Le 16 décembre 2013, William Rendu et ses collaborateurs ont publié dans la revue PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences of the United Sciences of the America) un article présentant de nouveaux éléments prouvant l’existence d’une inhumation intentionnelle à La Chapelle aux Saints.
Depuis la découverte de l’Homme de la Chapelle aux Saints en 1908 par les abbés Bouyssonie, l’existence de sépultures chez Neandertal a été interprétée comme la preuve de la modernité de son comportement et de l‘étendue de ces capacités cognitives. Cependant, plusieurs travaux récents ont remis en question certaines des inhumations identifiées, arguant que ces découvertes avaient été réalisées au début du XXe siècle avec des méthodes de fouilles inadaptées, ne permettant pas de soutenir de telles interprétations, et proposant une hypothèse alternative : l’ensevelissement naturel.
Or, cette dernière décennie a vu se succéder des travaux soutenant l’hypothèse de comportement symbolique chez cet hominidé, notamment avec l’utilisation intensive de pigments (Pech de l’Aze I en France, Maastrich aux Pays-bas…), la collecte de coquillages (grotte Anton et Las aviones en Espagne), l’utilisation de plumes décoratives (à Fumane en Italie, à Gibraltar) ou de griffes de rapaces (à Combe-Grenal et aux Fieux en France). Dans ce contexte, il était essentiel de reconsidérer le comportement de l’Homme de Néandertal face à la mort.
Ainsi, un programme de recherche alliant de nouvelles fouilles archéologiques à La Chapelle-aux-Saints et un réexamen taphonomique des restes humains découverts au début du XX° siècle a été initié en 1999 par Thierry Bismuth (MCC – DRAC - SRA Limousin), puis poursuivi par Cédric Beauval (SARL Archéosphère), William Rendu (CNRS) et leurs collaborateurs sous la supervision du Service Régional de l’Archéologie du Limousin.
Les travaux ont démontré que la bouffia Bonneval (cavité dans laquelle a été découvert le premier squelette néandertalien considéré comme témoignant d’une sépulture) faisait partie d’un complexe de sept grottes le long d’une même ligne de falaise. L’étude des différents niveaux archéologiques a permis de caractériser l’environnement dans lequel avaient évolué différents groupes néandertaliens et de proposer une première attribution chronologique de l’occupation de la falaise. Différentes occupations de chasseurs de rennes et de bisons se sont succédées de 60 ky BP à 40 ky BP au moins. Parfois, les cavités ont été fréquentées par de grands carnivores, comme l’Hyène des cavernes qui a laissé de nombreuses traces dans plusieurs grottes.
La reprise des fouilles dans la bouffia Bonneval en 2011 a permis de retrouver la fosse dans laquelle le squelette a été découvert et d’établir son origine anthropique. L’étude des restes osseux humains atteste également d’une protection rapide du cadavre alors que autres vestiges animaux semblent avoir été exposés assez longtemps à la surface du sol. Ces deux arguments, associés à l’existence de connexions anatomiques confirment ainsi l’hypothèse d’une inhumation volontaire. Par ailleurs, au cours de la fouille, les restes de trois nouveaux néandertaliens, deux enfants et un second adulte, ont été identifiés, suggérant une occupation assez longue du site par des groupes familiaux.
A ce stade des recherches, c’est non seulement l’existence d’une sépulture néandertalienne en Europe qui est démontrée mais c’est également l’émergence d’une pensée symbolique complexe au sein des populations moustériennes qui est documentée ; ces néandertaliens ont pris soin des leurs de leur vivant puis après leur trépas.
Le site de La Chapelle aux Saints avait été délaissé par la communauté scientifique. Ce travail, long (1999-2012) et minutieux, rappelle que ces sites archéologiques fouillés il y a un siècle peuvent encore participer au débat scientifique. Ils nécessitent donc une protection et la prise de mesures pour s’assurer de leur conservation à long terme.
Rendu W., Beauval C., Crevecoeur I., Bayle P., Balzeau A., Bismuth T., Bourguignon L., Delfour G., Faivre J.-P., Lacrampe-Cuyaubère F. Tavormina C., Todisco D., Turq A., Maureille B. 2013. Evidence supporting an intentional Neandertal burial at La Chapelle aux Saints. PNAS, 16 décembre 2013, doi:10.1073/pnas.1316780110.
L'article sur le site du PNAS : Evidence supporting an intentional Neandertal burial at La Chapelle-aux-Saints
Bibliographie complémentaire :
Beauval c., Bismuth Th., Mallye J.-B. et Berthet A.-L., (2007).La Chapelle-aux-Saints : 1905-2004. Un siècle de recherche. In, Evin J. (éd.), Un siècle de construction du discours scientifique en préhistoire, vol. III, XXVIème Cong. Préhist. De France, Avignon, 21-25.IX.2004. Paris : Soc. Préhist. Fr., pp. 197-214.
Maureille B. (2004) - Les origines de la culture : les premières sépultures. Paris : Le Pommier / Cité des Sciences et de l'industrie, p. 125.
Maureille B. et Vandermeersch B. (2007) - Les sépultures néandertaliennes. In : B. VANDERMEERSCH et B. MAUREILLE (éds) - Les Néandertaliens, biologie et cultures. Documents préhistoriques 23, Paris : C.T.H.S, p. 311-322.
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