« Si l’on choisit ses amis », déplore l’adage, « on ne peut pas choisir sa famille ». Et pourtant... Les dix textes de cet ouvrage montrent qu’ici comme ailleurs, la volonté tient de plus en plus de place dans la création de la filiation.
Le détour par d’autres époques (Grèce classique, cf. Claudine Leduc) et d’autres sociétés (les Inuit de l’Arctique, cf. Bernard Saladin d’Anglure) est instructif : dans certains groupes océaniens qui distinguent résolument parenté biologique et parenté éducative, jusqu’à 70% des enfants ne sont pas élevés dans leur famille biologique ; mais, à l’inverse de nos sociétés, ni les enfants orphelins ni les couples stériles ne peuvent entrer dans ce circuit (cf. Monique Jeudy-Ballini).
Du fait de la revalorisation de la maternité, on ne trouve plus louable, comme dans la France de naguère, de « donner » son enfant à une famille plus aisée ou à un parent proche (cf. Agnès Fine). Dans le Québec d’aujourd’hui, adopter « au loin » des fillettes chinoises ou vietnamiennes a son lot d’avantages mais aussi de contraintes (cf. Françoise-Romaine Ouelette). L’adoption concerne aussi le père qui fait sien l’enfant né grâce au sperme d’un donneur anonyme (cf. Michèle Laborde-Barbanègre), ou encore les enfants non consanguins qui, vivant sous le même toit, finissent par s’adopter fraternellement, au sein de ces familles recomposées de plus en plus nombreuses (cf. Agnès Martial).
Dans l’entreprise, où on conjugue parenté réelle et parenté fictive (cf. Véronique Moulinié), on cherche, comme dans la famille, à forger des réseaux de relations privilégiées. On investit l’enfant qui porte votre prénom ou qu’on dit vous ressembler (cf. Bernard Vernier). Les passionnés de généalogie jettent leur dévolu sur tel ou tel de leurs ancêtres (cf. Sylvie Sagnes).
Quel rôle jouent ces « affinités électives » dans la construction de la parenté ? à l’heure où l’on veut réglementer plus strictement l’adoption internationale et repenser le droit de la famille, cet ouvrage éclaire notre système de filiation et ses récents bouleversements.
Agnès Fine est anthropologue, chercheure au sein du laboratoire Interdisciplinaire Solidarités, Sociétés, Territoires (LISST) au Centre d'anthropologie sociale (CAS) à l'Université Toulouse II-Le Mirail (France). Elle est également directrice d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS, Paris). Ses travaux de recherches portent sur la parenté sexes (parrainage, adoption, interdit de l’inceste, pluriparentalité, homoparentalité... et le genre (identités sexuées, écriture féminine, apprentissage corporel des sexes, homosexualités...).
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