où vous chantiez dans les clubs de jazz de Saint-Germain-des-Près, à Chicago et Denver.
Vous sortez l'album Black et blanche en 1990, comme en clin d'oeil à vos sources d'inspiration métissées. Ce nouvel album donne lieu à un spectacle au Casino de Paris que vous produisez vous-même et où vous chantez aux côtés de 40 choristes sénégalais. Vous éprouvez le désir de surprendre votre public et de vous surprendre vous-même, et vous choisissez de vous lancer dans de nouvelles expériences sur scène. Ainsi, vous jouez dans la comédie musicale Hello Dolly au Théâtre du Châtelet mais également dans Folle Amanda de Barillet et Grédy. Au théâtre, vous multipliez également les succès.
A travers vous, je veux rendre hommage à cette chanson de langue française qui façonne notre quotidien, qui est aussi, de manière permanente, « l’invention d’une tradition ». Pour vous, celle du jazz et des rythmes, des ghettos noirs américains. En 2006, vous rendez un brillant hommage à Claude Nougaro dans un nouveau spectacle intitulé Nougaro, le jazz et moi que vous présentez à Paris et en province. Fidèle à votre goût pour les musiques chaleureuses et colorées, vous enregistrez l'album Bossa d'hiver composé par Daniel Mercure sur des rythmes brésiliens.
Vous êtes aussi une femme de cœur et d’engagement. Parallèlement à une carrière artistique extrêmement riche, vous vous investissez dans des causes qui vous tiennent à coeur, comme la lutte contre le cancer, le Sida, et contre les violences faites aux femmes. Vous menez ces combats avec la discrétion, la modestie, mais aussi l’abnégation que l’on vous connaît.
Chère Nicole Croisille, au nom du Président de la République et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons Chevalier dans l’ordre de la Légion d’honneur.
Chère Mina Agossi,
Just Like a Lady. Difficile à croire, en voyant votre jeunesse, qu’il y a déjà
vingt ans de carrière derrière la grande voix du jazz que vous êtes
devenue.
Votre mère, coopérante, vous emmène pendant votre enfance au Niger,
au Maroc, en Côte d’Ivoire, en Espagne: elle vous apprend l’itinérance.
Puis, l’étudiante bretonne et béninoise que vous devenez à Besançon se
fait un soir inviter dans un bar à improviser sur quelques blues : vous vous
prêtez au jeu et c’est la révélation. Votre premier concert du 26 mars 1992
est aussitôt suivi de dates programmées jusqu’en Suisse et même en
Suède. La détermination vous porte sur tous les fronts : vous vous
essayez au swing en Bretagne dans un groupe que vous quittez quand
vous commencez à découvrir de nouveaux horizons musicaux, peuplés
par Miles Davis, Keith Jarrett et Björk. Vous chantez partout où vous
pouvez chanter : prisons, clubs, boîtes de striptease, rien ne vous arrête
dans votre volonté de devenir chanteuse.
En 1995, votre rencontre avec le contrebassiste Vincent Guérin est
décisive. Avec lui, vous posez les bases de ce qui deviendra votre style et
sortez un premier album intitulé Voice et Bass. Cet album, dans lequel
vous livrez notamment une version marquante de Manic Depression de
Jimi Hendrix, sera récompensé par le Prix jeunes talents autoproduits de
la FNAC. Ce début prometteur vous offre la possibilité de vous
perfectionner auprès de grandes dames du jazz vocal comme Jeanne Lee
qui vous encourage à affirmer votre personnalité et vous initie aux voies
du free, ou comme Sheila Jordan, à Boston, qui vous fait découvrir le
potentiel intimiste de votre voix.
En 1999, vous vous installez définitivement dans la capitale française et
dirigez pendant un an des jams sessions avec le batteur Philippe
Combelle au Caveau des Oubliettes, célèbre club de jazz parisien. Votre
duo réalise, en 2000, l’album « Alkemi » qui vous permet d'entrer dans le
sérail très select des chanteuses de jazz parisiennes. Ce n’est rien moins
qu’Alain Gerber, l’un des grands patrons de la critique de jazz, qui vous
décerne cinq diapasons d'or, tandis que Jazz Magazine donne à votre
album le titre de « Disque d'émoi ». Avec vos deux premiers disques, vous
arrivez à vous imposer, ce qui est rare, sur la seule base du duo.
Cette reconnaissance vous encourage à passer à la composition. Avec
l’envoûtant album live « E-Z Pass to Brooklyn », Archie Shepp voit l’étoile
en devenir qui est en vous dans votre performance très personnelle sur
Duke Ellington et Jimi Hendrix. Votre prochain album, Carrousel, poursuit
cette exploration de la voix sur le seul accompagnement d’une batterie et
d’une basse, sans instrument harmonique.
Archie Shepp, c’est aussi l’ami qui vous prend sous son aile aux débuts
des années 2000. Depuis, vous avez développé une collaboration
récurrente avec le quartet du saxophoniste. Un autre ange gardien
éminent, Ahmad Jamal, sera lui aussi captivé par votre travail et vous
aidera à développer votre carrière aux Etats-Unis.
Vos albums ne cessent dès lors d’étonner et de surprendre. Dans votre
album « Well You Needn’t », qui obtient de nombreux prix, vous calez
votre groove sur une rythmique de basse et de batterie, vous conviez
également des invités comme le trompettiste Rob Henke et le
percussionniste Bachir Sanogo. Les consécrations se suivent : vous êtes
nommée Talent ADAMI, puis aux victoires du Jazz l’année suivante et
enfin vous participez au festival de jazz de Montréal, tout en donnant de
très nombreux concerts à travers le monde.
