On a coutume de dire au sujet de l’Arena Nanterre La Défense qu’elle se situe dans le prolongement de l’axe historique qui va du Louvre à la Grande Arche de La Défense, en passant par les Champs-Élysées. C’est déjà une façon de l’inscrire dans un espace territorial très large...
On s’est longtemps demandé jusqu’où irait cet axe. En réalité, il continue. L’établissement public d’aménagement de la Défense Seine Arche est en train de l’aménager et ce nouvel équipement, l’Arena Nanterre La Défense, en est l’illustration. L’importance de ce symbole m’a poussé à être particulièrement attentif à la position du bâtiment. J’ai notamment décidé de créer une grande entrée sur l’axe, car il me semblait qu’il fallait manifester la présence de cet équipement dans le prolongement de la perspective de la façon la plus visible qui soit.
Une sorte de bracelet Art Déco entoure l'Arena, il donne une présence à ce bâtiment hors-norme, qui n’est ni un grand centre commercial, ni un grand ensemble de bureaux
Comment avez-vous inséré cet équipement gigantesque dans son environnement immédiat ?
Il y aura une vie autour du bâtiment. Nous avons cherché à la faire exister au maximum. Les bureaux sont l’endroit le plus urbain avec une entrée sur l’angle ; il y aura un café en face, un lieu d’attente où les gens pourront se donner rendez-vous à l’intérieur, une cour, un jardin… nous ne voulions pas que ces bureaux soient isolés. Il n’était pas possible bien sûr de généraliser les cafés et les restaurants en raison de la nature même de l’équipement – un grand stade avec de nombreuses entrées et sorties de sécurité – mais sur les bords de l’Arena, côté Grande Arche, nous avons eu l’idée de trois rangées d’écailles, comme une sorte de bracelet Art Déco. Alternativement en verre et en métal, elles éclairent les vestiaires et les loges. C’est un élément assez doux qui se trouve sous le grand bloc de béton de la tribune supérieure. Elles donnent une présence à ce bâtiment hors-norme inséré entre quatre rues qui n’est ni un grand centre commercial, ni un grand ensemble de bureaux. L’acoustique a naturellement été un autre grand chantier. Il était indispensable qu’elle soit complètement absorbante. Si un groupe de musique vient répéter l’après-midi, il ne doit pas empêcher les bureaux de travailler, même chose pour les manifestations le soir avec les appartements à proximité. Les fonctions sont donc entièrement indépendantes et désolidarisées. Le chantier sera terminé fin 2017.
Vous participerez le 17 juin à l’Atelier international du Grand Paris. Le territoire francilien est-il en train de réaliser « l’extraversion » que vous appeliez de vos vœux ?
Il me semble que la volonté de réaliser le Grand Paris est de plus en plus partagée par les habitants, les élus et les professionnels, même si certaines contraintes de nature politique, technique ou économique ne nous permettent pas toujours d’aller aussi vite qu’on pourrait le souhaiter. Je pense par exemple au territoire d’Orly sur lequel nous avons commencé à travailler. On sent que le potentiel est immense, tous les acteurs sont enthousiastes, les grands groupes de construction notamment ne demandent pas mieux que d’investir sur ces grands projets sous la vigilance de la puissance publique. Autour de ces grands projets, il faut qu’il y ait des habitations, de la vie, c’est cela l’extraversion. Je parle d’endroits qui se trouvent à 7 km de Notre-Dame. Comparé à d’autres métropoles – celle de Sao Paulo fait 80 km ! – ce n’est rien 7 km, avec des bons transports, on peut y arriver.
Vous parlez souvent du magnétisme de certains lieux ?
Je parle de magnétisme pour évoquer les endroits où les gens voudraient être ; malheureusement, ce n’est pas très fréquent en périphérie, il faut donc les inventer, certains du reste sont en train de voir le jour. Partout dans le monde, le centre des villes est glamour, magnétique. Un habitant de Clichy-Montfermeil qui accueille son cousin aura tendance à lui donner rendez-vous sur les Champs-Élysées. Il voudra lui montrer la grande ville. Or, cette grande ville, c’est aussi la métropole qu’il habite, c’est Clichy, Le Bourget, Créteil, autant que Paris.
Nous continuons à avoir besoin de nous rencontrer, l’un des rôles de l’architecte est de faire attention à cette vie physique
Comment fait-on pour réinventer l’espace physique quand celui-ci a tendance à être supplanté par l’espace immatériel ?
