Mesdames et messieurs,
Chers amis,
La confiance.
C’est de confiance que je veux vous parler aujourd’hui.
Lorsqu’on m’a invité à participer à cette journée, lorsqu’on m’a invité à réfléchir aux médias de demain, c’est à ce mot que j’ai pensé.
La confiance, sur laquelle repose notre société.
Une confiance, aujourd’hui menacée.
Cette confiance, qu’il nous faut à tout prix restaurer.
A l’heure du numérique et des réseaux sociaux, à l’heure de l’abondance des contenus et des modes d’expressions, certains prédisent la disparition du journalisme, l’affaiblissement inéluctable des médias qu’on qualifie encore de « traditionnels ».
La disparition de ce métier, je n’y crois pas.
Ma conviction profonde, c’est que les bouleversements actuels renforceront au contraire l’information professionnelle.
Ils vont lui donner un rôle plus important encore.
Et c’est mon rôle, en tant que ministre de la Culture, de tout faire pour permettre ce renforcement.
Un nouveau paysage de l’information en France se construit.
Dans ce nouveau paysage, la confiance doit être au centre.
La loi contre la manipulation de l’information, adoptée avant-hier, est une première pierre.
Elle était nécessaire.
Parce que les fausses informations sont un « poison lent ».
Sur Facebook, sur Twitter, elles se diffusent plus rapidement, plus massivement que les vraies.
Elles brouillent les frontières entre le vrai et le faux.
Elles alimentent la crise de confiance : envers les journalistes, les médias ; envers les institutions, le politique et la démocratie.
Elles instaurent un climat de méfiance – et je dirais même de défiance – permanente, face à l’information.
Une information fausse finit toujours par être démentie. Mais entretemps, le mal est fait ; le doute s’installe.
Il nous faut lutter.
Cette loi nous donne certaines armes nécessaires pour combattre les infox, notamment en période électorale.
Elle pose les bases d’une meilleure responsabilisation des plateformes. Cette responsabilisation est indispensable.
Au cours des débats sur cette loi, un consensus est apparu sur la nécessité de travailler à la création d’une instance de déontologie de la presse.
La majorité des grandes démocraties qui nous entourent disposent d’un tel outil.
Chez nos voisins, il associe généralement journalistes, éditeurs et société civile, et veille au respect des règles déontologiques, souvent en publiant de simples avis, sans exercer de pouvoir de sanction.
Je pense profondément qu’une telle instance peut être utile, tant à la profession qu’à notre démocratie.
Une mission a été confiée sur ce sujet à Emmanuel Hoog, ancien président de l’AFP.
Il me remettra d’ici fin janvier des propositions opérationnelles.
Leur mise en œuvre pourrait, j’en suis convaincu, contribuer à restaurer le lien de confiance entre les Français et les médias.
Un lien que Reporters sans Frontières s’attache à défendre, au quotidien.
Je tiens à saluer leur appel à la signature d’un « Pacte international sur l’information et la démocratie ».
Ce Pacte propose que l’espace mondial de l’information soit considéré comme un bien commun de l'humanité.
Un espace dont les acteurs – les journalistes – ont des responsabilités : en matière de neutralité, de pluralisme, de redevabilité.
Un espace où les individus – vous, moi, nos concitoyens – ont droit à une information indépendante, plurielle et fiable.
L’appel de RSF n’a pas été vain.
Nous l’avons entendu. Et nous ne sommes pas les seuls.
Il y a quelques jours, lors du forum de Paris sur la Paix, 12 chefs d’Etat et de gouvernement, dont le président de la République, ont lancé l’initiative pour l’information et la démocratie.
Plus qu’une simple déclaration, c’est un symbole.
Le symbole que les Etats sont nombreux, à travers le monde, à défendre les médias.
A défendre ceux qui produisent l’information, et ceux qui la reçoivent.
Je tiens également à saluer la « Journalism Trust Initiative », dispositif d’autorégulation des médias lancé par RSF et ses partenaires (AFP, UER notamment), qui vise à lutter contre la désinformation en ligne.
C’est en favorisant le respect des processus de production journalistique qu’on luttera efficacement contre les fausses informations.
Pour tous ceux qui produisent une information fiable et de confiance, un acteur est essentiel en France.
Il s’agit de l’Agence France Presse.
