Le Musée de Picardie à Amiens, institution emblématique de la région, se devait d’initier le cycle des expositions d’art italien et d’accueillir les œuvres les plus anciennes des XIVe et XVe siècles. Ces tableaux, peu nombreux, sont peints sur bois et se caractérisent par leur grande fragilité alliée à une grande préciosité des techniques et du style.
La collection d’œuvres de Primitifs italiens la plus importante conservée en Picardie devant s’apprécier sur place au musée Condé à Chantilly – les œuvres ne peuvent quitter l’enceinte du musée conformément à la volonté du duc d’Aumale –, l’exposition amiénoise comptera vingt-deux panneaux présentés dans la chapelle néo-gothique du Musée de Picardie. Cet écrin architectural conçu lors de la construction du musée au milieu du XIXe siècle pour abriter ses collections d’antiquités religieuses retrouvera pour quelques mois sa vocation première et exposera des œuvres aux sujets essentiellement religieux, permettant ainsi d’illustrer les différentes écoles de la péninsule.
Giotto di Bondone (1267 ou 1266-1337), en insufflant à ses personnages naturalisme et individualité, est considéré comme le rénovateur de la peinture à Florence : ses deux panneaux d’un ancien polyptyque, Saint Etienne et Saint Jean, n’ayant pu être déplacés en raison de leur fragilité, sont présentés en marge de l’exposition à l’abbaye de Chaalis (musée Jacquemart-André). Jusqu’au début du XV e siècle, c’est le style élégant et précieux du gothique international qui domine.
Les motifs au poinçon de la Crucifixion d’Abbeville, magnifiquement restaurée à l’occasion d’"Heures italiennes", illustrent la finesse du travail mis en œuvre sur les petits panneaux de dévotion privée dont la commande se développe à la fin du Moyen Âge. Le triptyque de l’église d’Ermenonville, La Vierge à l’Enfant entourée de saints présente un dispositif caractéristique des tableaux d’autel de cette période : outre les panneaux principaux, on trouve en effet une prédelle 1 , des pilastres 2 et des gâbles 3 de styles et d’époques différents sans doute assemblés au XIXe siècle par des antiquaires pour répondre à la demande croissante du marché de l’art.
La suppression de l’encadrement doré avec son décor sculpté et ses colonnettes a en revanche morcelé le retable du napolitain Stefano Sparano (actif au début du XVIe siècle) en neuf éléments indépendants mais fort heureusement complets. Le retable sera présenté dans le cadre monumental avec lequel il est entré dans les collections du Musée de Picardie en 1911, s’élevant à trois mètres cinquante sous la voûte étoilée de la chapelle.
Sandro Botticelli (1445-1510) est à la tête d’un des plus importants ateliers florentins de la fin du Quattrocento assurant la diffusion d’une production de compositions circulaires appelées tondi, consacrées généralement au thème de la Vierge à l’Enfant (Chaalis) ; celles-ci sont répétées par des artistes encore anonymes comme le Pseudo Granacci (actif vers 1490-1525, Chaalis) ou le Maître du Tondo Campana (fin XV e siècle, La Fère). Luca Signorelli (vers 1450-1523), un élève d’Andrea del Verrocchio, est l’auteur d’une Sainte Famille qui a conservé son cadre original (Chaalis).
En marge des foyers plus innovants du centre de la péninsule, les seigneuries du Nord de l’Italie font perdurer les modèles esthétiques et thématiques locaux au travers de décors d’une grande finesse. À ce titre, l’exposition peut s’enorgueillir de la présence de quelques panneaux conçus pour orner les plafonds des palais lombards – Bonifacio Bembo (Chaalis) – encore empreints de la culture du gothique international. Non dépourvus d’attrait, les deux petits tondi décrivant l’Annonciation (La Fère) sont quant à eux des œuvres typiques de la première Renaissance piémontaise, incarnée par Gandolfino d’Asti (actif vers 1493-1510).
1 - Partie inférieure d’un retable, généralement divisée en plusieurs compartiments, figurant une série de petits sujets en relation avec le thème principal
2 - Panneaux verticaux disposés de part et d’autre du panneau central.
3 - Fronton pointu surmontant l’arc supérieur d’un retable.
Musée de Picardie 48 rue de la République 80000 Amiens Tel : 03 22 97 14 00 |
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