Une réforme d'ensemble. Inscription dans la loi, statut de l’élève, transmission, formation, soutien financier... telles sont les principales pistes de réforme du secteur des métiers d’art et des Maîtres d’art évoquées par Fleur Pellerin le 8 décembre à l’occasion de la remise du titre de Maître d’art à neuf nouveaux artisans d’exception. Première de ces mesures : la reconnaissance très symbolique des métiers d’art dans le projet de loi sur la liberté de création, l’architecture et le patrimoine voté en première lecture à l’Assemblée nationale. « Cette inscription dans la loi, n’est pas seulement une reconnaissance, c’est un vrai choix politique, a défendu Fleur Pellerin. Parce que vos métiers et tous les métiers d’art, du design et de la mode, sont aujourd’hui des compétences et techniques qui sont essentielles au développement et au rayonnement de la France ».
Un soutien financier. Créé en 1994, le dispositif des Maîtres d’art, qui a vu l’éclosion en 20 ans de 124 professionnels d'exception, connaît aujourd’hui – notamment d’un point de vue économique – de « profondes mutations ». Mais il n'est pas le seul : c'est l'ensemble de la filière des métiers d'art, constituée dans la majorité des cas de PME ou de TPE souvent fragiles, mais aussi de 1 200 professionnels relevant du ministère de la culture et de la Communication, qui subit ces changements. Pour y remédier, Fleur Pellerin entend d’abord apporter des solutions économiques à leur développement. « Vous pourrez bientôt compter sur l’aide et l’appui du fonds de soutien aux métiers d’art que j’ai voulu mettre en place. [Abondé par le ministère de la Culture et de la Communication et les Ateliers d’art], il sera opérationnel dès le premier trimestre 2016 », a-t-elle assuré aux professionnels.
Un statut de l'élève. Mais le principal point de la réforme de Fleur Pellerin sur les Maîtres d’art est l’accent qu'elle entend porter sur l'élève. « L’un des enjeux principaux concerne la place de l’élève au sein du dispositif, la valorisation de sa formation et son insertion dans le monde du travail », a-t-elle affirmé. À partir d’une étude de la Fondation Schueller-Bettencourt qui s'engage par ailleurs à accompagner le dispositif, la ministre a détaillé les mesures envisagées pour « la construction d’un vrai référentiel de formation ». En premier lieu, « le statut de l’élève sera consolidé », en veillant à ce que « le contrat qui lie l’élève au maître d’art soit complété et enrichi si nécessaire, pour qu’il corresponde à ses besoins ». Deuxième objectif : « l’ouverture » du parcours de formation à des disciplines transversales, telles que la gestion ou l’apprentissage des langues, mais aussi à une plus grande « mobilité, notamment à l’international ». Enfin, la durée de la formation doit pouvoir être modulée en fonction des projets. « Nous avons jusqu’à présent fixé un cadre de 3 ans, mais ce pourrait être 2 comme 4 ans. Dans ces conditions nouvelles, pour que la relation entre le Maître et l’élève soit la plus solide possible, nous consoliderons le cadre contractuel».
Maître/élève : paroles croisées
Sylvain Le Guen, tabletier-éventailliste. “Je souhaite me concentrer uniquement sur la création, mais avant de franchir ce pas, il faut que je transmette mes connaissances en matière de restauration. A terme, Yolaine (son élève) pourra redonner vie à tous les éventails en souffrance que je n'ai pas le temps de traiter”.
Virgile Bardin, élève de Bertrand Cattiaux, facteur et restaurateur d'orgues. “C'est une aubaine de pouvoir apprendre les choses posément, sans avoir la pression de la rentabilité... J'ai déjà une certaine expérience, mais il me manque la maîtrise de l'harmonie qui est la phase finale de la réalisation. Le facteur doit mettre sa patte pour obtenir la sonorité de l'instrument. Ce savoir-faire bien particulier se transmet très peu dans la profession”.
Fanny Boucher, héliograveur. “ Je n'ai pas choisi mon élève. C'est lui qui s'est imposé à moi. L'idée de transmission est venue naturellement. Nous aurons de longs moments pour innover, reconsidérer la technique, ouvrir l'héliogravure. Mon rôle, c'est de concrétiser les rêves d'Antonin (son élève). Le but est qu'il aille plus loin que moi”.
Céline Bonnot-Diconne, conservatrice-restauratrice d'objets en cuir. “Ce n'est pas très satisfaisant de se dire qu'on est la seule à détenir un savoir. Les stagiaires ne font que passer. J'avais vraiment envie de transmettre dans la durée”.
9 nouveaux Maîtres d’art en 2015
Fanny Boucher, héliograveuse. Helio’g (Meudon, Île-de-France) / Élève : Antonin Pons Braley, 26 ans
Céline Bonnot-Diconne, conservatrice-restauratrice de cuir. Centre de conservation et de restauration du cuir, 2CRC (Moirans, Rhône-Alpes) / Élève : Marie Heran, 45 ans
Jacques Bréjoux, fabricant de papier. Moulin du Verger de Puymoyen (Puymoyen, Poitou-Charentes) / Élève : Amandine Camp, 30 ans
Bertrand Cattiaux, facteur et restaurateur d’orgues. Atelier Bertrand Cattiaux (Liourdes, Limousin) / Élève : Virgile Bardin,32 ans
Armand Klavun, couvreur en chaume. Art et tradition du chaume (Monestier-Port-Dieu, Limousin) / Élève : Cédric Verdier, 33 ans
Sylvain Le Guen, éventailliste. LG éventails (Paris, Île-de-France) / Élève : Yolaine Voltz, 28 ans
Hervé Obligi, marqueteur de pierres dures. (Montreuil-sous-Bois, Île-de-France) / Élève : Camille Berthaux
Yves Reeman, gainier et doreur sur cuir. (Thonon-les-Bains, Rhône-Alpes) / Élève : François Claessens
Jean-Marc Schilt, souffleur de verre. Centre international d’art verrier (Meisenthal, Lorraine) / Élève : Sébastien Maurer
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