Archéologie des eaux douces
Lacs, marais, fleuves et rivières livrent des vestiges dont la chronologie large, de la Préhistoire récente à l’époque moderne, montre la permanence des activités humaines en relation avec les eaux douces. Ils fournissent une documentation exceptionnelle en permettant la conservation de matériaux périssables, habituellement disparus des sites strictement terrestres.
Palafittes, embarcations diverses, points d'eau... une grande variété de sites
Les stations palafittiques constituent une illustration et une cible véritablement emblématiques de l'archéologie des eaux intérieures. Situées à faible profondeur, elles furent identifiées dès le milieu du XIXe siècle et firent l’objet de récoltes par dragage, aussi fructueuses que dépourvues de toute préoccupation quant à l'analyse de leur contexte stratigraphique. Après des travaux précurseurs et de premières fouilles étendues, comme dans le lac de Paladru, le CNRAS puis le Drassm ont réalisé un travail systématique d’inventaire, de datation et d’évaluation des rivages lacustres alpins. L'excellent état de conservation de plusieurs sites du Néolithique et de l'âge du Bronze a amené leur inscription au titre du patrimoine mondial de l’Unesco. Les travaux actuellement en cours produisent des résultats originaux sur l'organisation de l'habitat et sur les relations homme-milieu. Menés en collaboration étroite avec les paléoenvironnementalistes, ils permettent de replacer ces habitats dans leur cadre climatique.
Plusieurs opérations ont également été consacrées à des épaves, chalands de transport et grande barque lémanique. L'inventaire est encore modeste en raison des difficultés à conduire des prospections dans les zones profondes. Cette situation pourrait cependant évoluer avec la mise en œuvre de moyens de détection électronique comme les sonars.
L’importance des gisements lacustres alpins ne doit pas faire oublier les autres plans d’eau pour lesquels un important travail de prospection reste à réaliser. C’est le cas des étangs landais, véritables lacs de barrage naturels ayant progressivement ennoyé des occupations humaines, et celui de petits lacs, tels ceux du Massif central, pour lesquels des fonctions cultuelles sont envisagées.
Complexe et changeant tant dans l’espace que dans le temps, le milieu fluvial ne peut être appréhendé par la seule archéologie subaquatique. Celle-ci n'est que l’un des moyens d’approche. Elle ne se conçoit que dans un cadre de compréhension élargi qui participe de l’hydrosystème, au sens où l'entendent les géographes. Le grand nombre d'activités humaines en liaison avec les cours d'eau est illustrée par la diversité des vestiges tant dans le lit mineur, où ils peuvent n’être que temporairement immergés, que dans le lit majeur :
> navigation : embarcations (pirogue, monoxyle assemblées, chaland, bac…) et aménagements (quais, cales, rampes, écluses, chemin de halage…) ;
> exploitation au sens large : pêche, extraction de matériaux, moulins, rouissage…
> maîtrise des écoulements : digues, canaux…
> franchissement : du simple gué au pont de bois et/ou de pierre.
Tout comme dans les lacs, l’approche du domaine fluvial se fait dans la continuité des problématiques « terrestres ». Elle implique également une synergie avec les équipes spécialistes des environnements anciens.
En regard de l’importance du chevelu hydrographique des fleuves et du territoire métropolitain, l’état des connaissances est encore partiel malgré l’implication de nombreuses équipes. Outre-mer il est très réduit alors que les potentialités de la Guyane sont démontrées par des découvertes fortuites et quelques travaux précurseurs.
À la croisée de la plongée et de la spéléologie, cavités karstiques et sources sont concernées par l’archéologie des eaux douces. Les types de sites et les conditions taphonomiques s’y avèrent variés : simple siphon barrant l’accès à une grotte ornée, reprise d’un gisement par des écoulements souterrains, puisage d’eau, lieu de culte… Les découvertes montrent que les jets cultuels dans les points d’eau s’inscrivent dans le temps long : objets durant la Protohistoire, monnaies antiques, épingles aux époques modernes (en liaison avec un rite de fécondité).
Protection, conservation, valorisation
La diversité, la qualité et l’intérêt des vestiges livrés par les eaux intérieures se doublent d’une grande fragilité. Les matériaux périssables nécessitent une prise en charge particulière tant pour leur prélèvement que pour leur conservation préventive. Le conditionnement et le stockage en chambre froide doivent être prévus avant toute opération si l'on ne veut encourir le risque de pertes irrémédiables.
Bien que considérés comme un patrimoine archéologique majeur, les sites des eaux intérieures sont soumis à des risques de destruction de plus en plus nombreux : marnage des plans d’eau, aménagement de rives, création de ports, recalibrage de cours d’eau, rétablissement de la continuité écologique, captage… Cette liste est loin d’être exhaustive. La capacité à anticiper ces atteintes et à y répondre passe, entre autres, par l'établissement d'une carte archéologique parfaitement renseignée, et par la formation d’une nouvelle génération de chercheurs. Ce sont là les défis auxquels il importe prioritairement de se confronter..
Partager la page