Un des rôles de l’architecte est précisément de faire attention à cette vie physique. Certes, nous sommes dans une ville industrielle à déplacement mécanique et tous les territoires éloignés ne nous ont jamais semblé si proches, grâce à internet et à la géolocalisation. Pourtant nous continuons à avoir besoin de nous rencontrer. On doit pouvoir sortir de chez soi et trouver une école, des commerces à proximité, on doit pouvoir ne pas avoir peur. Il ne faut surtout pas aller vers du foncier loin de tout qui ne ferait qu’accroître le risque de ghetto. J’ai coutume de parler de lignes agrégatives. Je prends un exemple : au Bourget, la Nationale qui traverse la ville est aujourd’hui un tuyau à voitures, elle est vécue comme un séparateur ; de sorte que nous avons travaillé pour que les camions sortent directement sur l’autoroute ; le jour où cela se fera, le boulevard pourra revenir avec des feux, des arbres, des commerces, on aura alors une continuité, une ligne agrégative, autrement dit, une ligne qui va agréger la vie. Plus la ville est grande, plus c’est difficile, mais le travail sur cette appropriation physique est capital. Nous faisons au quotidien l’expérience de notre appartenance aux mondes industriel et cybernétique, mais en même temps nous ne sommes pas différents de l’homme du néolithique – cet homme qui, il y a 10 000 ans, a construit les premières villes –, nous nous parlons, nous marchons, nous mangeons… si on oublie cet homme-là, on fait complètement fausse route.
Mois de l’architecture en Ile-de-France, 2e édition
« L’Extra-ordinaire métropole » que met à l’honneur cette deuxième édition du Mois de l’architecture en Île-de-France (1er-30 juin) n’est autre, bien sûr, que le Grand Paris. « Extra, parce qu’à travers le travail sur la forme et l’espace, et les grands projets urbanistiques et immobiliers, la création architecturale a également le pouvoir de refaçonner le réel (…), Ordinaire, parce qu’en construisant la ville, en offrant un habitat, un paysage, un cadre de vie quotidien et commun aux citadins, l’architecture contemporaine s’inscrit dans son temps (…), Métropole, parce qu’une identité et une conscience métropolitaine qui transcendent le territoire ordinaire de l’aire urbaine sont en train d’émerger » explique Jean-François Carenco, le Préfet de la région Île-de-France, qui organise la manifestation aux côtés de la Direction régionale des affaires culturelles d’Île-de-France et de ses partenaires, Maison de l’architecture, Ordre régional des architectes et Union régionale des conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement. « La cohérence architecturale et paysagère dépasse Paris intra-muros, un ensemble métropolitain existe bel et bien, il précède l'identité métropolitaine en devenir », ajoute Jean-Pascal Lanuit, directeur régional adjoint de la DRAC.
Parmi les temps forts, outre les visites prévues les 2, 8 et 14 juin de la future Arena 92 conçue par l’architecte Christian de Portzamparc, on notera le 4 juin la journée inaugurale « KM1 » (kilomètre 1) qui marquera le lancement des travaux du Grand Paris Express - le plus grand projet d’aménagement d’Europe avec 200 km de nouvelles lignes de métro automatique - et de la programmation culturelle et artistique qui l’accompagne : sur le chantier de la gare Fort d’Issy - Vanves - Clamart conçue par l’architecte Philippe Gazeau où démarrent les travaux du futur métro, performances, concerts ou encore ballades urbaines rythmeront la journée ; le 17 juin, un Atelier international du Grand Paris à la Maison d’architecture sous le signe de l’analyse et de la réflexion six ans après la consultation organisé en 2008 en présence notamment des architectes - Roland Castro, Paul Chemetov, Yves Lion, Finn Geipel, Antoine Grumbach, Christian de Portzamparc - qui y ont participé ; le 18 juin, une visite guidée des Halles en deux étapes : la Canopée commentée par Patrick Berger et le jardin Nelson Mandela expliqué par David Mangin ; le 25 juin, la restitution des initiatives qui ont permis de révéler les espaces publics de l’Île-Saint-Denis accompagnée d’intervention sur sites aux noms aussi poétiques qu’aguicheurs, la possibilité d’une île, Fleurs de pétrole…Au total, des dizaines de manifestations sur l’ensemble du territoire qui toutes sensibiliseront le grand public, et notamment les jeunes, aux enjeux de l’architecture contemporaine.
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