Un peu d'histoire
La politique nationale en faveur des monuments historiques trouve ses fondements durant la période révolutionnaire, où apparaît une prise de conscience de l’importance du patrimoine monumental français et de la nécessité de sa préservation.
Dès les premières années de la Révolution, émerge la notion de conservation des « monuments » anciens pour des raisons d’art et d’histoire, dans l’intérêt de la Nation, en particulier au moment de la vente des biens nationaux. Dans sa lutte contre le « vandalisme », l’abbé Grégoire, député conventionnel, s’oppose à la destruction de certains lieux emblématiques de l’histoire de France. Le contrôle des travaux sur les édifices publics est mis en œuvre par le Conseil général des bâtiments civils, créé dès 1795.
Historiquement, « monument » vient du latin monumentum, dérivé du verbe moneo (se remémorer). La notion de monument historique concerne, au moment de la Révolution, tout ce qui fait et doit faire mémoire et à ce titre s’applique aussi bien aux édifices et aux objets d’art qu’aux archives.
Le premier inspecteur général des monuments historiques, Ludovic Vitet, définit ainsi, dans son rapport au roi de 1831, les missions qui lui sont confiées :« Constater l'existence et faire la description de tous les édifices du royaume qui, soit par leur date, soit par le caractère de leur architecture, soit par les événements dont ils furent témoins, méritent l'attention de l'archéologue, de l'artiste ou de l'historien, tel est le premier but des fonctions qui me sont confiées ; en second lieu, je dois veiller à la conservation de ces édifices, en indiquant au gouvernement et aux autorités locales les moyens soit de prévenir, soit d'arrêter leur dégradation. De ces deux missions, la première est toute scientifique, et les résultats, ce me semble, n'en peuvent être consignés que dans le catalogue raisonné des monuments de France, que je suis chargé de dresser ; quant à la seconde, elle est, à vrai dire, administrative ; aussi c'est spécialement à son sujet que je vais avoir l'honneur de vous entretenir » (Rapport à M. le ministre de l’Intérieur, 1831, p. 2-3 ; publié dans « Études sur les beaux-arts, essais d'archéologie et fragments littéraires », T. II, Paris, 1847)
Pour la protection et l’entretien du patrimoine bâti, la France crée, en 1837, la Commission des monuments historiques, qui donne des avis et des orientations sur les interventions à mener sur les monuments classés.
Le classement au titre des monuments historiques provient de l’instruction faite aux préfets des départements de « classer par ordre de priorité » les monuments de leur territoire, prioritaires pour recevoir des aides de l’État en vue de leur conservation. La Commission des monuments historiques triait dans les propositions faites, agréait ou corrigeait les interventions prévues et validait le choix des maîtres d’œuvre, architectes départementaux ou architectes diocésains, architectes issus du prix de Rome, tous de formation classique. Les premières listes de monuments classés par la Commission sont publiées en 1840 et 1862 (cette dernière liste comporte plusieurs monuments privés).
Le contrôle des travaux de restauration s’est développé au XIXe siècle par voie de circulaires ou instructions (1841, 1849…) précisant comment devaient être approuvés et mis en œuvre les travaux, en particulier dans les cathédrales.
La loi du 30 mars 1887 pour la conservation des monuments et objets d’art ayant un intérêt historique et artistique permet de déployer l’organisation administrative (décret de 1889), la réforme de la Commission des monuments historiques (1889) et la création d’un corps d’architectes spécialisés (1893). Dans le même temps, la création de la chaire d’architecture, confiée à Anatole de Baudot, et de l’École de Chaillot permet de former les architectes-restaurateurs en les rendant indépendants de la formation de l’École des beaux-arts.
À la suite de la loi de séparation des Églises et de l’État (9 décembre 1905), le décret du 12 avril 1907 (complété par le décret du 19 mars 1913) portant statut des architectes en chef des monuments historiques intègre dans ce corps les anciens architectes des édifices diocésains : le service des Édifices diocésains est dissous et les cathédrales, propriété de l’État, sont affectées, par « mesure d’ordre » « au service de l’administration des beaux-arts » par le décret du 4 juillet 1912
La protection au titre des monuments historiques, issue pour l’essentiel, sous sa forme actuelle, des dispositions de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques, constitue une servitude d’utilité publique. La plateforme Mémoloi (Mémoire des lois patrimoniales) est consacrée à l'histoire de la Loi de 1913.
Du monument historique au site patrimonial
Trente ans après la loi de 1913, en 1943, un périmètre de protection est mis en place aux « abords » des monuments historiques, assorti d’un régime de contrôle des travaux effectués dans ce périmètre. À partir de la création du corps en 1946, l’architecte des Bâtiments de France est chargé d’assurer ce contrôle. Cette prise en compte de l’environnement du monument historique s’inscrit dans la lignée des lois de 1906 et 1930 sur les sites. Le souci de préserver de manière globale les ensembles urbains se concrétise avec la loi de 1962 sur les secteurs sauvegardés puis celles créant les ZPPAUP (1983) et les AVAP (2010), désormais réunis dans les « sites patrimoniaux remarquables » depuis 2016.
Le « service des monuments historiques »
Au cours du temps, les missions de protection et de conservation assurées par l’État se sont progressivement structurées autour du « service des monuments historiques ». Ce dernier a favorisé l’évolution des techniques de haut niveau propres aux métiers de la conservation.
Après la Seconde Guerre mondiale, les évolutions essentielles concernent la déconcentration des missions au fur et à mesure de la création des services déconcentrés (conservations des bâtiments de France à partir de 1948, puis conservations régionales des monuments historiques dans les directions régionales des affaires culturelles à partir de 1978) et sont marquées par les grandes « lois de programme » des années 1960. En 1970, une loi institue les commissions départementales des objets mobiliers, sur le modèle des commissions départementales des sites. Les années 1980 voient naître les commissions régionales (COREPHAE puis CRPS). L’ordonnance de 2005 et les décrets de 2009 modernisent la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’oeuvre et remplacent la notion de surveillance par celle du contrôle scientifique et technique de l’État, explicitant le rôle permanent des agents de l’État en matière de conseil et expertise auprès des propriétaires, publics ou privés.
La loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (loi LCAP) de 2016 crée les ensembles historiques mobiliers, la servitude de maintien dans les lieux, les sites patrimoniaux remarquables, les domaines nationaux, les commissions régionales du patrimoine et de l’architecture (CRPA) et la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture (CNPA).
La modernisation des services, la déconcentration, la décentralisation, l’adaptation au droit communautaire des métiers du patrimoine n’ont pas sensiblement modifié les principales missions assurées par l’État en faveur des monuments historiques et des sites patrimoniaux remarquables.
L’ensemble des dispositions législatives (depuis 2004) et réglementaires (depuis 2011) sont détaillées dans le livre VI du Code du patrimoine.
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