ITINERANCES, PUBLICS, TERRITOIRES
Aguiche d'Arnaud Littardi
" En dépit des acquis de la décentralisation, des territoires, des publics n’ont pas accès à la culture. La ministre a lancé l’idée d’itinérance pour le leur ouvrir. Par ailleurs, la volonté de toucher à terme l’intégralité des jeunes en leur offrant la possibilité de vivre une triple expérience artistique et culturelle (voir, comprendre et pratiquer) donne à l’itinérance un objectif que la simple mobilité ne permet pas d’atteindre. Déjà plusieurs questions se posent :
- L’itinérance peut-elle n’être qu’une offre mobile ? Si tu ne viens pas à la culture, la culture ira à toi ? L’expérience des lieux traditionnels de monstration des arts et de la culture nous a appris qu’il ne suffisait pas d’ouvrir les portes pour que « les gens » entrent. Pourquoi suffirait-il d’aller vers eux pour qu’ils nous accueillent ?
- « L’offre culturelle », dût-elle prendre la forme du porte-à-porte, laisserait supposer qu’il existe une demande. N’y a-t-il pas là quelque présomption ? L’artiste-colporteur, dealer de la culture pour un public en manque ? En manque de quoi, de qui ?
- Aller vers « les gens », c’est aller à leur rencontre et non pas s’imposer, comble de l’impolitesse et de la prétention. La rencontre, aboutissement de l’itinérance ? Mais non pas la fin du voyage.
- Nous arrivons, nous avons quelque chose à donner, mais sommes-nous prêts à recevoir ? Le don n’est pas nécessairement généreux ; il crée de la dette pour celui qui l’accepte.Venons-nous avec notre provision de verroteries conquérir un territoire ou bien sommes-nous dans l’attente d’un échange?
- Itinérons, vagabondons, mais avons-nous prévu de rester ? Combien de temps ? Sommes-nous prêts à revenir ? Quelle trace allons-nous laisser ? Aurons-nous semé ? Que poussera-t-il derrière notre passage ? L’itinérance n’est pas seulement une question d’espace, c’est aussi une affaire de temps.
- Naguère, on aurait dit : « et Dieu dans tout ça ? ». Aujourd’hui, ce serait plutôt : « et le numérique ? » Si les territoires se définissent d’abord comme des réseaux d’interaction entre ceux qui y résident, c’est encore plus vrai aujourd’hui avec le numérique. Qu’est-ce qu’un territoire numérique ? Quelles formes d’itinérance, de rencontre, d’expérience artistique peuvent-elles advenir ?
Le cabinet de la ministre de la Culture a souhaité qu'en Nouvelle-Aquitaine, ainsi qu’en Bretagne, la DRAC et le Syndéac pilotent une réflexion sur les enjeux de l’itinérance, considérant qu’il ne suffit pas de mettre des artistes ou des œuvres dans un camion et de partir à l’aventure.
Comment sont affectés les processus de création, de production, de diffusion et de transmission ? Comment les dispositifs traditionnels de soutien et de financement doivent-ils être adaptés à ces processus ? De quelle ingénierie culturelle a-t-on besoin et comment la mettre en œuvre ? Quels critères retenir pour leur évaluation ? ".
Plus de soixante-dix professionnels de la culture, de toute discipline et tout horizon de Nouvelle-Aquitaine, ont répondu présents et animé, participé aux tables rondes dialoguées (voir programme ci-contre), sur l'accès à la culture, a médiation et la diffusion de la musique, de la danse, du théâtre; nourris des expériences menées à Tulle, Bordeaux, Niort, Arnac-la-Poste, Aubusson, en Poitou, en Charentes, en Limousin, et au-delà...
Cette première rencontre sur l'itinérance sera suivie d'un séminaire à la Maison Maria Casarès, à Alloue, le 5 juin prochain.
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