En 2012, à Saint-Satur, une épave a été signalée par des riverains, M. et Mme Boursin. Elle se trouve en amont immédiat d’une des piles du pont mixte d’époque gallo-romaine, côté rive droite, en face de Saint-Thibault.
Ce bateau a navigué sur la Loire au XIVe ou au XVe siècle et a terminé sa course contre les vestiges d’une des piles du pont romain, qui, à cette époque, formait peut-être un obstacle. Il transportait une cargaison d’une quarantaine de blocs sortant de carrière car ils ne sont travaillés que sur une ou deux faces. Avec les pierres, on a également trouvé des ardoises, des chaussures en cuir, un maillet en bois ainsi que deux objets métalliques (une gouge et un fer de bâton de quartier).
L’épave de Saint-Satur représente un potentiel inédit pour la connaissance de l’architecture navale du bassin de la Loire à la fin du Moyen Âge, pour l’histoire de la circulation des matériaux sur le fleuve et la vie quotidienne des mariniers de cette époque. Pour cette raison, il a été décidé de la fouiller entièrement au cours d’une campagne qui a eu lieu en août 2017.
Pour arriver à réaliser le relevé complet de la coque afin d’en faire une étude architecturale (avec calcul de la capacité de charge, restitution 3D), les blocs qui constituent la cargaison ont été enlevés un par un à l’aide d’une pelle mécanique. Ils ont été déposés sur la plage pour les étudier, avant de les remettre en place lorsque le relevé de la coque a été achevé.
Des échantillons de pierre ont été prélevés pour détermination, ainsi que des ardoises, et des morceaux de bois qui se trouvaient déjà détachés de l’ensemble pour analyse dendrochronologique. Ces études sont en cours et tous les résultats seront disponibles début 2019.
La fouille et l’étude de l’épave de Saint-Satur mettent en lumière les relations des sociétés du passé avec le milieu fluvial, et plus particulièrement comment la géologie et l’hydrologie ont influencé les activités humaines au fil des siècles. La présence de matériaux particuliers (gisements d’ardoises et de calcaire) ont en effet conduit à la mise en œuvre de leur extraction, puis à la construction de bateaux adaptés pour leur transport et leur commercialisation dans le bassin ligérien. La charpenterie navale permet également d’aborder la question de l’exploitation des forêts riveraines et des mousses végétales employées pour étanchéifier les embarcations.
Le patrimoine archéologique conservé dans les chenaux de la Loire est très fragilisé et reste inaccessible au plus grand nombre de par sa position dans l’eau, ou sur des plages et des îles. Il apparaît au gré des caprices de la Loire et de ses crues qui le dégagent et le font disparaître très rapidement en raison de la violence du courant. Les archéologues doivent faire preuve d’une grande réactivité lorsque des vestiges comme ceux de l’épave de Saint-Satur apparaissent. Ce bateau ne pourra sans doute pas être conservé car il faudrait pour cela le sortir entièrement du sable et de l’eau, puis l’acheminer vers un laboratoire spécialisé dans le traitement des bois. Sans ce traitement, les matières organiques gorgées d’eau disparaissent au séchage. Actuellement, nous ne disposons pas des moyens pour envisager cette action, ni d’un musée susceptible de pouvoir ensuite accueillir cette épave ; aussi, c’est la raison pour laquelle nous avons choisi de la fouiller, de la mesurer très précisément afin de pouvoir en faire une restitution virtuelle 3D qui pourra être montrée au public, et éventuellement servir, plus tard, à la réalisation d’une maquette en bois, ou d’un bateau à l’échelle 1. Les petits objets découverts à l’intérieur de la coque ont été prélevés et sont en cours de stabilisation pour être conservés hors de l’eau.
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Equipe : Annie Dumont, ministère de la Culture (DRASSM) ; Philippe Moyat, ETSMC et UMR6298, archéologue-plongeur, restitution 3D ; Marion Foucher, UMR6298, étude de la cargaison de pierres et d’ardoises ; Alexandre Polinski, UMR6566 – CReAAH, analyse de la pierre ; Gérard Mazzochi, président de l’association La Tête dans la Rivière ; Christophe Fraudin, cadreur, réalisateur, Du Nord au Sud.TV ; Céline Bonnot-Diconne, laboratoire 2CRC - traitement et étude des cuirs et matières végétales ; Catherine Lavier, ministère de la Culture, étude dendrochronologique ; Murielle Bonnet, archéologue bénévole.
Cette étude de l'épave est effectuée dans le cadre d'une fouille programmée, autorisée et subventionnée par la DRAC Centre-Val de Loire, service régional de l'archéologie.
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