Au terme d’une incroyable métamorphose qui en fait à la fois une œuvre d’art et un lieu dédié à l’art contemporain, le Château de Rentilly sera inauguré samedi 22 novembre. Fruit de la volonté commune de la Communauté d’agglomération de Marne et Gondoire et du Fonds régional d’art contemporain d’Île-de-France dont il devient le deuxième lieu d’exposition, il devrait rapidement s’imposer comme un lieu phare de la scène artistique. Aux commandes de cette réhabilitation aux côtés des architectes Bona-Lemercier et du scénographe Alexis Bertrand, Xavier Veilhan une nouvelle fois étonne : l’édifice est doté d’une façade-miroir qui reflète le parc qui l’entoure pour devenir une sculpture à l’échelle du bâtiment. Réalisée dans le cadre d'une commande publique du ministère de la Culture et de la Communication (Drac Ile-de-France), la magie de cette seconde peau opère instantanément.
Lorsque vous vous êtes lancé dans l’aventure de la réhabilitation du château de Rentilly, n’avez-vous pas été influencé par l’œuvre-exposition que vous avez réalisée au château de Versailles en 2009 ?
Il y a au départ, c’est certain, un même intérêt pour un bâtiment existant. Même si nous ne sommes pas à Rentilly dans la même configuration qu’à Versailles – où il s’agit d’un monument dans tous les sens du terme –, quelque chose ici m’a touché. Je me suis vite rendu compte qu’en dépit de sa relative valeur architecturale, les gens qui viennent se promener dans le parc sont très attachés au château. Il s’agissait donc d’être délicat et en même temps de faire un geste radical. C’est ce que les projets de Rentilly et Versailles ont le plus en commun, et l’idée aussi que nous apportons quelque chose sans rien retirer. A Versailles, l’un des enjeux, même si l’exposition jouait naturellement un rôle très important, était que l’on puisse se promener dans le château et le voir comme s’il n’y avait pas d’exposition à l’intérieur – autrement dit, de ne pas être intrusif mais dans le prolongement du travail de Le Nôtre et des grands architectes de Versailles. Même philosophie à Rentilly même s’il n’y a pas ce passé prestigieux et que l’on se trouve en quelque sorte à l’autre extrémité de l’idée de château. Le projet de Rentilly est ambitieux dans sa radicalité. Il est à la fois modeste et radical.
« Quand on voit le château de loin,
c’est comme si on avait un logotype tridimensionnel
qui était inséré dans le paysage »
Est-ce que ce n’est pas un peu sacrilège tout de même de recouvrir un bâtiment quand bien même celui-ci n’a pas une importante valeur architecturale ?
C’est à la fois sacrilège et, en même temps, c’est une célébration, une mise en valeur. Pensons à l’histoire de ce château. Il n’a cessé d’évoluer au fil du temps au gré de catastrophes, d’incendies, de réhabilitations. Avant qu’il ne brûle à la fin de la Seconde Guerre mondiale, il a été remanié plusieurs fois. Aujourd'hui, avec ce changement de forme, l’histoire en quelque sorte se prolonge. Si le choix avait été fait de le détruire ou seulement de le modifier, nous n’aurions pas été autant dans la lignée de son histoire.
Vous avez dit par le passé que vous aimiez anticiper le souvenir laissé par la visite d’un lieu, d’une exposition. N’y a-t-il pas de cela aussi dans ce projet ?
Ce parc est très beau et poétique, je voulais qu’il y ait en miroir une sorte de poésie du bâtiment. Même si celui-ci est très fonctionnel, sec – nous avons utilisé des matériaux presque industriels – c’est un bâtiment assez délicat. Il y a une volonté d’être dans un monde onirique, un monde qui se rapproche du souvenir que l’on peut avoir d’une visite, comme si c’était déjà une image rémanente, un dessin qui symboliserait autant l’idée du projet que ce que l’on va en garder. Quand on voit le château de loin, c’est comme si on avait un logotype tridimensionnel qui était inséré dans le paysage, quelque chose de simplifié, comme un souvenir.
Comment avez-vous travaillé avec l’architecte et le scénographe ?
C’était à la fois très simple parce que nous nous connaissons bien, que nous partagions cette même idée de mettre public et fonctions du bâtiment au centre du projet, mais aussi très compliqué en ce sens que nous n’avions aucun antécédent, aucune référence sur laquelle nous aurions pu nous reposer. Les entreprises qui sont intervenues sur le chantier ont toutes avancé à tâtons. Chiffrer la façade par exemple a été très compliqué.
Et avec le Fonds régional d’art contemporain d'Ile-de-France ?
J’ai voulu travailler sur des cas d’espèce, prendre des pièces précises et voir comment elles pouvaient être montrées dans le bâtiment existant. Nous avons choisi quelques œuvres parmi les plus difficiles à montrer et réfléchi à la meilleure manière de les donner à voir. L’idée était de laisser toutes les possibilités ouvertes, c’est pour cette raison que nous n’avons pas construit une architecture à l’intérieur du bâtiment, mais opté pour un plan ouvert. Il n’y a aucun poteau, par exemple, sauf ce qui est absolument nécessaire et imposé. C’est un plateau ouvert que le Frac peut utiliser comme il le souhaite. Enfin, nous ne voulions pas préjuger de la vie future du bâtiment. C’est une philosophie partagée par beaucoup d’architectes aujourd’hui que celle de livrer des espaces qui sont des champs de possibles.
Que souhaitez-vous pour ce lieu, que voudriez-vous qu’il devienne ?
J’aimerais que ce soit un lieu de vie, que les gens qui viennent se promener dans le parc aient envie de pousser la porte du bâtiment et découvrent un peu par hasard une exposition. Je voudrais qu’il symbolise cette idée, partagée par le directeur du Frac, Xavier Franceschi, mais aussi par Laurent Le Bon [directeur du musée Picasso NDLR] ou par Jean de Loisy [directeur du Palais de Tokyo NDLR] entre autres, d’un lieu exigeant – tant du point de vue du choix que de la manière de montrer les œuvres – et ouvert au grand public.
Le Château de Rentilly : une programmation axée sur la présentation de la collection du Frac Ile-de-France
- Dans le cadre de son projet de développement multi-site, le Frac Ile-de-France est invité à investir le château de Rentilly réhabilité par la Communauté d’agglomération de Marne et Gondoire et transformé par l'artiste-plasticien Xavier Veilhan, les architectes Bona-Lemercier et le scénographe Alexis Bertrand. Avec le Plateau à Paris, il s’agira du deuxième lieu du Frac. Sa programmation sera axée sur la présentation de sa collection ainsi que celle d’autres collections invitées, publiques ou privées, françaises ou étrangères.
- La réhabilitation du château a été réalisée par la Communauté d’agglomération de Marne et Gondoire, avec le soutien de la Région Ile-de-France, du Ministère de la Culture et de la Communication – Drac Ile-de-France au titre de la commande publique et du Département de la Seine-et-Marne.
- Première exposition : « Explore », du 22 novembre 2014 – 22 mars 2015. Sélection d’œuvres du Frac Île-de-France : Dove Allouche, Pierre Bismuth et Michel Gondry, Philippe Decrauzat, Mark Geffriaud, Laurent Grasso, Caroline Mesquita, Ulla von Brandenburg, Xavier Veilhan. Commissaire : Xavier Franceschi, directeur du Frac Ile-de-France.
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