C’est la troisième agence de presse mondiale. C’est le champion français de l’information.
Je tiens à saluer le travail et l’engagement de tous ses collaborateurs, en France et aux quatre coins du monde.
Son rôle est central pour assurer la qualité et la véracité de l’information.
Aujourd’hui, l’AFP doit faire face à d’importantes mutations. L’Etat accompagnera sa transformation : 2 millions d’euros supplémentaires seront mobilisés à cet effet, dans le budget 2019 de mon ministère.
L’Etat mènera aussi la transformation d’un autre de nos grands médias : l’audiovisuel public.
Nous en ferons un média puissant, plus numérique.
Un média d’excellence, qui devienne la référence en Europe.
Un média plus proche des Français.
Car c’est de la qualité et de la proximité que naît la confiance.
La qualité, c’est celle, notamment, des émissions d’investigation.
Elle est au cœur des missions de l’audiovisuel public.
Cette mission, l’audiovisuel public la remplit de manière admirable.
D’après un sondage IPSOS publié en juin, nos concitoyens font confiance au journalisme télévisé sur ce sujet.
Ils plébiscitent Envoyé Spécial et Cash Investigation, les programmes d’Elise Lucet – que je tiens à saluer.
L’investigation s’illustre ici, dans la maison ronde, par la cellule investigation de Radio France.
Et je crois que c’est à la lumière de la violence des attaques politiques dont les journalistes d’investigation font parfois l’objet, qu’on peut mesurer le rôle fondamental qu’ils jouent dans notre démocratie.
Tous ces programmes, nous devons continuer à les développer.
Mais l’audiovisuel public n’en a évidemment pas le monopole.
Je veux à ce titre saluer les enquêtes du journal Le Monde, et son partenariat avec le consortium international des journalistes d’investigation.
Sur les Panama Papers, les Paradise Papers, les LuxLeaks, les Swiss Leaks, les Football Leaks : les journalistes français ont su prendre leurs responsabilités. Je veux les en remercier.
La proximité, cela veut dire des médias qui ressemblent aux Français, dans leur diversité.
Pour que nos médias parlent à tous, il faut que nos médias parlent de tous.
La question de la représentation est d’une importance capitale.
On ne peut pas montrer nos territoires et nos quartiers, dans nos JT, uniquement quand ils vont mal.
On ne peut pas parler de la Réunion uniquement quand il y a des troubles.
Sur ce sujet précis, les choses doivent changer.
Les choses vont changer.
Nous travaillons, avec un groupe de parlementaires et France Télévisions, pour améliorer la visibilité des Outre-mer sur la télévision publique.
Pour parler, enfin, de l’Outre-mer comme on parle de l’Hexagone.
Si nous voulons la diversité à l’écrit et à l’écran, les médias ont d’abord besoin de diversité dans leurs rangs.
Sur cette question comme sur celle de l’égalité entre les femmes et les hommes, les médias ont un devoir d’exemplarité.
Les femmes sont aussi nombreuses que les hommes à avoir une carte de presse, mais elles sont moins responsabilisées et moins bien payées.
C’est notre responsabilité d’y remédier.
De prévenir les discriminations. De permettre à toutes et à tous l’accès à la profession de journaliste.
Depuis 2017, le ministère de la Culture travaille étroitement avec les écoles de journalisme :
- Pour veiller à l’accès des femmes à toutes les professions du journalisme,
- Et pour que leurs enseignements intègrent la vigilance nécessaire à l'égard de toutes les formes de discrimination.
Tout n’est pas parfait. Nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir.
Mais, alors que se tient la 22e Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées, je veux saluer les efforts des médias français.
En interne, les accords d’entreprise conclus par TF1, par France Télévisions sont des signes encourageants pour l’inclusion des personnes en situation de handicap.
Les programmes qui les mettent en valeur se multiplient, sur le service public, sur les chaînes privées.
Ils peuvent changer les regards. Ils peuvent, à terme, changer des vies.
Mesdames et messieurs,
Chers amis,
La défiance n’est pas une fatalité. Je refuse qu’elle le soit.
Nous avons toutes les cartes en main pour réinsuffler de la confiance. Entre nos concitoyens et les médias. Et, plus largement, dans notre société tout entière.
Les transformations que nous engageons, les changements que nous initions, le paysage qu’ensemble nous bâtissons :
Tout cela nous y aidera.