En scat ou en ballades, vous réinterprétez, en plus de vos propres
compositions, les titres des plus grands artistes du jazz vocal. Votre
version de Voodoo Child fascine notamment par votre capacité à recréer
les sons de la guitare d’Hendrix. Vous devenez maîtresse de ce qu’Alex
Dutilh préfère appeler le « dérangement », plutôt que l’arrangement. Votre
dernier album Just Like a Lady, chez Naïve, en est la marque, lui qui
reprend tous les genres musicaux que vous avez explorés jusque-là, en
passant de Jimi Hendrix et Bobby Lapointe à vos propres compositions et
à vos improvisations, avec des reprises qui feront date de And I Love Her
des Beatles et d’Águas de Março de Tom Jobim.
Votre voix émet à ce croisement des nouveautés et des réminiscences qui
caractérisent l’esprit du jazz. Elle porte déjà dans le monde entier.
Chère Mina Agossi, au nom du Président de la République, nous vous
faisons Chevalier dans l’Ordre National du Mérite.
Cher Patrice Gélinet,
Passionné d’histoire, professeur admiré, grand homme de radio, vous
êtes, pour nous tous, la voix envoûtante de « 2000 ans d’histoire » qui
nous fait découvrir, jour après jour, les siècles passés, avec toujours cette
même fraîcheur.
Après vos études supérieures en lettres et en histoire à l’Université de
Paris-Sorbonne et à l’Institut d’études politiques de Paris, vous
commencez votre carrière professionnelle en 1971 comme professeur
d’histoire, tout d’abord au cours Pollès, puis au Cours Charlemagne, où
vous enseignerez avec un plaisir toujours renouvelé. Vos jeunes élèves,
votre premier public pourrait-on dire, sont alors déjà conquis par votre
façon si personnelle d’enseigner l’histoire. Ces 25 ans passés sur les
estrades d’écoles, à transmettre votre savoir aux jeunes générations,
furent pour vous un vrai bonheur. Parallèlement à cette activité, vous
exercez le métier de journaliste au Figaro ainsi qu’à la revue « L’appel ».
A partir de 1984, vous devenez également producteur d’émissions pour
France-Culture sur des sujets difficiles qui vous tiennent à coeur, tels que
la guerre d’Algérie, les premiers résistants, ou la guerre d’Indochine. Vous
poursuivez avec ténacité et dynamisme votre carrière d’auteur et
producteur pour le service radiophonique public en créant deux émissions
qui feront date : « L’Histoire en direct » et « Le Grand débat ». Vous y
laissez une place nouvelle aux témoignages et aux débats, ouvrant ainsi
le dialogue avec le public. En 1996, vous rejoignez France Inter où vous
produisez et présentez une émission historique quotidienne « Les jours du
siècle », avec, toujours, cette même mission de diffusion de la
connaissance dont vous vous êtes investi.
Michel Boyon, conquis par vos qualités, vous offre une grande opportunité
de mettre à profit votre talent. Vous êtes nommé directeur de France
Culture, fonction que vous occupez pendant deux années. Vous défendez
l’idée d’une radio plus « accessible », au profit d’une démocratisation de la
culture. Tout en souhaitant garder ce qui fait l’identité de la chaîne,
vecteur et acteur de la vie culturelle française, vous cherchez à en faire un
espace plus ouvert, un lieu ouvert à tout le monde et à tous les sujets.
De retour à France Inter en 1999, vous créez, en collaboration avec un
groupe de spécialistes, « 2000 ans d’histoire », une émission diffusée
quotidiennement et dont l’objet est de relater et de faire découvrir aux
auditeurs différentes périodes de l’histoire. « 2000 ans d’histoire », que
vous présentez toujours aujourd’hui, c’est aussi le succès extraordinaire
que l’on sait auprès des auditeurs, succès démultiplié par les nouvelles
possibilités offertes par le podcast. Vous êtes parvenu, par cette grande
émission, à redonner aux Français le goût de l’histoire, à faire renaître
dans les esprits un regain d’intérêt pour la matière commune de notre
passé proche et lointain. La chronologie, les mouvements sociaux, les
grandes figures de l’histoire font désormais partie, grâce à vous, du
quotidien des auditeurs, pour leur plus grand plaisir.
Excellent journaliste, vous vous êtes vu décerner de nombreuses
distinctions prestigieuses : le grand prix de l’Académie Charles Cros en
1987, le prix Ondas de 1989, le grand prix de la Société civile des auteurs
multimédia de la Scam en 1991, le prix Vauban de l’Institut des hautes
études de défense nationale (IHEDN), le prix du Comité français de
l’audiovisuel en 1995, et plus récemment, en 2002, le prix franco-allemand
du journalisme.
Vous êtes l’une des voix marquantes de l’histoire politique, sociale et
culturelle de notre pays. Vous avez su, pendant toute votre carrière, et à
travers des activités diverses, mettre votre culture et votre savoir-faire au
service des grands services publics culturels de qualité. Faire de l’histoire
un objet populaire pour les auditeurs, pour qu’ils puissent se réapproprier
au quotidien un passé commun et le mettre en débat. C’est une
démarche, comme vous le savez, qui me tient particulièrement à coeur.
Face à un futur qui suscite la peur, l’inquiétude, face à un avenir de plus
en plus vécu sur le mode de l’apocalypse imminente, où de la catastrophe
toute proche – ce que François Hartog décrit comme le changement du
« régime d’historicité » - il me semble essentiel de faire en sorte que la
transmission de la mémoire bénéficie d’instruments adaptés.
C’est donc avec un très grand plaisir, cher Patrice Gélinet, qu’au nom de
la République française, nous vous faisons Officier dans l’Ordre des Arts
et Lettres.