Présente-t-on encore Pierre Soulages ? A 99 ans, le peintre de l’Outrenoir, qui va être accueilli au musée du Louvre à partir du 11 décembre, consécration suprême, et va faire l'objet d'un accrochage passionnant au Centre Pompidou, n’a jamais dévié de son cap, entre abstraction, matière et lumière. Il revient, dans un entretien accordé à Connaissance des Arts, sur le rôle qu’a joué le ministère de la Culture dans la conception du musée qui porte son nom, à Rodez. Extraits.
Mes liens avec l’État et les musées étaient inexistants, au début de ma carrière. En France, mon travail – et surtout mes brous de noix – a été vu pour la première fois grâce à la galerie Lydia Conti en 1949. La première aide de l’État a été pour ma décoration de la pièce de Roger Vailland, Héloïse et Abélard, et le premier achat d’œuvre date de 1950. C’est Pierre Daix (qui pourtant était communiste et l’on sait que les communistes étaient opposés à l’art abstrait) qui, le premier, a noté que mes œuvres jouaient non pas avec le noir mais avec la lumière.
Beaucoup plus tard, il y a eu la grande commande des vitraux de Conques passée par l’État. Au début ce ne devait être que les vitraux du transept mais Dominique Bozo, qui était alors passé du Centre Pompidou au ministère de la Culture, a vite compris qu’il fallait une unité pour un lieu aussi important et j’ai fait les cent quatre vitraux de l’abbatiale Sainte-Foy de Conques de 1987 à 1994.
Des vitraux de l’abbaye de Conques à la conception magistrale du musée de Rodez
Pendant ce temps-là, le maire de Montpellier, Georges Frêche, me poursuivait pour que je fasse quelque chose dans sa ville. Il m’a proposé plusieurs fois de créer un musée à mon nom mais j’ai toujours refusé. Il a enfin suggéré que l’on construise une nouvelle aile au musée Fabre en 2007. Avec Colette, ma femme, nous avons fait une donation d’une vingtaine d’œuvres et j’ai participé à l’accrochage avec les équipes du musée. Puis, il y a eu le projet de Rodez avec le musée dessiné par les Espagnols RCR Arquitectes. Celui-ci abrite désormais mes brous de noix, des peintures, des gravures et les quatre-vingt-seize cartons des vitraux de Conques.
J’ai accepté que le musée de Rodez porte mon nom à la condition qu’il y ait 500 mètres carrés pour d’autres artistes et que je ne sois pas impliqué dans leur sélection. Si les institutions parisiennes n’ont pas été très actives au début, elles se sont rattrapées ensuite. En 1979, dans le tout nouveau Centre Pompidou, j’ai présenté mes premières peintures noires. Suzanne Pagé au musée d’Art moderne de la Ville de Paris a monté une rétrospective au parcours inversé, en 1996 et le Centre Pompidou a fait, lui aussi, une grande exposition en 2009. Enfin, en 2019, pour mes cent ans, une exposition rétrospective sera organisée au Louvre.
Propos recueillis à Sète par Guy Boyer, directeur de la rédaction de Connaissance des Arts (mai 2019)
60 ans d'action, 60 ans de projets, 60 ans de passion
Rétrospectif, singulier et prospectif : c’est sous ce triple prisme que Connaissance des Arts a choisi de porter, dans un numéro hors-série à paraître le 12 septembre, un regard à la fois informé et distancié sur les 60 ans du ministère de la Culture. Un regard pluriel, donc, alternant faits marquants – des maisons de la culture au pass Culture, en passant par la loi sur le prix unique du livre, la création de la Fête de la musique ou la défense de l’exception culturelle – et témoignages de personnalités emblématiques, comme Natalie Dessay, Renaud Capuçon, Blanca Li, Philippe Starck, Agnès b. ou Bérénice Béjo. Un entretien avec Franck Riester, actuel titulaire du portefeuille de la Rue de Valois, permet de faire le point sur les grands défis de demain.
"Le ministère de la Culture a 60 ans", hors-série n°884 de Connaissance des Arts, septembre 2019, 9 € www.connaissancedesarts.com
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